« NOS VIES D’ABORD » #2 24 H AVEC CLAUDINE, AIDE SOIGNANTE DE NUIT

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Catherine, aide soignante de nuit

La grève qui mobilise les professionnels de santé dans les services d’urgence est la partie émergée d’une crise sanitaire sans précédent. A l’appel de certains d’entre eux, une pétition est en ligne. Nous avons publié leur tribune, « Nos Vies d’Abord » qui appelle « à la mobilisation citoyenne massive » pour « construire une véritable démocratie sanitaire ». Pour illustrer leur combat quotidien, nous publions leurs témoignages. Aujourd’hui, à un an de la retraite, Claudine, 56 ans, aide soignante de nuit à la suppléance* d’un hôpital parisien raconte son quotidien.

Vous parler de mon métier est chose aisée. En détail, c’est plus compliqué. Car une journée ne ressemble à aucune autre : des faits banals peuvent devenir très complexes, des moments difficiles finissent par faire naitre des souvenirs inoubliables et fraternels. Dans toutes situations, il en découle des conséquences tous azimuts, contrôlables ou pas, mais dans ce corps de soins, au contact des patients, rien n’est classique.

20h30 : Début de journée de travail. Je gare ma voiture, je croise plusieurs collègues et forcément, on papote en se dirigeant vers le classeur pour découvrir où l’on va œuvrer cette nuit. On a chacun des services préférés, donc on jongle entre nous, nos choix.

Direction le vestiaire et prise de poste, en réa (NDLR : réanimation) ou en mater’ (NDLR : maternité), aux urgences ou en oncologie, bref nous sommes de la suppléance. Je connais pas mal de choses aujourd’hui mais où je vais travailler demain, ça je ne le sais pas.

« C’est une drôle d’ambiance la nuit »

21h : Arrivée à mon poste, je commence par me présenter à l’équipe et c’est parti pour les transmissions, ce qui nous donne le tempo de notre nuit. Puis, une fois le personnel de l’après-midi parti, petit tour des constantes, température, pouls, tension artérielle pour tout le monde. On fait connaissance et on peut jauger encore une fois le rythme de la salle. Petit débrief avec l’infirmière et on attaque ensemble « le tour » comme on dit.

0h : C’est la nuit et nous sommes seules, des grands couloirs, beaucoup de patients. C’est une drôle d’ambiance la nuit. Tout est dissemblable. Les mêmes malades peuvent être changeants selon leurs angoisses ou leurs douleurs. Rien n’est à négliger la nuit. Une respiration différente, un bruit, une alarme au loin, des sonnettes, des pas dans le noir. C’est vraiment un monde à part et passionnant.

Tous vos sens en alerte mais dans le calme et le silence. Il faut réagir vite en cas de soucis et vous n’êtes souvent que deux. Il vaut mieux être bien organisé pour anticiper. Certaines nuits sont très calmes, d’autres par contre, peuvent être extrêmement choquantes et éprouvantes.

Le métier la nuit, on l’aime ou pas. Vous savez très vite si vous êtes fait pour ces horaires-là.

« Comme un sportif, je raccroche mes gants, mais en latex ceux-là ! »

7h : Transmissions avec l’équipe de jour. Il est temps de rentrer.

Aujourd’hui me voilà contente de partir en retraite ; d’abord pour profiter de la vie qu’il me reste, ensuite pour vivre aux heures du soleil, ne plus être marginale. Après, physiquement, c’est dur. L’horloge biologique mais aussi les douleurs dues à la manutention de ce métier d’aide soignante : ramasser une personne au sol à deux n’est pas toujours simple, remonter et « posturer » les patients plusieurs fois dans la nuit non plus. Et porter des cartons de perfusions ou d’irrigation qui pèsent plusieurs kilos m’ont abimé le dos, même si j’ai pris soin de lui.

Bientôt ce sera moi dans un lit. Comme tout le monde ça m’arrivera. J’espère que la génération qui arrive sera efficace même si je trouve qu’elle a le nez un peu trop rivé sur son téléphone.

Si vous êtes hospitalisés un jour, cherchez celles qui comme moi se donnent à 100% et n’hésitez pas à le faire savoir au lieu de relever ce qui ne va pas. En faisant cela je pense que certaines choses s’amélioreront. J’ai tout donné à ce métier d’aide soignante, aujourd’hui mes meilleurs amies sont des collègues de toutes dates. Je pars heureuse et satisfaite ; et comme un sportif, je raccroche mes gants, mais en latex ceux-là !

*suppléance : service dispatchant du personnel paramédical dans tous les services de l’hôpital lorsque des postes ne sont pas pourvus (manque de personnel, arrêts maladie, congés…) 

Propos recueillis par Marie Llorens, membre du comité « Nos vies d’abord ».

Pour les soutenir, cliquez ici :Nos Vies d’Abord

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