L’application littéraire « Un texte une femme » est décliné depuis le 8 mars en format papier. Sarah Sauquet, professeure de lettres a exhumé des écrits féminins qui rendent compte quotidiennement de la diversité et de la richesse d’autrices ignorées ou oubliées.
Qui connait Madeleine de Scudéry, Louise Colet ou bien encore Louise Bourgeois ? Disparues des écrans radars de la littérature, elles ont pourtant à leur époque été (re)connues. Ce constat d’invisibilisation est flagrant pour Sarah Sauquet. « En 2018, j’ai écrit un dictionnaire des prénoms littéraires et je me suis rendue compte que beaucoup d’héroïnes en littérature n’avait pas de prénoms ». Un état des lieux fâcheux, que l’autrice et sa mère ingénieure réparent en lançant l’application « Un texte, une femme ».
Ma mère est extrêmement technophile et quand on a créé « Un texte un jour » c’était son idée. Moi j’offrais des versions papier d’anthologie littéraire. C’est elle qui m’a dit on va en faire une version numérique, ma mère est très digitale et moi pas du tout.
Une diversité de points de vue
Dans cette « anthologie portative » des notes et des biographies accompagnent le texte quotidien. « Je voulais surtout que ce soient des femmes de tous horizons et pas seulement des écrivaines. Des reines, des artistes, des soignantes, des psychiatres … des profils très différents de femmes ». Face à l’ampleur des recherches, Sarah Sauquet ne s’intéresse qu’aux textes tombés dans le domaine public et à ceux qui expriment une diversité de points de vue. « Que ce soient le militantisme, la création, l’attention aux autres, je voulais montrer que l’on peut être une femme de plein de façons ».
Le livre exprime la même volonté. Et recense des textes qui courent de Sapho sous l’Antiquité, en passant par le Moyen-Age. Même si l’essentiel de ces écrits sont datés du 19ème et 20ème siècle jusqu’en 1945. Sarah Sauquet découvre des textes d’une modernité insoupçonnée. « Héloïse, amoureuse d’Abélard était à la tête du couvent « le Paraplet ». Elle écrit des textes pour dénoncer les règles monastique mise en œuvre dans les couvents et les abbayes au seul profit des hommes. Et ne tenaient pas compte par exemple des menstruations des femmes ou de leur fatigue éventuelle face aux travaux physiques ».
Des femmes oubliées
Parmi les textes découverts à la BNF, l’autrice révèle des femmes oubliées, comme Delphine de Girardin, journaliste au 19ème siècle qui écrit sur le tout Paris. Son salon est alors fréquenté par Hugo et Balzac. Des femmes dont l’intelligence et le talent sont parfois jalousées. Sarah Sauquet évoque Louise Colet, la maitresse de Gustave Flaubert. « J’ai découvert une femme bardée de prix littéraires dont le Grand prix de l’Académie française. Elle était très connue. Mais quand elle s’est séparée de Flaubert, celui-ci a tout fait pour détruire sa réputation. Et invisibiliser ses textes ».
De nombreux textes féminins ont aussi disparus car considérés comme mineurs analyse la professeure de lettres. « il y a beaucoup de texte de justification. Au 18ème siècle, Louise Bourgeois, sage femme, accouche la Grande Mademoiselle qui décède peu après. Accusée de négligence, elle a ensuite écrit un texte pour justifier sa pratique médicale ». Dans la même veine, Sarah Sauquet cite la psychiatre Madeleine Pelletier qui pratiquait des avortements dans les années 1940. « Marginalisée, elle a été internée ».
Pourtant cela change commente l’autrice. Avec Annie Ernaux, Marguerite Duras ou Marguerite Yourcenar, même si la nomination de cette dernière à l’Académie Française par Jean d’Ormesson a suscité un tollé il y a seulement 30 ans. « C’est une vigilance qu’il faut garder de tous les instants ».
Le livre Un texte Une femme, La littérature au féminin en 365 jours est publié chez LibriSphaera
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