CONFINEMENT : ELLES TÉMOIGNENT

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Célibataire, mariées avec enfants, 4 femmes nous ont raconté leur vie réorganisée sous le joug du confinement. De la charge mentale au jour d’après. Nous publierons régulièrement ces récits au féminin.

Muriel, maîtresse de conférences, en histoire contemporaine

On est confiné tous les trois dans un appartement avec balcon. Leur papa est en quarantaine donc plus de garde alternée… La charge mentale est énorme ! Le télétravail est quasi impossible. Et j’ai pourtant des loulous plutôt calmes et autonomes d’habitude. La première chose que je constate, est la régression de leur autonomie. Il est de plus en plus difficile de les laisser faire quoi que ce soit en solo, ils réclament une attention de plus en plus permanente. Franchement, ça se passe pas mal, mais c’est absolument épuisant.

Mais on arrive à faire un temps solo (obligatoire) en début d’après-midi avec obligation de ne pas se parler. Histoire de ne pas devenir fou. Par ailleurs, je n’écoute pas les infos trop anxiogènes pour les enfants. Pour garder le contact, je prends l’apéro en visio avec 3 copines, on papote de tout, sauf du Covid-19. Et mes enfants dînent virtuellement avec leur père tous les soirs.

« Mais bon… comme je suis réaliste (pessimiste ?) je rêve surtout d’une bière en terrasse avec mon amoureux ».

Comment imaginer le jour d’après ?

Dans ces conditions comment imaginer le jour d’après ? Je rêve de révolution, féministe, individuelle et collective. Je rêve d’arriver à conserver ces 15 minutes de yoga matinal qu’on a mises en place avec les enfants. Je rêve que la prise de conscience sur l’utilité des services publics dure et que les citoyen·nes fassent les choix politiques qui vont dans ce sens. Je rêve que la solidarité qu’on vit aujourd’hui, même symbolique (hier mon fils a passé un quart d’heure à « jouer » à distance avec les voisins de l’autre côté de l’avenue, en leur faisant des « caché / coucou »), même modeste, se pérennise.

Je rêve de savoir continuer à ralentir le rythme comme je le fais depuis quelques jours, en n’expédiant plus l’histoire du soir en 5 minutes mais en lui en consacrant 30. Je rêve qu’on revoit nos modes de production (ben oui tiens, pourquoi on dépend de la Chine pour, entre autres, le PQ ?!). Je rêve de continuer à prendre du plaisir à préparer et prendre tranquillement les repas (parce que ça c’est une vraie révolution chez moi qui les expédie d’habitude en 10 min).

Sophie Fuxet Gidrol, Palliatothérapeute accompagnement fin de vie et deuil

Ma famille se constitue de 5 membres entre 7 et 41 ans. Les 5 premières nuits, j’ai très mal dormi , un sommeil très agité et de nombreux cauchemars. Malgré mes exercices de respiration, la journée je ressentais au fond de moi, un petit quelque chose d’inconfortable. En début de semaine, j’ai réalisé que le Covid-19 touchait plus les hommes et que le tabagisme était un facteur plutôt aggravant. J’ai été assez insécurisée par l’addiction de mon mari. Je me rends compte aujourd’hui que le moindre élément déstabilisant la journée a des effets sur ma nuit. Hier, les enfants jouaient dans le jardin. Le chien d’une passante est rentré à l’intérieur de notre maison et sa propriétaire est venue le chercher. J’ai été très en colère de cette intrusion. De constater que les consignes de confinement ne sont pas respectées. Résultat : retour de mon insomnie !

La vie après le 15 mars

La vie avant le 13 mars était classique. Un mari très pris par son métier et donc en dehors du domicile de 7h45 à 19h. Quant à moi, ayant quitté l’hôpital pour me consacrer entièrement à mon activité de soutien des proches durant la fin de vie et le processus de deuil, j’étais déjà beaucoup à domicile. Depuis le 15 mars, nous avons décidé de rester à domicile. Pour mon mari, ce n’est pas dans ses habitudes. Nos enfants ont 11-10 et 7ans, filles et garçon. Ils réagissent plutôt  bien pour les 2 plus jeunes. Pour l’aînée collégienne, cela semble un peu plus difficile : moins de liberté, plus de temps avec les parents et moins de connexion avec ses paires. Son humeur s’en ressent. Elle est moins enjouée et plus apathique.

A long terme, j’ai peur des répercussions de cette crise, et que les deuils pathologiques ou des symptômes liés (comme la dépression, de l’eczéma ou des douleurs neuropathiques) soient en recrudescence. Par contre, lorsque je pense à la fin du confinement, je veux croire qu’on sera plus solidaire, et plus liés entre être humains. 

De par mon métier, je reçois des appels des proches qui perdent un des leurs ou qui sont endeuillés. Depuis le début de cette activité, j’ai un superviseur pour m’aider à gérer, en plus de ma routine entre les patients pour digérer leur histoire. Pour le moment, mon activité n’a pas beaucoup augmenté. Mais je m’attends au vu de l’impossibilité de se rendre aux cérémonies funéraires à de nombreux deuils pathologiques. Le défunt ayant disparu suite à son hospitalisation où il ne pouvait recevoir aucune visite.

