COMMENT LE TATOUAGE A CONQUIS LA PEAU DES FEMMES

comment le tatouage a conquis la peau des femmes
comment le tatouage a conquis la peau des femmes

16% des femmes seraient tatouées contre 10% des hommes. L’étude IFOP publiée en début d’année par le Syndicat national des artistes tatoueurs renverse les a priori liés au tatouage. Appartenance à des gangs de « mauvais garçons », marques tribales ou histoires graphiques d’aventures maritimes au long cours, les codes de la pigmentation artificielle de la peau ne sont plus l’apanage des hommes. Les femmes y trouvent un terrain d’expression esthétique, rebelle et identitaire. Reportage.

L’esprit biker rock habite avec convivialité le monde du tatouage. La première convention organisée par Deauville Ink dans la station balnéaire les 19 et 20 août n’a pas failli à la réputation. Entre concert de hard rock, concours de taille de barbes 250 stands ont accueillis des artistes du monde entier. Car c’est bien de cela dont il s’agit : d’art. Les tatoueurs ont gagné leur lettre de noblesse au cours des deux derniers siècles. Bien avant de devenir un phénomène de mode, le tatouage marque l’appartenance à un clan quand il ne sert pas à communiquer. Premier tatoué de l’humanité, 3300 avant JC, Ötzi l’homme de glace au 61 tatouages est un précurseur. Plus tard les explorateurs à la suite de James Cook ont adopté les marques tribales portées par les polynésiens. Entre interdits et reconnaissance d’appartenance à un clan (les yakuzas, mafieux japonais ou bande de motards façon Easy riders), ces symboles gravés sur la peau dessinent au sens propre l’identité des individus. Au fur et à mesure de sa diffusion, des communautés s’en emparent et composent leur propre alphabet. Les militaires pendant la seconde guerre mondiale pour se reconnaître entre eux ou pour stigmatiser les populations juives et minoritaires. Les milieux artistiques new-yorkais l’adoptent dans les années 70 d’autant plus volontiers qu’il est mis hors la loi pendant trois décennies par le département de la santé pour éviter la prolifération de l’hépatite.

La mémoire dans la peau

Symbole de rébellion, le tatouage serait « une forme d’art ayant permis aux femmes de transgresser les barrières du genre et de s’imposer en tant qu’égales des hommes au sein de la société » ainsi que le rapporte Konbini à propos de l’exposition Tattooed New York de février 2017. Une fascinante rétrospective de 300 ans de tatouage au cœur de la grosse pomme. Elle met en lumière Martha Hildebrandt qui aurait tatoué le nom de milliers de soldats pendant la guerre civile permettant d’identifier leur corps sur le champ de bataille. Les tatoueuses aujourd’hui revendiquent un art, un prolongement de leur travail graphique. Sarah Miller artiste aux 216 000 followers sur instagram, invitée star de Deauville a toujours dessiné. « Ce que j’aime le plus c’est de repousser les limites de l’art du tatouage ». La tatoueuse américaine explore sur la peau ses talents de peintre et de dessinatrice de bandes dessinées. Sébastien Lozupone tatoueur confirme la dimension artistique du métier. « Le milieu s’est démocratisé. Ouvert à des gens comme moi qui viennent pour le côté artistique. Il y a a des contraintes techniques complètement différentes d’une toile ou d’une feuille. On doit utiliser un matériau, la peau qui vit différent d’une zone à une autre, d’une personne à une autre, d’une saison à une autre ou selon un état de fatigue ».

Face à lui Virginie, la cinquantaine joyeuse tient la pose depuis plusieurs heures. A l’encre noire, un colibri sur des branches couvre son avant-bras. Elle raconte. « J’ai commencé à me tatouer à 45 ans. Il y a une histoire derrière ça. C’est vouloir mettre sur sa peau quelque chose qu’on a envie de ne jamais oublier et puis quand on s’est fait tatouer une fois on a envie de continuer. Celui ci ca fait deux ans que j’y pense ». Se faire tatouer est parfois vécu comme un rituel, passage initiatique, affirmation de soi ou attitude rebelle. Isa, 53 ans en est à son 4ème tatouage. « Ca reflète ma personnalité, mes envies du moment, l’état d’esprit. C’est au coup de cœur, j’y vais au feeling. Je vais me faire tatouer en couleur un petit Jack (héros Disney) dans le cou ». A moins qu’il ne s’agisse d’une addiction. Séverine, 45 ans avoue être accro. « Je suis pas rebelle, si peut-être un peu au fond ! C’est mon identité. J’ai commencé j’avais 20 ans. Ca serait bien que j’arrête. Souvent je dis c’est mon dernier. Mais il suffit que je tombe sur un dessin…  » Virginie a déjà visualisé le prochain. Une forme géométrique à l’intérieur du poignet gauche « toujours dans un esprit de mémoire ».

 

 

Il y a eu de plus en plus de femmes tatouées. Je pense que les femmes ne les montraient pas avant. On fait des tatouages très fins et artistiques. Les femmes ne veulent pas un truc masculin mais délicat. Et ça avant on le faisait pas. C’était des tatouages de motards, tribals, rituels japonais, assez durs.

 

Phénomène de mode transgénérationnel, le tatouage adopte les codes de l’art. Impulsive ou murie, la décision tient compte de la réputation de l’artiste. Il est choisi avec soin. « Je suis pas venue à la convention en disant je vais trouver un tatoueur » raconte Séverine sur le stand du russe Anton Avtonomov. « Je voulais une geisha réaliste sur le haut de mon bras. La femme qui devait me tatouer est malade. C’est son professeur qui la remplace ». Virginie a eu un coup de cœur pour le travail de Sébastien Lozupone. « J’ai découvert son travail dans un magazine et je me suis dit ce sera lui et personne d’autres » ! Le tatoueur de Nice travaille souvent en  » free hand » – à main levée – sans modèle. « En quelques questions j’arrive à cerner la personne et à savoir ce qu’elle a dans la tête. J’y mets mes idées par dessus, ma patte d’artiste et en général ca fonctionne ». Romain Tasimovicz, organisateur de la convention de Deauville rappelle que les tarifs restent abordables – de 80 à 300 euros/h – même si la cote de l’artiste peut faire décoller les prix.

 

Séverine à la convention de tatouage de Deauville ©David Lefranc
Séverine à la convention de tatouage de Deauville ©David Lefranc

Comments · 2

  1. Wow, quel article captivant sur l’engouement des femmes pour les tatouages ! J’ai adoré découvrir comment cet art corporel exprime la personnalité et renforce la confiance en soi des femmes. Les différents témoignages partagés sont si inspirants et montrent à quel point le tatouage peut être une forme d’expression artistique unique. Merci de nous avoir fait découvrir cette belle tendance. Bravo pour ce contenu, je suis déjà impatiente de lire vos prochains articles ! À bientôt, Charlotte Leo.

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