BIBLIOTHÈQUE IDÉALE : « VOX, QUAND PARLER TUE »

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Sortir d’un livre et avoir les sangs glacés. Le premier roman de Christina Dalcher, linguiste américaine, est une dystopie, un cauchemar. Dans cette société américaine ultra conservatrice, les femmes sont réduites quasiment au silence. Elles sont autorisées à employer 100 mots par jour, pas un de plus.

Jean est docteur en neurosciences, mère de 4 enfants, vivant dans la banlieue de Washington DC. En fin de journée, son mari, ses trois fils, sa fille et elle partagent le repas familial. Dans ce brouhaha de conversations, sa fille et elle ne répondent pas aux questions, ne parlent pas de leur journée. Jean reste à la maison. Sur les étagères les livres ont disparus, même les livres de cuisine. Son ordinateur est sous scellés dans le bureau de son mari. Après l’école sa fille rentre et lui montre, toute fière une note dans son carnet : elle va peut-être gagner un prix pour avoir été l’élève la plus méritante. Méritante de quoi? De ne pas avoir prononcé un mot de la journée!

Après tout, on attend de ma fille qu’elle sache un jour tenir un foyer, faire des courses et un jour devenir une bonne épouse dévouée. Pour ça, il faut simplement savoir compter, pas besoin d’orthographe. Ni de littérature. Ni de voix.

Depuis un an, les femmes ont un bracelet électronique au poignet. Un bracelet qui compte les mots qu’elles prononcent. Elles ont droit à 100 mots par jour. La moyenne c’est plutôt 16000. Si elles dépassent ce quota, elles reçoivent une décharge électrique. Ce roman dystopique fait penser à bien des égards à La servante écarlate de Margaret Atwood. roman dans lequel les femmes ne sont plus que des outils, des ventres. 1984 d’Orwell ou à minima Le Meilleur des Monde d’Huxley ne sont pas loin. Ces romans nous avertissent : la passivité ne règle rien. Être alerte au monde qui nous entoure et nous gouverne est une obligation citoyenne.

Un homme, le révérend Carl, s’est emparé peu à peu du pouvoir. Son crédo est simple : refaire des hommes des mâles alpha, laisser les femmes à la maison, leur retirer tous leurs droits, bannir les célibataires, les homosexuels, les adultérins et les envoyer dans des camps où aucun mot n’est autorisé. Plus on s’enfonce dans le roman plus il est crédible. Jean, étudiante n’imaginant pas qu’une telle énormité soit possible, qu’un tel mouvement puisse prendre de l’ampleur, n’ira pas manifester. Jean ne se rebelle pas. Jusqu’au moment où son fils aîné est emporté par la folie du système. Elle comprend alors qu’avec ses mots, se sont envolés tous ses droits, ses émotions, même son rôle de mère et d’épouse.

La seule chose qui permet au mal de triompher est l’inaction des hommes de biens

Un accident de ski va bouleverser son quotidien. Le frère du Président est dans le coma, l’ère de Wernicke de son cerveau est atteinte suite à la chute. Et la grande spécialiste c’est Jean. Elle acceptera de relevé le défi de trouver un remède pour sauver cet homme. Et découvrir que tout est encore plus maquiavélique que dans ses pires cauchemards.

Comment s’en sortir? Comment fuir? La résistance et la coopération… Même si la fin est un peu faible, cette dystopie tient en haleine de bout en bout. L’effet miroir de ma condition féminine et de l’identification à l’héroïne m’ont mise tour à tour en colère et en plein effarements. Si cette chronique avait eu droit à 100 mots, je me serai arrêtée au milieu du 2ème paragraphe…

Vox – Christina Dalcher, NIL, 427 pages

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