«COLETTE» : LE PRÉNOM DE LA START UP QUI RÉUNIT ÉTUDIANTS ET SENIORS S0US LE MÊME TOIT

Justine Renaudet

La cohabitation inter générationnelle est un projet à impact comme les affectionne Justine Renaudet, co-fondatrice de la start-up Colette. Forgée par ses 6 années passées chez BlaBlaCar, l’entrepreneure a constaté l’isolement des seniors et la difficulté pour les plus jeunes de se loger. Des besoins complémentaires auxquels la plateforme créée répond par une mise en relation qui aboutit à une colocation inédite d’une durée moyenne comprise entre quelques mois et plusieurs années. Interview.

Comment est né le concept de Colette ?

J’ai eu envie de confonder Colette parce que j’avais une voisine de palier âgée qui vivait seule et à chaque fois que je rentrais du travail, elle en profitait pour ouvrir sa porte et me parler. Et je me rendais bien compte que c’était sa seule interaction sociale de sa journée. Sinon elle discutait avec son poste de radio. Elle ne recevait aucune visite et vivait dans un isolement total. Il y avait presque un côté survie ! J’ai pris conscience qu’elle souffrait de solitude et ça m’a donné envie de m’attaquer au problème de solitude des seniors.

Pourquoi Colette ?

Colette est notre senior type. Sa moyenne d’âge est de 70 à 75 ans et c’est majoritairement une femme qui vit seule. Ce prénom permet à notre cœur de cible de s’identifier, mais on aurait pu aussi s’appeler Claudine ou Françoise.

Quelle solution propose Colette ?

Il y a trois ans nous nous sommes lancés pour développer la cohabitation entre générations. Nous aidons les jeunes de moins de 30 ans à s’installer chez des seniors de 60 ans et +, qui disposent d’une chambre inoccupée à leur domicile. Pour développer ce mode de logement, on a créé une plate-forme en ligne type Airbnb pour que l’offre et la demande de logement se rencontrent afin de faire cohabiter deux générations sous le même toit.

Au delà de la colocation l’objectif est bien de maintenir les seniors à domicile ?

Fort d’une communauté de seniors qui s’est créée grâce a la cohabitation, on a eu envie d’aller plus loin et nous avons développé la première application mobile communautaire pour les seniors. Le club Colette leur permet de faire des activités, d’échanger dans des groupes de discussions. Notre mission est d’accompagnée les plus âgé.es dans leurs vieux jours, de faire en sorte qu’ils vieillissent de la meilleure manière qui soit. Et notamment en restant chez eux, ce qu’ils plébicitent à 85%.

Les chiffres le confirment ?
Les chiffres sont assez bouleversants. Une personne senior sur cinq n’a plus d’amis. Plus on avance en âge, plus le temps passé seul au cours d’une journée s’allonge, quand on a 30 ans on passe en moyenne 3 heures seul, alors qu’à partir de la retraite on passe à huit heures par jour.

Est-ce c’est aussi une solution concrète pour déconstruire l’âgisme ?

Le regard que porte la société sur la vieillesse est très cliché et très stigmatisant. Notre responsabilité est de changer ce regard. Mais c’est aussi la responsabilité des médias et souvent en interview on me pose des questions qui alimente cet âgisme, du type : « comment faites-vous pour que le senior soit en sécurité ? » Comme si le jeune est dangereux ou hostile et le seigneur fragile ou dépendant ! C’est une question qu’on ne pose pas quand il y a des colocations entre personnes du même âge. Alors que ce sont les mêmes soucis qui peuvent se produire au sein de la cohabitation. Pourquoi la différence générationnelle devrait changer quelque chose ?

Est ce que vous vous basez essentiellement sur les algorithmes pour matcher les profils entre jeunes et seniors ?

Les jeunes renseignent un maximum d’informations, et en fonction de critères très objectifs comme le budget, la durée de location souhaitée nous utilisons un certain nombre d’outils qui permettent d’automatiser certains aspects du matching. Mais nous gardons une gestion humaine pour créer des bonnes paires de cohabitants. L’algorithme ne fait pas tout.

Quel est l’intérêt financier de cette colocation inter générationnelle ?

Par rapport à la location d’un studio indépendant à Paris c’est environ 30 % moins cher. La colocation entre les générations fournit aussi un cadre propice au calme, quelqu’un sur qui compter à la maison. C’est sécurisant aussi pour des jeunes qui viennent d’ailleurs, qui n’ont pas de famille à Paris.

Quelles sont vos ambitions aujourd’hui ?

On a de grandes ambitions ! On veut se développer en dehors de Paris et de l’Ile-de-France. on a déjà testé un peu Lyon et Bordeaux. Notre objectif c’est d’aider cette communauté de seniors dans leur quotidien à bien vieillir. Aujourd’hui il y a la cohabitation entre générations mais pourquoi pas demain développer d’autres verticales de services. On a réussi à construire avec Colette une marque aimée des seniors. Ils se tournent vers nous pour des besoins qui sont au-delà de la cohabitation et du club.

Y a-t-il aujourd’hui des freins à votre croissance ?

On a dépassé les 1300 binômes à ce jour. La barrière à la croissance aujourd’hui c’est de réussir à convaincre toujours plus de seniors. C’est un changement de vie d’accueillir un étranger, beaucoup vivent seuls depuis 10 ans. Il faut donc faire de la pédagogie pour qu’ils se lancent dans l’aventure. C’est vraiment un « marché à éducation » pour que cela rentre dans les mœurs et les usages.

Que vous ont appris vos années chez Bla Bla pour devenir entrepreneure ?

Mon expérience chez BlaBlaCar a façonné ma trajectoire. C’était mon premier emploi et ça m’a donné le goût d’avoir un job qui ait du sens. A l’époque ça s’appelait covoiturage.fr, c’était une petite start-up. J’ai vraiment compris qu’on pouvait allier boulot et impact sur le quotidien des gens. Quand j’ai passé mes entretiens en 2011 j’ai été interviewée par Frédéric Mazella, il m’a demandé ce que voulais faire dans cinq ans et je lui avais répondu : « je veux être à ta place ». J’ai toujours voulu entreprendre, je voulais être patron d’une entreprise, cela a été une vraie école de l’entreprenariat.


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