LES CORPS VIEILLISSANTS ONT-ILS DROIT AU SUMMER BODY ?

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À tout âge, le corps féminin suscite des réflexions. De l’enfance où l’on sexualise les plus jeunes, à l’âge adulte où les corps sont scrutés dans leurs moindres détails, les femmes ne connaissent pas de répit dans l’observation minutieuse et la critique permanente de leurs corps. De fait, l’été et la chaleur ne sont que plus propice au passage à la loupe des physiques féminins. Quelle place les corps vieillissants se voient-ils alors attribuer ? Trop jeunes pour être cachés mais trop vieux pour être exhibés, les corps féminins vieillissants sont une fois de plus dans une position d’entre-deux injustifiée.

L’été, les vacances et les sorties à la plage signifient que les corps vont apparaître dénudés de manière plus récurrente à la plage, dans les villes et au quotidien. Si dans la vie de tous les jours, les corps sont soumis à une discipline particulière (code vestimentaire, règles de bienséances, attentes particulières…), les vacances sont souvent le lieu d’une levée de ces attentes. Il est toutefois aisé de constater que les corps féminins et les corps masculins ne connaissent pas des autorisations égales, même une fois l’été venu.

Une discipline des corps permanente

Dans les sociétés patriarcales et occidentales, tout est mis en place depuis l’enfance pour que les femmes considèrent leurs corps comme la raison de leur infériorité par rapport aux hommes. Heureusement, des actions concrètes sont mises en place pour remédier à de telles constructions sociales. C’est pourquoi l’été les problèmes de confiance en soi sont multipliés lors des sorties en tenue plus légère, notamment en raison du « male gaze » sur les corps féminins. Selon une étude de statista, 88% des hommes regardent plus les femmes que les hommes à la plage.

D’après Foucault dans Surveiller et Punir (1975), le corps est un outil de pouvoir. Tout rapport de pouvoir part du corps et s’exerce sur lui. Le corps est donc un outil élémentaire dans tous les rapports de domination. Il est un point de départ pour expliquer la domination masculine sur les femmes : le corps féminin en tant que tel est déclaré comme inférieur à la naissance. Mais qu’en est-il du corps féminin quand il vieillit ?

Une vision renforcée par les médias

Les corps vieillissants subissent des commentaires désobligeants. Ces remarques se trouvent sans doute légitimées par les discours médiatiques et publicitaires “anti-âge”, alors même que le vieillissement ne peut être empêché. En entraînant les esprits à considérer le vieillissement comme une source de peur, ces corps sont perçus comme une incarnation de la dégradation et sont rejetés des représentations collectives de normalité. L’été qui pourrait être l’occasion d’une grande libération de ces corps vieillissants ne parvient qu’à justifier une incarnation de ce que chacun espère “ne pas devenir”.

Les corps sexualisés

Cela viendrait-il de l’idée que les corps vieillissants sont incapables de se reproduire ? Les corps féminins sont adulés tant qu’ils demeurent capables de produire la vie. Dès lors que la ménopause entre en jeu, les femmes sont ignorées, rendues invisibles et leurs corps cachés. Pensez par exemple à toutes ces marques de vêtements qui créent des coupes larges et ternes pour les femmes vieillissantes, menant à l’effacement du corps. Ceci expliquerait que la société attende des femmes vieillissantes qu’elles cachent leurs corps. Le cas de cette mère qui s’est vu demander d’arrêter d’allaiter son bébé en public à Disneyland Paris serait de la même manière l’illustration qu’un corps ne peut-être exhibé qu’à condition d’être sexualisé. Un corps qui se rapporte à la maternité ou en porte les traces ne serait plus légitime à être montré.

La pratique des seins nus à la plage en est un autre exemple. Car elle est respectée voire appréciée tant qu’elle reste dans le cadre des corps jugés sexuellement attrayants. Jean-Claude Kauffmann, sociologue établit une typologie de trois types de corps à la plage, parmi lesquels le corps “sexuel”, qui autorise un regard curieux à s’attarder sur la poitrine d’une femme et qui s’autorise lui-même à déroger à la norme en exhibant ses seins. Selon Kaufmann, ceux qui sont “trop gros ou trop âgés se sont rhabillés parce qu’ils ne se jugent plus dignes de s’exposer sur la scène du jugement”. Il existerait donc un phénomène d’auto-censure de la part des corps vieillissants. S’estimant eux-même trop vieux, trop dégradés ou trop éloignés du corps sexuel, les corps féminins vieillissants se priveraient de la liberté de se dévoiler. Une pression extérieure qui mène les femmes à se limiter elles-mêmes dans leurs droits.

Des corps contraints et inégaux

Et lorsqu’il y a des exceptions, elles renforcent en réalité les stéréotypes. Quand la mannequin tchèque Paulina Porizkova pose nue à 56 ans pour Vogue pour déjouer les stéréotypes âgistes, elle les renforce malgré elle en sous-entendant que les corps féminins vieillissants ressemblent au sien. Or, son corps se rapproche plus de celui des attentes de la société et du corps sexuel décrit par Kaufmann que du corps moyen des femmes de 50 ans.

Alors si l’été peut être perçu comme une période de libération des corps, il semble sans doute nécessaire de s’interroger sur les critères qui autorisent cette liberté. Les transgressions des normes liées à l’habillement ou à la quantité de tissus que les femmes portent semblent relatives à leur âge et leur apparence plutôt qu’universelles. L’été peut donc apporter avec lui de nombreux codes et attentes auprès des femmes vieillissantes et se révéler plus contraignant que libérateur pour les corps féminins.

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