«NO(S) DAMES» LE SPECTACLE QUI DÉGENRE L’OPÉRA

Nos(s) Dames
©Edouard BRANE

Les histoires d’amour finissent mal en général et tout particulièrement pour les divas à l’Opéra. Un scénario répétitif sur 4 siècles de créations lyriques aux mains des hommes. Le contre-ténor Théophile Alexandre et le quatuor féminin Zaïde revisitent avec No(s) Dames la destinée tragique de ces héroïnes pour mettre fin à cette fatalité de genre. Ils seront au Trianon de Paris les 9 Janvier et 11 Avril 2023, et en tournée en France.

Le contre-ténor Théophile Alexandre fasciné par Carmen depuis l’enfance ne comprenait pas pourquoi la cigarière devait mourir à la fin du 4ème acte. «J’ai compris tardivement ce sort. Parce qu’on dit qu’elle est libre elle en meurt, par et pour un homme». Un destin partagé par la plupart des grandes héroïnes. Poignardée, noyée, pendue, suicidée, malade tel est le destin commun de Carmen, Juliette, Violetta, Norma … Incarnation absolue du romantisme, elles impriment dans l’imaginaire collectif que «c’est beau de mourir pour un homme dans un déluge de violons» analyse Emmanuel Greze-Masurel, le directeur artistique du projet.

Faut-il pour autant adopter la cancel culture ou poursuivre au nom du respect de la tradition interrogent les deux créateurs. Ils préfèrent dessiner une 3ème voie créative «permettant de dépasser la beauté de cette musique sans l’abîmer et d’en faire un projet sociétal» résume Théophile Alexandre. Convoquant 23 héroïnes mythiques, le projet artistique No(s) Dames inverse les rôles en confiant la direction musicale au quatuor féminin Zaïde et au contre-ténor l’interprétation de tous ces grands airs. Autant de «tubes» qu’il a fallu adapter à la tessiture de Théophile Alexandre et à l’intimité du quatuor à cordes.

Comprendre le texte

L’exercice lyrique contribue aussi à la compréhension des enjeux. «Quand on baisse la tonalité, on se rapproche beaucoup plus de la voix parlée et donc on comprend un peu mieux le texte» souligne le contre-ténor. La tradition de l’opéra fait primer la musique et place les histoires des librettistes au second plan déplore Emmanuel Greze-Masurel qui se réfère au livre de Catherine Clément, autrice de «L’opéra ou la défaite des femmes». Dans No(s) Dames, en fermant les yeux , on ne sait plus si c’est un homme ou une femme qui chante assure-t-il. Une façon de faire bouger les lignes de tout «un édifice culturel qui a forgé l’idée que la vie d’une femme n’a de sens que si elle est aimée par un homme».

Le spectacle hommage de réhabilitation des divas couvre 4 siècles. De la Médée de Cavalli (1649) à Maria de Buenos Aires, l’opéra tango de Piazzolla (1968), les héroïnes appartiennent toujours aux mêmes archétypes, la madone, la putain ou la sorcière. Un tiercé patriarcal qui se joue dans les 18 opéras du territoire qui éludent les demandes de programmation de No(s) Dames à l’exception de celui de Limoges qui coproduit le spectacle. Une frilosité des directions très masculines soulignent Théophile Alexandre et Emmanuel Greze-Masurel.

No(s) Dames pour en finir avec l’invisibilisation des compositrices

D’ailleurs cette tragédie ne serait-elle pas l’aboutissement d’un entre-soi masculin qui exclut les compositrices par ailleurs peu nombreuses ? «Les femmes avaient le droit de jouer parfois du luth ou du clavecin, mais uniquement dans leur salon sans aucune représentation possible» explique Théophile Alexandre, rendant l’émergence de roles modèles féminins impossible et le matrimoine bien pauvre. Toutefois, se réjouit le directeur artistique «Notre projet est associé avec le centre Présence Compositrices, qui est menée par Claire Bodin et recense toutes les œuvres des compositrices oubliées de l’histoire et les mets à disposition des artistes pour pouvoir les faire vivre».

Le spectacle s’inscrit dans une volonté de pédagogie et les représentations au Trianon de Paris les 9 janvier et 11 Avril 2023 seront précédées d’une conférence sur les corsets de genre de notre culture. Un livre nourrit également cette réflexion. 13 artistes dont Laurence Equilbey, Juliette, Julie Fuchs, Macha Makeïeff et Maguy Marin évoquent ces stéréotypes. «C’est un projet humaniste avant toute chose, on rentre par les héroïnes d’opéra, mais on ouvre un débat. Derrière c’est un sujet de société que nous portons» affirme Emmanuel Greze-Masurel.

Retrouvez toutes les dates de tournée de No(s) Dames sur le site www.theophilealexandre.com

Album et livre No(s) Dames également disponibles.

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