«FUTURES» : DES PORTRAITS D’ACTRICES QUI DÉMODENT L’ÂGISME

Mathilde Marc, photographe et réalisatrice a réalisé une série de portraits de comédiennes âgées de 50 à 90 ans. Une contre proposition créative et résistante face à l’âgisme qui impacte la carrière artistiques des actrices. Interview.

Les actrices ne vieillissent pas pour leur public. Leur jeunesse gravée sur la pellicule imprime l’imaginaire collectif et gare à celles qui ne vieilliraient pas «avec grâce». Une conception âgiste qui refuse aux femmes les marques physiques du temps. Mathilde Marc, 39 ans, propose dans son exposition visible à Albi, un réponse artistique aux diktats de la jeunesse éternelle.

D’Ariane Ascaride à Françoise Fabian qui illustre l’affiche de l’exposition, vous donnez à voir des actrices connues et moins connues mais toutes en activité. Pourquoi avoir choisi ce sujet de la représentation du vieillissement ?

Cela remonte à ma première rencontre avec la comédienne et autrice Marina Tomé en 2018, j’avais assisté au colloque organisé au moment du lancement de la commission du Tunnel de la comédienne de 50 ans. J’ai écouté les actrices parler de leur vécu et je me suis rendue compte que je ne photographiais pas les femmes plus âgées que moi. J’ai réfléchi à la manière dont on pouvait mettre en scène ces actrices pour qu’on puisse se projeter et s’identifier.

Vous avez choisi une mise en scène sobre et colorée pour contrer l’image terne attribuée au vieillissement ?

j’ai choisi de les photographier comme si je réalisais des films, mes portraits font d’elles des héroines. Je suis allée chercher des créateurs pour les habiller, je voulais des pièces modernes, des éclairages flatteurs et aucune retouche post photographique. Je ne voulais pas être hypocrite et effacer leurs traits, il fallait une image qui leur plaise aussi sans passer par le lissage. Il y a eu de nombreuses discussions en amont pour construire leur personnage.

Pourquoi avez-vous titré «Futures» l’exposition ?

Le premier titre auquel j’avais pensé au début c’était Visibles, mais c’est un mot qu’on utilise trop. Futures me semble beaucoup plus évident. Le futur c’est forcément de vieillir et plutôt que de voir des femmes qui ont 10 ans ou 20 ans de moins que nous, j’ai regardé des modèles qui ont 10, 20 ou 30 ans de plus que nous.

Comment avez vous convaincu les comédiennes de participer à votre projet ?

Cela a mis du temps à démarrer car il il y au la crise sanitaire entre temps. Les premiers portraits ont débuté fin 2019, puis quand j’ai photographié des actrices connues, elles m’ont recommandée à d’autres.

Comment vivent-elles leur vieillissement ?

Elles le vivent plutôt bien, même si elles déplorent le manque de rôle. Certaines se sont mises à l’écriture de romans, de pièces de théatre, je pense à Maria de Medeiros qui a une carrière de réalisatrice, de comédienne et d’auteur. La plupart ont pris le taureau par les cornes, soit en écrivant leur propre rôle, soit en réalisant soit on se diversifiant plutôt que d’être dans l’attente d’un rôle ou d’une proposition.

Au cours de ces discussions, il ressort qu’elles ont une vision très positive du vieillissement ?

C’est le cas de Nathalie Richard que j’ai photographiée, elle a joué avec Bertrand Mandico qui fait tourner des femmes de toutes générations. Pour Nanou Garcia, plus on assume son âge, plus on a des chances d’avoir des rôles.

Il y a un côté un peu provoc aussi. Je pense à Corinne Masiero qui est une femme engagée. Elle ne voulait pas être retouchée. Elle fait beaucoup de yoga et c’est une actrice très libre avec son corps. Pour la séance, elle était maquillée et portait une robe très extravagante. Ca lui a plus parce qu’on lui fait jouer la plupart du temps des rôles de flic, assez masculins. Je voulais qu’elle soit très féminine.

La représentation du vieillissement impacte toutes les générations de femmes et pas seulement celles qui ont la cinquantaine ?

j’ai des amies qui ont 26 ans et qui veulent déjà se faire des injections de Botox. iI y a déjà une peur super forte de vieillir, de ne plus avoir de rôle. Nanou Garcia me disait qu’elle trouvait qu’elle était une belle vieille. Mais j’ai le souvenir d’avoir des amies qui à 20 ans se disaient ça y est, c’est le début de la déchéance. Un peu pour rigoler, mais pas totalement.

Comment avez-vous réalisé la série ?
J’autofinance la série, j’ai fait des photos dans un hôtel grâce à un partenariat. Certaines ont été photographiées chez elles, Je voulais que sur l’image tout paraisse glam, mais aussi montrer des femmes qui sont des électrons libres qui contrastent un peu avec tout ce qu’on voit sur les contenus des réseaux sociaux.

A voir du 21 au 30 novembre 14 rue Timbal à Albi (81000) espace Reynès festival Les Œillades