La directrice exécutive de Women for a change Zoneziwoh Mbondgulo-Wondieh a participé au groupe consultatif de la société civile du Forum Génération Egalité qui vient de s’achever à Paris. Au sein de son organisation, elle est impliquée depuis 2 ans dans la préparation de ces rencontres. Nous avons discuté plaidoyer politique, sororité, activisme numérique et intergénérationnalité.
Quelle est votre implication au sein du Forum Génération Egalité ?
je suis très heureuse de faire partie de la délégation qui assiste au forum à Paris, et pas seulement en tant que spectatrice mais comme quelqu’un qui a été investie tout au long du processus ces deux dernières années. Nous avons été mandatés pour créer et gérer le forum de Mexico et de Paris. Je n’étais pas présente à Beijing en 1995 et ce forum est véritablement historique pour moi. Je suis très honorée d’avoir fait partie d’un progrès historique pour faire avancer le droit des femmes.
Quelle est votre objectif ?
L’objectif de ce forum est de s’assurer que la conversation qui entoure les droits des femmes ne se finisse plus dans un des bureaux des Nations Unies à New York, mais plutôt que tout le monde soit investi dans ces discussions. Nous pouvons étendre ce message à travers les continents. La crise du covid a restreint les mobilités mais nous devons nous assurer du fait que la vie des gens et les discussions qui se sont déroulées à Paris soient respectées.
Quelles évolutions constatez vous depuis le 1er forum de Pékin en 1995 ?
En comparaison à Beijing, nous sommes beaucoup plus engagés : la mobilisation de masse fait la différence. En venant à Paris, nous voulons prouver que ces engagements sont véritablement inscrits dans les idées féministes et les principes des droits humains. Et je suis assez impressionnée par l’engagement de certains dirigeants. Mais ces engagements ne doivent pas seulement finir dans un joli bureau à Paris et devraient être traduits par une transformation concrète des vies à différents niveaux.
Nous devons nous assurer que les engagements financiers promis au cours du Forum Génération Egalité soient investis dans des causes féministes et organisations humanistes. Par exemple, est-ce que tous ces engagements vont se traduire par des lois et des changements concrets dans les pays ? Est-ce que ces financements sont pour les différentes organisations ou est-ce qu’ils vont être donnés aux Etats pour les actions qu’ils veulent entreprendre ?
Quelle est la première réalisation que vous voudriez voir aboutir ?
Pour moi qui suis quelqu’un qui vit dans un continent marqué par le conflit, je dirais que l’un des plus grands défis que l’on rencontre est le respect de la dignité humaine. Il faut faire reconnaître qu’en tant que femme, je devrais obtenir le respect et les opportunités que les hommes détiennent. L’aspect économique de la question est aussi très important, les femmes devraient avoir le droit de voir leurs besoins basiques comblés. Elles devraient pouvoir faire appel à la loi sans qu’on leur demande si elles sont mariées ou pas, devraient pouvoir acquérir une propriété sans faire référence à leur statut marital. Elles devraient pouvoir détenir des comptes bancaires sans qu’on leur demande le nom de leur mari. Toutes ces choses doivent être interrogées au forum pour l’égalité pour faire avancer le développement global.
L’éducation est la clé pour l’égalité femme homme ?
La participation de plus de 40.000 personnes au Forum Génération Egalité traduit qu’il y a eu beaucoup de prévention et d’éducation faites à ce sujet. L’éducation est un outil très important pour faire changer les choses. N’oublions pas que les stéréotypes de genres oppressent constamment les femmes, même dans les questions d’éducation. Nous devons créer des opportunités pour les femmes égales à celles des hommes.
La crise sanitaire a bouleversé l’équilibre au détriment des femmes ?
Pour moi, le covid a eu deux impacts. Il a révélé la faiblesse de nos Etats et institutions, ainsi que la contribution des femmes et le soutien qu’elles ont toujours apporté à nos sociétés. La crise du covid a proposé un autre angle quant à la charge des femmes, à la façon dont elles ont toujours été surchargées mentalement et concrètement. J’espère que nos dirigeants s’intéresseront plus aux problématiques féministes. Nous avons dû vivre ensemble pour pouvoir tenir. Si nous ne nous écoutons pas les uns les autres, nous prendrons encore les décisions qui bénéficient le plus à un groupe d’individus et nous ne pouvons pas juste écarter une catégorie de personnes seulement à partir de leur genre.
Vous militez beaucoup pour l’accès au numérique comme facteur d’empowerment ?
Quand j’ai rejoint la cause féministe activement il y a 12 ans, nous n’avions pas de bureaux ou de locaux donc nous devions partager des espaces et venir travailler ensemble dans des lieux variés avec nos ordinateurs. À l’époque, nous étions vues comme non-organisées, pas professionnelles etc. Mais maintenant, le covid nous a obligé à travailler depuis chez nous. Nous n’avons peut-être pas de locaux mais nos associations “non-organisées” ont changé des vies même si nous ne rentrons pas dans la catégorie classique de professionnels.
Cela permet aussi aux femmes de développer leur entreprise ?
Sur les réseaux sociaux, nous pouvons faire entendre notre voix et le covid a prouvé que tout le monde utilisait les réseaux sociaux. Le monde devenait digital. Pour demander une bourse ou un prêt, on doit candidater sur internet. Si je veux vous parler alors que vous êtes à Paris et moi au Cameroun, cela doit être sur internet. Nous avons appris à des femmes à utiliser zoom, comment faire leur pub sur whatsapp et zoom, les réseaux sociaux. Voilà un des superbes succès que nous avons rencontrés : être capable de réduire le gap digital. Les femmes ont désormais un espace qui leur appartient et elles peuvent devenir des entrepreneurs de la façon dont elles l’entendent.
L’égalité des sexes passent par une sororité internationale ?
Je soutiens à 100% la sororité internationale, c’est très important selon moi. Votre expérience en France n’est pas la même que la mienne au Cameroun. Nous avons beau toutes êtres des femmes, nos contextes ne sont pas les mêmes et nous devons apprendre les unes des autres pour construire une connexion et une force plus puissante. Nous ne pouvons pas parler de sororité internationale sans reconnaître la diversité des femmes, tant dans la sexualité, la race …
Les millenials auront beaucoup à nous apprendre en termes de plateformes digitales etc. Nous devons échanger au-delà des nations, des domaines professionnels et des générations. Au Cameroun, nous organisons souvent des rencontres intergénérationnelles et nous apprenons aussi de celles qui occupent des positions gouvernementales que d’échanger avec d’autres horizons est très important pour étendre les droits des femmes. J’espère que nous pourrons continuer dans cette direction.
Lire aussi sur J’ai Piscine Avec SImone :
JULIENNE LUSENGE L’ACTIVISTE QUI REND SA DIGNITÉ AUX CONGOLAISES