Avoir une sexualité mouvante n’est pas cantonné aux prémices de la vie sexuelle. Une étude réalisée sur une période de six ans au Royaume-Uni révèle que les femmes âgées sont celles qui sont les plus susceptibles de changer la façon dont elles définissent leurs préférences sexuelles.
Est-on condamné à être hétérosexuel toute sa vie ? Pas forcément, a constaté une étude publiée en juin dans la revue spécialisée Demographic. Deux sociologues, Yang Hu de l’Université de Lancaster (Royaume-Uni) et Nicole Denier de l’Université de l’Alberta (Canada), ont passé au crible les déclarations de plus de 22 500 personnes représentatives de la société britannique effectuées à deux reprises, sur une période de six ans.
« Nous avons mené cette recherche parce que nous savions que l’identité sexuelle était fluide, mais nous ne savions pas à quel point, a déclaré auprès du Guardian l’auteur principal de l’étude, le professeur Yang Hu. Nous voulions également savoir comment cette fluidité variait en fonction des différents groupes démographiques. » L’identité sexuelle signifie ici pour les chercheur·ses la manière dont une personne perçoit et définit son orientation sexuelle, qu’elle corresponde ou non à ses attirances ou ses pratiques sexuelles.
Au total, 6,6 % des personnes interrogées ont déclaré un changement dans la définition de leur identité sexuelle entre leur première déclaration effectuée entre 2011 et 2013 et leur deuxième, réalisée entre 2017 et 2019. Cela représente près d’1 personne sur 15 à l’échelle de la population britannique.
Des changements aussi significatifs chez les jeunes que chez les +de 65 ans
C’est en particulier vrai chez les jeunes (16-24 ans), dont 7,9 % ont affirmé avoir changé d’orientation sexuelle en six ans… mais aussi chez les personnes âgées de plus de 65 ans, dont 7,4 % ont effectué la même trajectoire. En comparaison, seuls 5 à 6,2 % des 25-64 ans ont répondu par l’affirmative.
« De nombreuses recherches ont portées sur l’adolescence en tant qu’étape critique du développement de l’orientation sexuelle », a précisé de son côté Nicole Denier. « Mais nos résultats suggèrent que les changements d’identité sexuelle représentent un sujet de recherche tout aussi digne d’intérêt chez les personnes âgées et, en fait, tout au long de la vie. »
Les femmes de plus de 65 ans, les personnes non blanches, les moins diplômé·es…
Changer d’orientation ou d’identité sexuelle n’est donc pas cantonné aux prémices de la vie sexuelle. Des différences genrées pointent également : la mobilité de l’orientation sexuelle est moindre chez les hommes (5,7%) que chez les femmes (6,3 %). Ainsi, les femmes de plus de 65 ans constituent l’un des groupes démographiques les plus « fluides » sexuellement.
La variation de l’identité sexuelle est également trois fois plus probable chez les personnes appartenant à une minorité ethnique non blanche (15,5 %) que chez les personnes blanches (5,0 %). Ce sont également les personnes qui possèdent le moins de diplôme qui affirment le plus avoir changé d’identité sexuelle.
Des raisons encore à explorer
Les personnes qui s’identifient comme bisexuelles, à d’autres identités ou qui préfèrent ne pas divulguer leur identité sexuelle sont celles qui présentent la plus grande mobilité d’identité sexuelle. En revanche, la mobilité la plus faible a été observée chez les personnes s’identifiant comme hétérosexuelles, avec seulement 3,3 % d’entre elles qui ont déclaré avoir changé d’identité.
L’étude n’explore pas les raisons des changements d’identité sexuelle, mais Yang Hu estime que les personnes âgées entre 25 et 64 ans pourraient être moins enclines à changer d’identité sexuelle en raison de la pression exercée par l’environnement de travail et d’autres institutions sociales.
« Les théories existantes suggèrent que les normes rigides autour de la « masculinité » entraînent moins de flexibilité ou de fluidité chez les hommes dans l’expression de leur identité sexuelle », décrit Nicole Denier. En ce qui concerne les minorités ethniques et raciales et les personnes moins éduquées, la sociologue estime que ces groupes, « plus sensibles à de multiples formes de pression sociale et de stress » liés à leur place dans la société, ce qui pourrait « influencer leur identification et leurs déclarations d’identité ».
Plusieurs coming out possibles tout au long de la vie
La LGBT Foundation, l’une des plus grosse organisation pour la défense des droits des minorités sexuelles, a réagi à ces résultats auprès du Guardian : « Nous espérons que cette étude remettra en question plusieurs hypothèses sociétales et sensibilisera au fait que les gens peuvent faire leur coming out plus d’une fois », a déclaré Ibtisam Ahmed, responsable du département de recherches auprès de la fondation.
« Cette étude remet également en question l’une des idées reçues, à savoir que les personnes LGBTQ+ ont tendance à être plus jeunes ou qu’il s’agit d’une « tendance » chez les jeunes », a-t-il ajouté.
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