LE RAPPORT QUI REPENSE L’EMPLOI DES SENIORS

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Sophie Bellon, Présidente du Conseil d’administration de Sodexo a remis au Premier ministre son rapport sur l’emploi des « travailleurs expérimentés ». Un changement de dénomination positive pour évoquer les seniors. Elle y développe 38 pistes pour inverser une politique désastreuse qui conduit selon les termes d’un autre rapport accablant de la Cour des Compte à maintenir « ce segment de la population (…) dans une forme de trappe à pauvreté ».

Les constats d’échec sur la politique de l’emploi des seniors fleurissent dans le contexte de la réforme de la retraite. Didier Migaud, premier président de la Cour des Comptes pointe l’inefficacité des politiques publiques en la matière dans un rapport adressé au Premier ministre. Le 14 janvier, lui succède le rapport Bellon rédigé sur la base de 70 auditions émanant de divers acteurs de la société (entreprises, experts ressources humaines, protection sociale, emploi, formation).

Les auteurs se sont forgés des convictions qui invitent à sortir du cadre purement législatif. Ils appellent à une « révolution culturelle individuelle et collectif ». Car constatent-ils « l’idée que le déclin professionnel en milieu de vie est une donnée immuable semble encore très partagée ». Pour preuve, les chiffres de l’emploi des 55-64 ans sont à la traine au niveau européen : 52,1% en 2018, contre 58,7% pour l’ensemble de l’Union européenne. Le rapport insiste sur la nécessité d’une volonté politique à long terme pour aborder le sujet du vieillissement de manière cohérente.

Sortir du prisme de la retraite

Ainsi, il serait vain de limiter les enjeux de l’emploi des « travailleurs expérimentés » à la réforme de la retraite. Sophie Bellon constate que la situation a été « façonné à rebours des évolutions démographiques et sociologiques du pays ». Comment ne pas faire le grand écart entre l’allongement du temps de travail imposé par la loi et les représentations du vieillissement ? L’équation passe par un changement de paradigme. Le rapport propose de faire « évoluer profondément nos représentations liées à l’âge » en se concentrer sur la valeur ajoutée de l’expérience dont pourrait mieux profiter les entreprises.

Alors que l’âge moyen de départ à la retraite ne cesse de reculer en France et ailleurs, que l’espérance de vie progresse, il y a urgence à agir. C’est toute l’ambition des propositions que nous formulons dans ce rapport. Mais les dispositifs juridiques ou techniques ne suffiront pas : la société tout entière, et notamment les entreprises, doivent se mobiliser pour rendre plus forte la conscience de la valeur de l’expérience. C’est pourquoi la mission recommande l’organisation d’ »Assises du vieillissement actif au travail ».

Sophie Bellon

L’emploi des seniors perçu avec fatalisme

Pour contrer « le fatalisme » ambiant sur l’emploi des seniors, le rapport propose des mesures concrètes autour de 5 axes prioritaires. Prendre en charge « le bien vieillir » avec la mise en place de politique de prévention et de santé au travail. « La condition de vieux travailleur ne renvoie pas seulement à des caractéristiques personnelles, à l’âge en particulier (…) si, du fait d’un environnement mal adapté on se sent « vieux travailleur », et perçu comme tel dans l’entreprise, on préférera accéder dès que possible au statut plus enviable de ‘jeune retraité » (Volkoff, Wolff, Molinié, 2017 ) cite les rapporteurs. Une prise en compte socio culturelle inévitable pour modifier la représentation négative des seniors.

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Valoriser l’expérience professionnelle des seniors

Le 2ème axe préconise un renforcement de la formation à mi-carrière avec un objectif de « préparation à la retraite active ».« Le système français de formation continue n’est pas spécialement favorable au développement des compétences « tout au long de la vie » » précise le rapport. Il propose un bilan de compétence « salarié expérimenté » (à partir de 20 ans d’expérience), avec une prise en charge financière à coût 0 pour le salarié. Par ailleurs, il souligne que ces formations pourraient se faire dans l’objectif d’une reconversion. Enfin pour valoriser l’acquis professionnel, mieux identifier et valoriser ces salariés comme « producteurs et transmetteurs de savoirs ».

L’exemple de la Finlande et du Japon

Faciliter les mobilités et les évolutions professionnelles est un axe pour repenser une évolution de carrière linéaire et hiérarchique. A l’exemple de la Finlande et le Japon, le rapport retient la nécessité de décloisonner les carrières à l’ancienneté. «  Il a été inventé des fonctions hors hiérarchie tournées vers le conseil, le tutorat, la transmission de l’expérience ». Une meilleure organisation du cumul emploi retraite est une autre piste notamment pour les femmes. « Plus d’une retraitée sur deux (55 %) en situation de cumul emploi-retraite est employée ou ouvrière, contre 27 % des hommes (DREES, 2019) ».

La coordination entre les différents ministères impliqués dans la réforme a été l’une des clés de la réussite finlandaise. Il en a été de même au Japon avec la coordination étroite qui unit les différents acteurs économiques (…) changer les mentalités, construire un nouveau consensus, faire accepter un nouveau compromis salarial sont des processus nécessairement lents. Ils requièrent un engagement sans faille des autorités publiques sur la question de l’emploi et beaucoup de concertation, de coordination et d’anticipation .

Guillemard « L’emploi des seniors, les enseignements de l’Europe et du Japon »

La retraite progressive

Pour éviter les fins de carrière brutales, le rapport Bellon souhaite élargir la mise en place de la retraite progressive. Pour éviter les fins de carrière brutales, les auteurs recommandent d’élargir la mise en place de la retraite progressive. « La mise en place date de 1988, est aujourd’hui encore très peu connue, très peu utilisée et l’est majoritairement par les femmes » soulignent-ils. Ce dispositif permet, à partir de 60 ans, de percevoir une partie de sa retraite tout en exerçant une ou plusieurs activités à temps partiel. Parmi les expérimentations pratiquées au Canada et au Royaume-Uni, le rapport retient une autre piste avec l’aménagement « raisonnable » de l’organisation du travail en fonction des besoins et des contraintes des salariés de plus de 50 ans.

Changer les représentations du vieillissement

Enfin, le rapport invite à changer les représentations du vieillissement. Peut-être le chantier le plus difficile. Les stérétoypes ont la vie dure. « Coûteux, résistants au changement, difficiles à manager, lents dans les apprentissages, peu innovants, pas assez engagés, trop usés, insuffisamment productifs… ». L’âge reste le premier critère de discrimination dans le travail. Pour y remédier et revaloriser l’emploi des seniors, les auteurs pronent l’inclusion et la dynamique intergénérationnelle valorisées dans un label « diversité ».

Comments · 1

  1. la tendance à l’augmentation de la durée de la vie professionnelle pour prendre sa retraite impose aussi au minimum de reconsidérer les aménagements du poste, de l’organisation et de l’environnement de travail des seniors pour éviter l’augmentation des risques professionnels liés à cette catégorie de travailleurs :  » La prévention des risques professionnels des seniors  » : http://www.officiel-prevention.com/protections-collectives-organisation-ergonomie/ergonomie-au-poste-de-travail/detail_dossier_CHSCT.php?rub=38&ssrub=164&dossid=344

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