Liliane Roudière, journaliste, écrivaine et co-fondatrice du magazine féminin Causette nous a confié un texte écrit à l’occasion de son anniversaire. Un temps de pause pour une réflexion joyeuse et positive sur le temps qui passe. Une ode au bonheur plutôt qu’au jeunisme. Happy Birthday Liliane !
SUR MON ARBRE PERCHÉ
Aujourd’hui c’est mon anniversaire. Pause. C’est le seul jour de l’année où je fais tourner les aiguilles de mon horloge biologique, pour la remettre à l’heure, à l’âge. Une fois par an, je fais le compte puis hop j’oublie le chiffre ! Je le « confuse ». Je l’embrouille. Je mens parfois d’un ou deux ans (c’est ridicule de faire ça car tout le monde s’en fout, je me prends régulièrement des petits vents). Je crois sincèrement que je fais cela pour ne pas subir le regard des autres, pour ne pas entrer dans leurs cases. Pour garder intact le désir et l’envie. Pour que jamais je ne sois freinée par les fameuses injonctions : « à ton âge on fait attention, on s’habille autrement, on est propriétaire, on fait 8000 pas/jour, on contracte une assurance vie, on mange huit fruits et légumes par jour, on ne fait plus de projets à long terme. » Mais si voyons !
« Vieillir – en bonne santé – est une chance »
Vieillir – en bonne santé – est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. S’en souvenir ! Vieillir, c’est s’élever, passer de branche en branche. On sort le museau des problèmes quotidiens pour accueillir un monde qui nous avait été inconnu jusque-là. La vue est plus dégagée. On revient à plus de justesse, à plus d’amour simple. On accueille le vent sur ses joues, la pluie dans ses cheveux. On voit les enfants grandir, aimer, trébucher… On se désole de leur premier chagrin d’amour, tout en sachant que leur dire « tu verras, le soleil brillera bientôt. A nouveau » ne sert à rien. Alors on patiente et on leur cuisine les plats de leur enfance. On regarde ses rides et celles de nos ami(e)s avec bienveillance. On apprend à veiller sur soi, on a tant donné aux autres hein ! N’oublions pas que bien s’occuper de soi est une main tendue à l’autre malgré tout. Une main plus ferme.
« Ne bloquons pas sur notre âge biologique »
On rit et on aime comme avant. Aussi fort. On s’émerveille encore davantage. Apparaissent la lumière et la saveur des choses minuscules. Jusque là, notre stress, notre devoir de bien faire nous les rendaient invisibles. Si on partage toujours autant, on s’accorde aussi le droit de devenir têtu et ça, c’est vraiment bien. Ainsi, je vieillis. De ma haute branche, je remercie mon corps d’être si doux avec moi, malgré ses rappels à l’ordre que j’ai si souvent négligés ! Alors, merci pour tout ça. Merci à tout cet amour, toutes ces amitiés qui m’entourent et dont j’ai à présent grandement conscience. Ne bloquons pas sur notre âge biologique, car il en est un autre, bien plus secret, blotti au creux de notre cœur et qui ne fâne jamais. C’est à celui-ci que je vais m’en remettre dès demain. Pour une année de plus.
Liliane Roudière