« L’AUTISME EST UN PROBLÈME DE SANTÉ PUBLIQUE »

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Sophie Lizoulet ©Thomas Van den Driessche

Au lendemain de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme nous avons donné la parole à Sophie Lizoulet, mère d’un enfant autiste de 19 ans. Cette consultante et photo thérapeute belge raconte son parcours de parent, son chemin pour trouver les meilleurs outils d’accompagnement et d’éveil pour son fils Noah sur le chemin de l’autonomie. Interview.

Est que l’autisme de Noah qui a 19 ans aujourd’hui a été détecté rapidement ?

L’autisme de Noah a été détecté vite. On s’est rendu compte qu’il y avait un gros souci à 17 mois, en trois mois de temps il a perdu toutes ses capacités. Il n’y avait pas de symptômes caractéristiques avant cet âge. A 20 mois, on a eu le diagnostic, c’est assez facilement diagnostiqué en Belgique. Mais un enfant autiste n’est pas l’autre et ce n’est pas toujours simple, il y a tellement de facteurs ! Certains sont violents, d’autres non …on peut mettre ces symptômes sur l’hyperactivité, le manque de concentration … Le comportement peut être mal interprété.

Quelles sont les structures existantes en Belgique ?

En Belgique il y a des établissements spécialisés dans lesquelles on retrouve 50% de français qui viennent par défaut de structures en France. (4000 autistes français seraient ainsi redirigés vers la Belgique). On compte une personne autiste sur 150 naissances, aux Etats-Unis c’est une sur 68. Mais il y a peu d’accompagnements des parents.

Vous avez trouvé une école spécialisée ?

Avec deux autre familles nous avons crée une école spécialisée il y a 6 ans. aujourd’hui, il y a 28 élèves. A l’époque nous recherchions une école. Celles qu’on a vues étaient une catastrophe monumentale, insalubre ! On nous a dit qu’une famille voulait ouvrir une école, on les a rencontré et cela s’est fait. En septembre 2013/2014 l’école a ouvert avec professeurs et éducateurs spécialisés. On a aménagé  les locaux financés par un mécène pendant 3 ans. C’est aujourd’hui une école subventionnée par la région.

Vous avez fait beaucoup de recherches sur l’autisme et regardé ce qui se passait ailleurs ?

Ils sont en avance dans les pays nordiques, en Espagne et au Canada. Aujourd’hui on commence à étudier la corrélation entre le système digestif et le système neurologique. Nous avons modifié l’alimentation de Noah et il y a eu un changement comportemental énorme. On a supprimé le gluten, le lactose, le soja et un maximum de sucre. Alors qu’il n’est pas intolérant. Il y a de plus en plus d’études sur ce sujet.

Comment avez-vous accompagné Noah ?

Noah est un autiste moyen. Et il y a beaucoup de méthodes (équithérapie, musicothérapie…). Nous avons décidé d’axer la thérapie sur le corporel parce qu’on s’est rendu compte qu’il avait de gros problèmes d’image du corps. Et qu’il fallait passer par un ré-assemblage de l’image corporel pour pouvoir avancer.

Cela s’est traduit comment ?

J’avais étudié la photo aux Etats-Unis et j’ai décidé de photographier ma vie avec mon fils. Quand j’ai vu comment il réagissait quand il voyait les photos de lui petit, de lui avec ses copains, ou en voyage, je me suis dit il y a vraiment quelque chose à creuser la.

Comment Noah a réagit ?

Le fait de regarder des photos sur l’écran lui a permis de récréer une histoire, une chronologie, il s’est vu petit. Cela a amené la parole de façon construite. Jusque là il parlait en écholalie, c’est-à-dire de façon répétitive. J’ai commencé un autre chapitre qui était celui de la famille en créant la boite du souvenir, dans laquelle il y a un arbre généalogique avec chaque aïeul représenté à tout âge. De cette façon, il a compris qu’il y avait une temporalité, qu’on ne passait pas de 19 à 79 ans en un claquement de doigt !

Vous dites que la photo lui a permis d’appréhender la notion très abstraite de concept ?

Un enfant va apprendre en imitant mais pas un autiste. Il faut qu’il prenne conscience des choses par lui même. Et la photo est un moyen de conceptualiser. On a fait ca tout un été. Après la famille, on a parlé des gens de notre entourage. On collait les photos dans l’entrée de la maison, on disait on va chez untel et il y avait moins d’anxiété, c’était aussi une manière de s’approprier la communauté à laquelle il appartient. Un canevas de tout ce qu’il avait déjà fait dans la vie.

La photographie est devenue son moyen d’expression ?

Noah n’aimait pas que je le prenne en photo, il disait que ça lui faisait mal. Je lui ai proposé de prendre l’appareil pour qu’il photographie son quotidien. J’ai réalisé qu’il était beaucoup plus autonome que ce que je pensais, et j’ai découvert la façon dont il percevait le monde.

On ne se rend pas compte que c’est un problème de santé et d’économie publique. Les autistes constituent une population importante et on ne se rend pas compte qu’il faut à un moment donné leur permettre de s’intégrer dans la société. Il faut qu’ils aient une occupation, sinon on aura des milliers de personnes complètement déphasées que les gouvernements n’auront pas les moyens de prendre en charge. On ne va pouvoir les cacher !

Est ce que cette journée mondiale consacrée à l’autisme est efficace selon vous ?

Cette journée existe depuis longtemps. Elle a démarré aux Etats Unis et là bas cela s’est transformé en mois de l’autisme. Ce n’est jamais une cause pour laquelle je me suis mobilisée, la facon dont les gens se mobilisent ne me convient pas. Chacun est dans son pré carré pour défendre sa méthode, il n’y a aucune collaboration, je trouve ca pathétique, je préfère le système à l’américaine. Il existe une énorme association qui s’appelle autism speaks, c’est un paquebot, Elle faitt un lobbyng très fort et influe pour changer les lois afin que les autistes puissent avoir accès au travail dans des entreprises. Si Noah doit travailler il va gagner un euro de l’heure. Çà ou de l’esclavagisme je vois pas la différence.

Il existe des initiatives positive concernant le travail ?

Un entrepreneur danois propose des formations pour les jeunes asperger. A la suite de quoi ils sont placés dans les sociétés. Des restaurants et des cafés commencent à les engager. Cela reste des initiatives non institutionnalisées qui relèvent de la bonne volonté.

Comment envisagez-vous l’avenir ?

Je ne suis pas le parent porte parole d’une cause. Est-ce que je fais comme ces parents qui annulent leur vie ? Non, il me fallait un juste équilibre entre la vie de mon fils et la mienne. Je ne pouvais annuler qui j’étais, je n’ai pas cette capacité pédagogique à lui apprendre des choses, je serais devenue hystérique. Je me suis longtemps senti coupable. Mon fils fait partie de ma vie comme tous les parents.  Et je fais au mieux, et mon objectif est qu’il soit épanoui. L’objectif suivant à l’horizon 2020, qu’il trouve une maison communautaire où il puisse vivre avec un éducateur. Pour le moment, il est en stage, et peut-être que ce stage deviendra son travail. Je souhaite qu’il puisse habiter seul et revenir le week-end et partir en vacances avec nous .

Sophie Lizoulet animera pour J’ai Piscine Avec Simone un atelier le 17 avril prochain à Paris.

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