La PMA pour toutes, mesure phare de la loi bioéthique devrait être adoptée avant la fin de l’été. Mais à y regarder de près, la loi construit un système dérogatoire pour les couples lesbiens et oublie les hommes trans. J’ai Piscine Avec SImone a discuté avec Véronique Cerasoli, Chargée des questions PMA et porte parole de SOS homophobie du fond de cette loi attendue depuis 27 ans.
A première vue, c’est une bonne nouvelle. La loi sur la PMA reportée à d’autres calendes par le gouvernement Hollande revient en 3ème lecture à l’Assemblée Nationale. Près de 1600 amendements ont été déposés par les forces conservatrices du parlement, attestant une véritable politique d’obstruction. Pourtant les articles concernant la PMA sont loin de constituer une avancée égalitaire. « L’article 1er ouvre son accès à des personnes qui jusqu’à présent en étaient exclues, mais se limite aux femmes célibataires et aux couples lesbiens » détaille la spécialiste des discriminations de genre.
Les associations de défense des droits LGBT et féministes revendiquent l’accès de la PMA à toutes les personnes en capacité de porter un enfant. Aujourd’hui les hommes trans en sont exclus, hors depuis 2016 ils peuvent changer de genre à l’état civil tout en conservant leurs capacités reproductrices, la stérilisation n’étant plus obligatoire. Une incohérence du législateur qui ne tire pas les conséquences de ses propres lois selon Véronique Cerasoli.
La discrimination débute en 1994
La chargée de plaidoyer souhaiterait que les identités de genre et les orientations sexuelles ne soient pas des critères d’accès à la PMA. Et cite les nombreux pays européens qui ont seulement défini une condition d’âge. L’Espagne, le Portugal, L’Irlande, le Royaume-Uni, le Danemark et la Suède ne font pas mention de l’orientation sexuelle ni du statut marital des femmes qui demandent à bénéficier de la PMA ajoute Véronique Cerasoli. « En France, la discrimination a commencé en 1994 avec la 1ère loi bioéthique dans laquelle le législateur a défini les personnes qui aurait accès à la PMA ». A savoir un couple composé d’une femme et d’un homme, exit les femmes célibataire et les couples lesbiens.
Notre droit français est extrêmement hétéro-normé sur la PMA comme sur d’autres sujets. C’est un droit hérité de Napoléon, extrêmement sexiste. Tout ce qui sort de cette norme du mariage entre un homme et une femme est extrêmement long et toutes les avancées sont obtenues petit bout par petit bout.
L’égalité n’est pas au rendez vous non plus argumente Véronique Cerasoli puisque l’article 4 consacre une autre discrimination. « En 1994 le législateur a mis en place un droit de la filiation dans le cadre d’une PMA avec tiers donneur pour sécuriser la filiation entre la mère qui accouche le second parent qui n’est pas lié biologiquement à cet enfant, mais qui par son engagement avec la mère, soit par mariage, par compagnonnage et par consentement au don s’engage à être le second parent de cette enfant ». Le mariage pour tous voté en 2013 devrait permettre le même droit, hors ce n’est pas le cas puisque le gouvernement refuse d’appliquer le droit commun de la PMA avec tiers donneur aux couples lesbiens.
La mise en place d’un droit « dérogatoire »
Ainsi se met en place un droit « dérogatoire » fondé sur le jeu de lobbys et des forces conservatrices. L’experte dénonce le jeu de l’obstruction parlementaire avec le dépôt d’amendements. « Cela rend le débat tout à fait inaudible pour les personnes qui souhaiterait suivre et pour les parlementaires. On a un temps limité et il faut bien avancer même si c’est une loi à minima ». Celle-ci reflète un compromis politique assumé par le gouvernement explique Véronique Cerasoli qui échange régulièrement avec les rapporteurs du texte. Le sujet avait également fait reculer le gouvernement Hollande qui avait cédé sur la PMA à l’époque de la loi sur le mariage pour tous commente-t-elle.
Dans les faits, relate la porte parole de SOS Homophobie, pour que le second parent puisse figurer (avec mention du mode de conception de l’enfant) sur le livret de famille d’un couple lesbien, il faut effectuer une reconnaissance anticipée de l’enfant devant notaire. Ce document étant signé en même temps que le consentement au don. Un parcours « de la combattante » selon les mots de Véronique Cerasoli qui déplore que le législateur enferme le système de filiation dans la loi bioéthique. « Le débat est coincé » constate-t-elle.
27 ans d’attente
Pour autant, les mentalités évoluent depuis 2019, date de l’adoption de l’article 1er du projet de loi sur la bioéthique. Mais poursuit la chargée de plaidoyer « c’est très long et c’est épuisant. Les femmes célibataires et les couples lesbiens attendent depuis 1994. Il y a toute une génération qui n’a pas pu avoir d’enfants, certaines se sont mises sois hors-la-loi, soit en danger sanitaire avec des PMA artisanales, soit pour celles qui avaient les moyens des PMA à l’étranger ». Une situation qui rappelle celle des femmes avant la dépénalisation de l’avortement en France. Le round final pourrait se dérouler devant le Conseil Constitutionnel estime Véronique Cerasoli au vu de l’opposition farouche des 80 parlementaires LR.
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