Claire Malapert, directrice de communication

Je vis dans un appartement à Paris de 70 m2 avec mon fils de 8 ans et mon mari. Je suis dircom d’un éco organisme qui orchestre tout le recyclage en France des équipements électriques. Je n’aimais pas le télétravail avant le confinement. Je suis un animal social, j’ai besoin d’échanger, de voir des gens et j’ai du mal à me motiver quand je suis toute seule, du coup je culpabilise… Si je commence bien je suis au taquet, si je suis un peu mollassone le matin, du coup ça dure toute la journée.

Je travaille dans une boite qui a une mission d’intérêt général, c’est très humain, j’appelle mon équipe tous les jours, on parle pas forcément travail mais on prend des nouvelles les uns des autres. La boite sait qu’on bosse en télé travail dégradé et elle l’accepte. C’est un vrai luxe.

Confinement volontaire

Notre fls aime beaucoup lire et Harry Potter est un allié de taille ! Le 1er week end il a voulu faire ses devoirs, mais après nous n’avons pas fait classe pendant plusieurs jours. On est a la bourre mais c’est pas grave, il apprendra autant en lisant. Il ne vit pas le confinement comme une contrainte. il a décidé de se confiner dans sa chambre parce qu’il me trouvait relou ! Sur quels critères je sais pas. Nous n’avons pas eu de conversation « officielle » sur le corona virus. On en parlait déja avant le confinement car nous avons vécu 4 ans à Rome et nous avon une fenêtre sur l’Italie assez proche. On s’attendait à être confiné.

Je crains que ce soit une épreuve pour rien. Je suis pas optimiste de nature, on est en confinement et pour autant tout le monde continue à commander sur Amazon et on fait travailler des gens dans des conditions lamentables à deux pas de chez nous, pas besoin d’aller en Chine. Ce besoin de stocker est profondément ancré dans nos cerveaux d’hommes préhistoriques.

Ce qui m’inquiète c’est l’après. Mon angoisse c’est qu’on reparte comme en quarante ! Je voudrais qu’on prenne en entreprise, au niveau politique le temps de tirer un bilan au niveau des services sociaux, services publics… de ce qu’on a touché du doigt au niveau confinement. J’ai une copine qui me disait au début le silence m’angoissait alors que c’est le bruit qui devrait nous angoisser dans Paris. Je suis asthmatique, là je respire, j’entends les oiseaux. Est-ce qu’on va redevenir fou ?

Céline Bardet, juriste internationale spécialisée dans les crimes de guerre

Le confinement je ne le vis pas mal du tout. D’abord parce que j’ai été formée à gérer le stress en confinement parce que sur des zones de conflits et même post conflits on est souvent en confinement. En Irak, j’ai passé un mois dans une chambre bunker de 6 mètre carré où on ne sort que pour monter dans une voiture blindée pour aller à des rendez vous et pour se nourrir … Je ne fais pas grand chose, mais ce qui est assez étonnant c’est que les journées défilent vite. Je n’ai pas pour l’instant de moments d’ennui à proprement parler, mais je travaille un peu, une à trois heures par jour. J’ai appris sur les zones de conflit à découvrir que même dans 7 mètres carrés on peut bouger et c’est essentiel.

Je suis chanceuse, je vis dans 54 mètre carrés seule avec mes chats. Ce qui est essentiel, parce que ca va être long, c’est de savoir se préparer sur la durée, donc de mettre en place des routines hyper simples, ne pas se mettre la pression. C’est un vrai repos de ne plus avoir mille emails, pas de deadline. Je m’interroge beaucoup sur la façon dont je vais reprendre ma vie après.

Apprendre le collectif

Le collectif je l’apprends énormément en mission. Tu engages toute ton équipe et là, je vois qu’il y a quelque chose qui n’est pas compris. Après les choses pourront être dites, réglées. Ce n’est pas le moment pour les débats. Je ne suis pas épidémiologue, mais la seule chose que l’on sait certaine, c’est que rester chez soi permet d’endiguer la pandémie. Ce que je fais c’est simple, c’est à la portée de tous.

On me demande souvent est ce que je vais faire après la pandémie. Je trouve cette question inutile. j’ai plein d’amis qui n’arrivent pas à décoller de leur travail, (je parle de télétravail pas de choses essentielles) de la deadline de leur rapport, qui ne travaillant plus ou moins sont déboussolés, ne savent pas quoi faire et ça m’effraie un peu je dois dire. Ce qui est le plus révalateur de ça, c’est l’immédiaté avec laquelle les gens ont mis en place les cours sur insta, les skype apéro … Aujourd’hui on a plus de rendez vous dans une journée que dans la vie normale ! Moi j’ai besoin de silence.

Je crois que c’est le moment idéal pour repenser la société. Qu’est ce qu’on voit ? On a pas besoin de consommer tout le temps, on a un hôpital à bout de souffle et sans notre boulanger ou nos éboueurs on est bien dans la m…. J’espère que ça va nous éclairer le fameux jour d’après.


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