Dans une configuration restreinte la 32 ème cérémonie des Molières a pris des allures intimes sur la scène du théâtre du Chatelet. Diffusée en prime time sur France 2 sans public mais avec les lauréats, la soirée de remise de prix a été aussi l’occasion d’évoquer l’absence de parité dans les mots. Pour remettre le Molière de l’auteur francophone vivant décerné à Simon Abkarian, l’actrice Noémie de Lattre a pointé la difficulté de représenter les aspirations des femmes lorsqu’il est impossible de les nommer au féminin. Une résonnance certaine avec l’intiative d’offrir sa page wikipédia à « Une femme » en réponse à leur absence d’identification dans les médias.
Je suis actrice et j’ai souhaité remettre ce Molière de l’auteur francophone vivant parce que je suis aussi autrice et metteuse en scène, mais que je n’ai pas pu l’écrire. Non mon correcteur orthographique refuse ces deux mots. Il les souligne en rouge tout simplement. Enfin non d’ailleurs, il commence par me proposer en correction automatique autruche et menteuse en scène, je vous jure que c’est vrai ! Vous ferez le test : Noémie de Lattre autruche et menteuse en scène, j’adore ma vie !
Autrice
Mais ça ne concerne pas que moi justement et c’est précisément ce dont je voulais vous parler ce soir. Je ne peux pas m’empêcher de trouver ironique que pour récompenser la qualité d’une plume, la beauté d’une écriture, la force d’un verbe, la justesse des images suscitées par le mot parfait, nous décernions ce soir ce prix de l’auteur francophone vivant. Trouvant donc visiblement plus important de préciser que pour participer à cette compétition les candidats ne doivent pas être morts plutôt que de préciser qu’ils peuvent être des femmes. Voilà. Il me semble franchement que Molière de l’auteur ou de l’autrice francophone serait plus juste et sans doute ne blesserait personne. C’est l’avantage avec les gens décédés c’est qu’ils sont peu susceptibles.
Le mot auteur n’est pas neutre
Alors vous vous dites peut être on s’en fout ! Vous vous dites peut être peu importe du moment qu’elles peuvent participer à la compétition, du moment qu’elles peuvent le recevoir ce fameux prix, c’est le principal. Même si en français le mot vainqueur n’a pas de féminin, ce qui prédestine quand même un petit peu à l’échec. Peut être vous vous dites auteur c’est neutre alors pour vous montrer à quel point vous avez tort je vous engage à taper le mot auteur dans Google images par exemple et vous verrez qu’il faut attendre 40 photos avant d’avoir une image de femme et encore, c’est même pas un visage d’autrice c’est une photo d’illustration. En revanche en 3ème position nous avons Emile Moreau [NDLR effectivement il a sa page Wikipédia]. Qui peut me citer une œuvre majeure de monsieur Moreau ? ….
Voilà hum ! Donc La question que je me pose est la suivante : imaginons une petite fille qui rêve de faire un métier qui ne lui reconnaît pas de nom, qui ne lui propose pas de modèle, dans lequel elle ne sent jamais représentée faute de subventions ou de société pour elle. Pensez vous que cette petite fille aura les mêmes chances qu’un petit garçon de faire un jour le métier de ses rêves ? C’est une question rhétorique, la réponse est non. Alors je m’adresse à vous qui créez, qui inspirez, qui insufflez, vous qui écrivez la grande histoire en contant vos petites histoires, vous qui avez une sacrée responsabilité s’il vous plait permettez à l’autre moitié de l’humanité de pouvoir réaliser ses rêves aussi. NOMMONS LES FEMMES.
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