Ca commence trop souvent dans la cour de l’école dès la maternelle. Aux filles le rose et ce qui est mignon, aux garçons la bagarre et le foot. Contre ces injonctions fortes Sophie Gourion publie « Les filles peuvent le faire … aussi/Les garçons peuvent le faire… aussi » aux éditions Grūnd. Un véritable plaidoyer pour ouvrir le champ des possibles.
« Les poupées c’est pas pour les garçons ! Le rose c’est seulement pour les filles ! « Ces phrases sont des carcans, presque des mantras que Sophie Gourion démonte avec humour et poésie dans cet album jeunesse destiné aux 3/6ans. Magnifiquement illustré par Isabelle Maroger le livre double face avec deux couvertures et deux histoires laisse le lecteur/lectrice déconstruire en douceur des comportements pas toujours en phase avec leur personnalité. « L’idée du livre c’était pas de dire aux garçons porter du rose, portez des jupes, jouez à la poupée, ou aux filles jouez au foot, bagarrez vous ! C’est de dire tu peux aimer le rose ou le bleu ou les deux et ainsi démultiplier leur choix »,
Les inégalités commencent dans la cour de récré
La créatrice du Tumblr « Les mots tuent » et du podcast « Corps et Ame » travaille depuis longtemps sur les questions de genre et d’égalité femmes/hommes. Si aujourd’hui le sujet est tendance, ce n’était pas le cas il y a 6 ans souligne Sophie Gourion lorsqu’elle propose déjà un manuscrit aux Editions Gründ. « Ils souhaitaient que cela prenne la forme d’une collection, mais en passant par la fiction j’avais peur de tomber dans quelque chose de binaire, les filles forcément victimes et les garçons bourreaux ». Le projet resurgit à l’initiative de l’éditeur sous une forme nouvelle qui donne carte blanche à l’autrice. L’adaptation à un public plus jeune donne une narration courte et joyeuse proche de la comptine. Féministe dans l’âme, Sophie Gourion s’attaque à tous les stéréotypes de représentation et pas seulement aux injonctions limitantes pour les filles.Quid des petits garçons qui n’aiment pas se bagarrer ou être les plus forts ?
Sophie Gourion cite l’exemple de son fils qui fabriquait des colliers de perles et voulait se balader avec. « Je lui ai dit je te préviens certaines personnes peuvent se moquer de toi parce qu’ils pensent que les colliers c’est pas pour les garçons, et c’est là que je me suis dit comment parler de ça aux enfants sans diaboliser ».De même qu’il ne s’agit pas de reprocher aux filles d’aimer les magazines girly et les histoires de princesse, la liberté devrait être la règle. Mais dans une société normative les parents sont souvent à la manoeuvre sur la transmission des stéréotypes. On parle de « garçon manqué » pour qualifier une fille qui aime grimper aux arbres, mais « un garçon qui met du rose, qui joue à la poupée ou qui a les cheveux longs ça devient suspect. » Ce qui signifie in fine que « ce qui se rapporte au féminin est dévalorisé ».
Ouvrir la discussion dans les classes
La preuve ? il suffit de s’intéresser à la cour de récréation qui préfigure les rapports des hommes et des femmes dans l’espace public. « La ville est un espace essentiellement masculin et ça s’accentue la suite. C’est pareil chez les petits ». Les garçons occupent le centre en jouant au foot, les filles sont à l’écart. Les géographes se sont emparés du sujet pour imaginer une autre aménagement qui privilégierait les jeux collectifs ajoute Sophie Gourion. En attendant, au fil des pages filles et garçons donnent libre cours à leurs envies. L’autrice rappelle cependant que son projet a suscité de violentes réactions lorsqu’elle a posté les couvertures sur les réseaux sociaux.« J’ai pris des vagues d’insultes de la part de la sphère réac me disant que j’aillais pervertir les enfants ».Sérieusement ? A la rédaction on souhaite tout comme elle que parents et instits s’emparent de ce livre intelligent et militant.
« Les filles et les garçons peuvent le faire aussi » Sophie Gourion, Gründ Editions