LA SEXUALITÉ DES FEMMES DE 50 ANS, LE DERNIER TABOU

couverture "Il n'y a pas d'âge pour jouir" ©Larousse
couverture « Il n’y a pas d’âge pour jouir » ©Larousse

La psychanalyste Catherine Grangeard, 62 ans publiera le 7 octobre aux éditions Larousse « Il n’y a pas d’âge pour jouir », un titre punchy pour faire basculer le tabou de la sexualité des femmes après 50 ans. Une réponse en filgrane aux propos de Yann Moix qui avait déclaré qu’il ne pouvait aimer une femme de cette âge car elles étaient « invisibles ». Yann nous te dédions cet article.

Catherine Grangeard travaille depuis plus de 20 ans sur la représentation des corps féminins , particulièrement par le prisme de l’obésité. « Je reçois énormément de femmes et d’hommes qui peinent sur la question du désir et de la désirabilité » souligne la psychanalyste qui a mal digéré la sortie de Yann Moix sur la désirabilité des femmes de 50 ans. Elle choisit après avoir édité un premier ouvrage sur le corps de s’emparer du sujet de l’invisibilité sexuelle auprès de Larousse, son éditeur. « C’est un bouquin d’empowerment pour dire qui on est, pour ne pas être définie par l’autre ».

Le désir des femmes n’intéresse pas la société

Reproductives puis qualifiées d’obsolètes et d’inutiles, les femmes semblent suivre un destin tout tracé après 50 ans. « Le désir des femmes n’intéresse pas la société » affirme Catherine Grangeard, citant la sociologue Cécile Charlap qui s’interroge sur l’hyper médicalisation de la ménopause qui serait responsable de la perte de désir chez les femmes. Mais l’impuissance des hommes vieillissants peut générer moins de désir de la part des femmes hétérosexuelles argumente la spécialiste de l’obésité. « Les troubles de l’érection vont les angoisser. En se disant je suis moins désirable, elles ont de moins en moins de rapport, et de moins en moins de notion d’être désirables. et de ce fait elles deviennent moins désirantes car culpabilisant de susciter moins de désir ». Un cercle peu vertueux.

Nous n’avons plus l’âge de rougir parce que nous aurions envie d’avoir des relations sexuelles et que l’on nous dit qu’on est trop vieille.

Une question de vocabulaire

Le désir féminin dont s’empare peu les laboratoires car « jugé complexe » garde toujours une part de mystère. La raison serait d’abord liée au vocabulaire analyse Catherine Grangeard. « Les hommes ne connaissent pas le mot cyprine (sécrétion produite par le vagin lors de l’excitation sexuelle) alors que n’importe quel gamin ou gamine connaît celui de sperme. On va parler de la chatte, mais pas de la vulve. Un homme parlera du sexe d’une femme en nommant le vagin ou le clitoris ». Faire émerger la question de la sexualité des femmes de 50 ans ne peut ensuite se faire sans une sororité bien comprise entre les générations.

Une question de sororité

Mais souligne la psychanalyste « les féministes ne s’y intéressent pas ». Un désintérêt qu’elle explique en raison de leur lien avec leur mère. « Elles n’ont pas envie de parler de la sexualité de leur maman », mais est-ce suffisant pour expliquer le manque de relais des combats contre leur invisibilité ? La féministe pointe le soutien actif de sa génération au côté des luttes contre le harcèlement de rue, le tabou des règles, mais sans réciprocité. « Pourtant on reste femme jusqu’au bout de la vie. D’ailleurs Bourdieu dit que la sexualité des femmes de plus de 50 ans après la ménopause concerne toutes les femmes« . Le cloisonnement générationnel confine à l’invisibilité.

Le dernier tabou à faire tomber

L’autrice insiste sur la nécessité de mettre cet enjeu sur la place publique afin de « fédérer les âges » sur ce sujet. Ce « dernier tabou à faire tomber » repose sur une construction qui apprend dès le plus jeune âge aux petites filles à être (surtout) jolies. « On voit des femmes à poil sur les abri bus, elles ont toutes la même morphologie, le même âge, donc on a la trouille de pas être aimée, de ne pas être désirée ». Bien sûr le vieillissement impacte également les hommes mais dans une dimension qui n’est jamais physique. « Les femmes dépriment pour 3kg de trop et dix ans de trop » résume les injonctions physiques faites aux femmes qui les ont parfaitement intégrées.

Pour changer la donne Catherine Grangeard préconise de diversifier les modèles. « Lorsqu’il y a des corps différents dans la pub, la mode, les complexes fondent ». Et quelque chose de l’ordre de « la fierté d’être soi » incitera les femmes à transmettre à la génération suivante une image positive de l’âge. Condamner les femmes pour cette seule raison est aussi méprisant pour les hommes qui partagent leur vie. « On n’ose pas sortir avec ses cheveux gris, on n’ose pas mettre une jupe trop courte. On se dit ça s’est fini pour moi, et bien non si ça me plait, ce n’est pas fini. »

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