DES « QUARTIERS SANS RELOUS », VRAIMENT ?

Marlene Schiappa
illustration ©Nantilus wikiCommons

La ministre déléguée à la Citoyenneté, Marlène Schiappa, a annoncé la semaine dernière la création de « quartiers sans relous » pour lutter contre le harcèlement de rue. Une opération de com au détriment des femmes.

Marlène Schiappa est à l’origine de la création du délit d’outrage sexiste, une mesure de la loi contre les violences sexistes et sexuelles adoptée en 2018, alors qu’elle était secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes. Nommée en juillet 2020 ministre déléguée à la Citoyenneté, elle a décidé de renforcer la lutte contre le harcèlement de rue en annonçant plusieurs mesures la semaine dernière. 

L’objectif : « éradiquer le harcèlement de rue » en créant des « QSR, des quartiers sans relous« , comme elle l’a déclaré dans une interview à 20 Minutes.  Sans « relous » en verlan dans le texte, c’est-à-dire sans « lourds ». Le profil des harceleurs de rue selon Marlène Schiappa. Elle compte ainsi mettre au point une cartographie des « zones rouges où les femmes ne peuvent pas circuler librement », « sur la base des verbalisations, des plaintes enregistrées, des observations des forces de l’ordre et des remontées des associations concernées ». 

Une formation dédiée pour tous les policiers et les gendarmes

Marlène Schiappa a annoncé que 2000 policiers pourront y intervenir en civil afin de constater des infractions de harcèlement de rue. À BFMTV, elle a précisé qu’ils seront aussi déployés dans les transports en commun ou aux abords des gares. L’ancienne secrétaire d’Etat indique que tous les policiers et gendarmes bénéficieront à terme d’une nouvelle formation dédiée à la lutte contre le harcèlement de rue. Chaque année, le ministère de l’Intérieur publiera un baromètre du harcèlement de rue pour mesurer la réalité du phénomène. Le premier est attendu en août. 

Le harcèlement de rue ce n’est pas juste « relou« 

Malgré l’objectif affiché, les associations féministes ont accueilli froidement ces annonces. . L’emploi du mot « relous » dans la communication de la ministre déléguée à la Citoyenneté est assez mal passé. Géraldine Mosna-Savoye a ironisé sur son caractère « ringard » dans sa chronique « Carnet de philo » sur France Culture. Et sur le fait que c’était un mot qui portait son « propre stigmate », celui d’être à la fois lourd dans le fond et dans la forme. La militante féministe Caroline de Haas encourage à utiliser « les bons termes » : « violences sexistes et sexuelles », « violences masculines », » harcèlement sexuel ou agression sexuelle », plutôt que « comportements déplacés, inappropriés ou relous ».

Le risque d’une stigmatisation d’une partie de la population

Certains estiment que l’emploi du terme  » relous » par la ministre déléguée à la Citoyenneté est stigmatisant. Comme si les hommes à l’origine du harcèlement de rue étaient forcément les hommes pauvres et racisés plutôt que les homme blancs et « possédant », analyse la sociologue Kaoutar Harchi. La porte-parole d’Osez le féminisme, Ursula Le Menn, a également dénoncé auprès de Libération « une sorte de récupération des idées féministes pour stigmatiser une partie de la population, notamment les classes populaires ou certains territoires ».

Le harcèlement de rue n’existe pas, le harcèlement sexiste oui

Surtout, plusieurs associations comme Osez le féminisme ont dénoncé un « énième plan comm du gouvernement sans rien derrière ». Pour l’association, « le harcèlement « de rue » n’existe pas, c’est le harcèlement sexiste qui existe ». « Et les hommes harcèlent les femmes qu’ils soient dans la rue, en entreprise ou dans le bureau du maire de Tourcoing », faisant ici une allusion aux poursuites pour viol à l’encontre du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.

« Si on veut fonctionner ainsi, la France entière est une zone rouge », a également déclaré à Libération Diariata N’Diaye, fondatrice de l’association Resonantes et de l’application App’Elles, qui permet aux femmes de signaler un danger. Elle interpelle alors sur la culpabilisation que les femmes pourraient ressentir : « S’il m’arrive quelque chose, on pourra me rétorquer que c’est de ma faute, car c’est une zone rouge et que j’aurais mieux fait de l’éviter. » 

Une fois encore, les femmes devront porter les stratégies d’évitement afin de ne pas croiser ces mal nommés « relous ». Il est urgent de modifier le logiciel des politiques publiques qui conduisent à la double pénalisation des femmes en matière de violence. Non seulement victimes de harcèlement sexuel, elles doivent également quitter leur domicile lorsqu’elles sont victimes de violences familiales. Une exclusion insupportable. Selon un sondage Ipsos de 2020, 81 % des Françaises ont déjà été victimes de harcèlement sexuel dans les lieux publics, rues, places, lotissements, impasses ou quartiers confondus. 

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