L’ÂGISME, LA DISCRIMINATION INVISIBLE

l'âgisme la discrimination invisible ©cheryl-winn-boujnida
©cheryl-winn-boujnida

« D’ici 2050, une personne sur cinq, près de 2 milliards de personnes, auront 60 ans ou plus. La longévité est un emblème du progrès de l’homme. Ces personnes âgées représentent un marché vaste, sans précédent et non exploité ». Ashton Applewhite, activiste auteure de « A manifesto against ageism » (2016) – Un manifeste contre la discrimination liée à l’âge – déconstruit le paradigme d’une population qui serait devenue inutile et vouée au bannissement d’une société avide de jeunisme. La question de la ségrégation par l’âge met en jeu non seulement la place des seniors dans la société mais absorbe leur potentiel économique. A terme c’est fatal.

Comment lutter contre les discriminations ? Les prendre à bras le corps et les rendre visibles. Mais frappées de la double peine sexisme et vieillissement les femmes répondent aux injonctions de jeunisme de la société. Faire de l’exercice, surveiller ses rides ou teindre ses cheveux. Autant de comportements dissimulant une honte terrible : devenir vieille ! La stratégie du leurre les invisibilise. Et si l’on ajoute les discriminations liées à la race et à la classe sociale on trouve parmi les plus pauvres les vieilles femmes de couleurs. « L’âgisme s’alimente de déni : notre réticence à reconnaître que nous allons devenir cette personne plus âgée ». Ashton Applewhite décrit un mécanisme bien rôdé huilé par un discours négatif. « Les rides sont laides. Les vieux sont pathétiques. C’est triste d’être vieux ». Une aubaine pour les industries cosmétiques et pharmaceutiques qui vendent cette transition naturelle au mieux comme un naufrage esthétique qu’il faut combattre au pire comme une maladie.

 

Une récente étude du cabinet d’analyses de marché Mintel révèle ainsi qu’en 2016, plus d’un tiers (37 %) des produits cosmétiques portant des allégations anti-âge ont été lancés en Asie Pacifique (APAC), alors qu’ils n’étaient que 28 % en 2014. Cela fait de l’APAC le deuxième marché le plus actif dans l’innovation anti-âge après l’Europe (40 %). Observatoire des cosmétiques – Aout 2017

 

Toutefois une voix différente se profile portée par le magazine américain Allure qui a récemment proscrit de sa ligne éditorial le mot « anti-âge ». Un positionnement expliqué dans un récent éditorial (août 2017) « Que nous en ayons conscience ou pas nous renforçons subtilement le message que le vieillissement est une condition que nous devons combattre » écrit Michelle Lee. Un signal positif qui fait écho au vaste plan d’action quinquennal présenté par l’OMS pour que « d’ici 2020, tous les pays s’engagent à promouvoir le vieillissement en bonne santé ». Un engagement qui ne doit rien au hasard mais aux données démographiques rappelées par Paul Tasner, jeune entrepreneur de 66 ans. « The Census Bureau – bureau de recensement des Etats-Unis – affirme que d’ici 2050, il y aura 84 millions de personnes âgées dans ce pays. Presque deux fois plus que ce que nous avons aujourd’hui. Pouvez-vous imaginer combien de nouveaux entrepreneurs il y aura parmi eux ? Et ils auront tous quatre décennies d’expérience » ! Il ajoute que les entrepreneurs plus âgés qui se lancent dans l’entrepreneuriat ont un taux de réussite de 70% alors que le taux descend à 28% pour les plus jeunes. Alors pourquoi « vieillir serait quitter la scène » s’interroge Ashton Applewhite ?

Prônant la diversité de nombreuses entreprises ont signé des chartes dont sont curieusement absentes les personnes discriminées par leur âge. Et si avancer en âge et poser problème démarre autour de la cinquantaine dans le monde du travail, certains secteurs ont drastiquement raccourci la notion d’âge. Malheur à ceux qui paraissent vieux dans l’industrie de la tech ! Dans un article consacré au manque de diversité dans ce domaine « The American Genius » reprend les données d’une étude réalisée par le site d’emploi Indeed qui s’est ému de la discrimination fondée sur l’âge. Et suggère aux entreprises de proposer dans ses annonces des avantages qui seraient en phase avec les souhaits des salariés les plus âgés.

 

Nous devons cesser de regarder notre vie comme une colline que nous commençons à descendre de façon incontrôlable au-delà de 35 ans. Ashton Applewhite.

 

 

Au delà des chiffres les arguments positifs liés au vieillissement sont percutants pour peu que l’on dépasse les clichés. Les économistes David G. Blanchflower et Andrew J. Oswald ont matérialisé en 2013 une courbe symbolique du bonheur dans les pays riches. Un U dessinant les âges les plus heureux de la vie. « En gros, on est heureux jusqu’à 25 ans, puis le sentiment de bien-être diminue jusqu’à la cinquantaine, avant de remonter et de retrouver, vers 70 ans, des niveaux élevés » résume les Echos. En cause, moins de pression éducative (les enfants sont élevés) et absence de pression hiérarchique (la retraite est passé par là). Toutefois, cette courbure pourrait bien être redessinée par le retour à l’emploi de travailleurs absents du marché jusque là. Le Brexit pourrait avoir comme conséquence une pénurie d’employés dans la tech, idéal selon Geraldine Gallacher, directrice générale de l’agence ECC pour promouvoir la diversité des sexes et des âges.

 

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