LES COMBATS DE LA JOURNALISTE VÉRONIQUE ROBERT

Instagram Véronique Robert
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Grièvement blessée par l’explosion d’un engin artisanal à Mossoul, la journaliste suisse Véronique Robert est décédée samedi 24 juin à l’hôpital Percy de Clamart. Couvrant  les conflits du Moyen-Orient, elle était revenue en Irak pour suivre la reconquête de Mossoul avec le reporter d’images Stéphan Villeneuve et le fixeur kurde Bakhhtiyar Haddad, tous deux également décédés. Agée de 54 ans, son engagement ne se cantonnait pas aux terrains de guerre. Ses indignations et ses combats étaient nombreux et sans filtre.

Pour le photographe Alvaro Canovas, elle était « la dame de Mossoul ». Dans un texte hommage publié sur sa page Facebook, il évoque sa détermination être présente lors de la bataille finale pour « boire un café devant la mosquée de Baghdadi ». Un tempérament fort et « une volonté exceptionnelle » à poursuivre ses objectifs. Le 16 juin dernier Paris-Match publie son reportage sur Ali, le photographe enrôlé par Daech pour réaliser un trombinoscope à vocation administrative. Une sacrée prise pour la journaliste dont le travail d’enquête s’étire parfois du côté du renseignement et du conseil.

Même pendant l’hiver lorsqu’elle rejoint Dubaï où elle réside, elle se tient toujours informer de l’avancée des troupes irakiennes. Caroline Mangez, journaliste et amie la décrit comme « une battante, une machine de guerre ». Une force de caractère mise à l’épreuve dans sa vie personnelle. Mère déterminée, elle engage une action en justice retentissante afin de faire condamner les Emiratis responsables du viol de son fils. Sa victoire face aux autorités du pays est la forme achevée de sa colère qu’elle canalise dans la création du site « boycottdubaï » dénonçant les crimes impunis commis contre les travailleurs étrangers.

 

Les Talibans avaient choisi le bleu du ciel comme la couleur de la burqa des femmes, car c’était encore un pas de plus dans la négation de ce qu’elles représentaient pour eux. En effet, elles devenaient invisibles se confondant avec le bleu du ciel.

 

Humaniste, elle traque les imposteurs. « Embedded » avec la Golden Division, unité d’élite de l’armée irakienne, elle tâcle les postures érotiques et les analyses bien pensantes. Dans son viseur, BHL reçoit une cinglante leçon de journalisme. « Le reportage de guerre consiste à dire la vérité, à savoir ne pas prétendre être à un endroit ou dans une position si on y est pas. Le reportage de guerre consiste à faire fi de ses idées ou idéologies qui n’ont rien à faire dans ce contexte, mais à rapporter des faits et uniquement des faits, ce que l’on a vécu ou que l’on a pu vérifier ». Cash, elle interpelle l’ONG Human Rights Watch. L’organisation « se trouve un nouveau combat en condamnant les militaires irakiens pour crimes de guerre et se plante à nouveau ». 

Régulièrement sa page Facebook se fait l’écho de ses indignations. Elle s’interroge sur la discrimination dans le traitement de l’information relayée dans les médias. « Je m’appelle Bagdad… Plus de 40 morts dans les deux attentats du 30 mai dernier. Je l’ai déjà écrit de nombreuses fois, mais je continuerais jusqu’à ce que peut-être un jour j’ai moins honte de ce que nous sommes et du traitement que nous réservons à l’information. Les enfants morts dans les attentats de Bagdad ont donc moins de valeur que les enfants Français ou Anglais ? « . Elle tempête. S’insurge contre l’oubli de la guerre dans les Breaking News. « Les journaux télévisés, les chaines d’info en continu se fichent totalement de Mossoul aujourd’hui. Je n’ai encore entendu personne déclarer nous sommes Mossoul ».

 

Il faut faire avec notre intelligence et ce que nous savons actuellement et de manière factuelle sur ce conflit, et ne pas céder, malgré l’atrocité de la situation à désigner un coupable sans avoir essayé d’en analyser les tenants et les aboutissants.

 

Visa pour l’image 2017 primera peut-être en septembre la photo d’Alvaro Canovas figurant dans la sélection officielle du Festival de photo journalisme de Perpignan. Un rappel indispensable du travail quotidien de ceux qui s’approchent des faits au plus près. « Si vous croisez des français sur la ligne de front, alors faites demi tour c’est que vous êtes trop près… » rapporte le photographe citant un journaliste américain.

 

Sophie Dancourt avec David Lefranc

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