COMMENT LES FEMMES ENVISAGENT LEUR RETRAITE ?

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On a voulu savoir comment des femmes âgées de 50 ans préparaient leur retraite avec le système actuel. Des témoignages et autant de cas particuliers pour mieux appréhender cette période pleine d’incertitudes.

La réforme des retraites suscite opposition et inquiétudes. Pour les femmes actives âgées d’une cinquantaine d’années, les calculs de leur pension est à l’ordre du jour. Beaucoup se demande comment poursuivre leur activité professionnelle dans les meilleures conditions. Sandrine, Nathalie et Christine nous ont raconté leurs parcours et ce temps précieux qu’il va falloir gérer entre désillusions et aspirations à souffler.

L’éventualité de profiter tranquillement d’une retraite bien méritée n’est pas à l’ordre du jour pour Sandrine, célibataire sans enfant. A 53 ans, consultante désormais installée en Suisse, elle a commencé à travailler dès l’âge de 14 ans. « On m’a dit vous avez droit à la carrière longue, donc vous pouvez partir avant 62 ans. Calcul fait, j’avais droit à 800 euros ! ». Bye bye le retour sur cotisation. « J’ai eu des boites, j’ai créé des emplois, de la valeur, j’ai pris des risques … » détaille l’ex cheffe d’entreprise. Un constat similaire pour Nathalie en pleine activité.

« J’ai bataillé pour garder un statut de cadre »

A l’aube de la cinquantaine, la cheffe de service d’une entreprise privée se bat depuis 2000 pour conserver son statut de cadre. « Il me reste une vingtaine d’années mais avec les réformes successives si j’ai bien compris, il faudra que je travaille jusqu’à 67 ans si je veux ma retraite à taux plein ». A mi parcours, Nathalie constate les effets de la fusion des régimes complémentaires AGIRC ARCCO. « La valeur du point a diminué. Aujourd’hui je cotise mais je ne sais pas si j’en verrais la couleur ». Née en 1971, la cadre envisage les 2 prochaines décennies sous forme de reconversion.

Travail à temps partiel pour m’occuper de la petite famille, invalidité, divorce, plus petit travail…ça devrait donner du 900 euros dans plus de 4 ans.

Elise, témoignage issu du groupe Facebook

Une opportunité pour « apprendre autre chose tout en prenant en compte mon expérience passée ». Même agilité pour Sandrine, qui a choisi de se relancer comme consultante à l’étranger. Après avoir entendu « on ne sait pas ce qu’on pourrait faire de vous », elle s’est montrée créative. Avec deux contacts en poche, elle a redéfini sa vie professionnelle. Spécialiste du fooding et sur diplômée, elle démultiplie ses compétences auprès d’entreprises d’autres secteurs, donne des conférences et des cours. « Cela m’a permis de renflouer mes finances. En France, il n’y avait rien pour moi ».

En Belgique

Ce constat est-il propre à l’hexagone ? En Belgique, Christine, veuve, deux fois cheffe d’entreprise vient de resigner un contrat de direction pour 5 ans. A 61 ans, elle totalise 39 ans d’activités dans un système de retraite à points. « L’âge officiel de la retraite à ce jour est 65 ans. Pour ceux nés après 1961, ce sera 66, puis 67 ans, avec une carrière de 44 ans ». Travaillant depuis l’âge de 18 ans avec un statut de « conjoint aidant » pendant 5 ans, cette mère de 3 enfants touchera une pension de 1350 euros net. Elle pourra prétendre à une très faible pension de réversion après 65 ans. Alors l’avenir c’est de continuer à travailler.

Les 1350 euros « légaux » me semblent une plaisanterie au regard de mes revenus actuels et de toutes les prestations sociales que j’ai payées durant toutes ces années..

Christine, cheffe d’entreprise en Belgique

Ces récits illustrent l’effet pervers de la disparité salariale entre les femmes et les hommes. 1.099 euros bruts contre 1.908 euros pour les hommes en 2016 selon le service des études et statistiques du ministère de la Santé (Drees). Aux carrières incomplètes, hachées, s’ajoutent un sexisme bien assumé. « J’ai eu des postes de direction dans l’hôtellerie. On m’a dit vous avez le titre mais on va pas vous donner le salaire, vous êtes une femme ! » raconte Sandrine qui imagine au masculin ce qu’aurait été son niveau de revenu à diplôme et poste équivalent. Une situation vécue quotidiennement pour Nathalie. « Je co dirige un service et mon collègue masculin gagne quand même 800 euros de plus que moi ». Pas de réelle justification, à l’exception d’une meilleure considération toute subjective pour celui des deux qui est sur le terrain.

Pensions de réversion

Le bénéfice des pensions de réversion compenserait ce criant déséquilibre ? Pas certain. Parfois les seuils d’âge confinent à l’absurde. Maud, 54 ans, intermittente du spectacle et veuve à l’âge de 39 ans a reçu un courrier de l’assurance retraite lui indiquant qu’au vu de sa situation, elle percevrait une retraite de 0,75 centimes par mois, étant donné que son mari avait eu le mauvais goût de mourir avant qu’elle ait atteint l’âge légal de 55 ans requis pour y prétendre (62 ans dans le projet de réforme) ! Par ailleurs, elle devra attendre 3 ans avant qu’un premier versement cumulé de 23€ lui soit versé…

Au final, ce sont les hommes qui pondent les réformes !

Sandrine, Consultante indépendante

A la retraite les femmes sont précarisées

Ubuesque ! Ce sont bien les femmes qui sont en précarité à la retraite. La discussion autour de l’âge pivot masque une réalité facteur de paupérisation. Quid de l’employabilité des seniors ? Le rapport de la Cour des comptes publié le 10 octobre indique que « le coût de la prise en charge des seniors touchés par le report d’âge de la retraite et qui se trouvent exclus du marché du travail s’élevait, début 2018, à plus de 700 millions d’euros au titre de la solidarité nationale et près de 800 millions pour le régime d’assurance-chômage, soit environ 1,5 milliard d’euros par an« . Une profonde inadéquation entre le marché du travail et les compétences réelles des plus de 50 ans.

Etirer le temps de vie professionnelle comporte des aléas médicaux plus importants. Nathalie estime que l’allongement de l’âge de départ à la retraite « c’est aussi prendre le risque d’avoir des arrêts maladie plus longs ». Avec ses 135 semestres, Sandrine confesse être heureuse d’avoir fini de payer son appartement parisien et souffle « j’espère que j’aurais la santé ». Christine s’est constituée une retraite complémentaire qu’elle pourra toucher à 65 ans. Une capitalisation à laquelle Nathalie avait songé. « J’étais prête à abandonner mon statut de cadre et à alimenter une assurance privée avec ma cotisation cadre, mais cela générerait comme dans beaucoup de pays un système à deux vitesses ».

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