LE FÉMINISME RUSSE RACONTÉ PAR LES MÉDIAS DIPLOMATIQUES DE POUTINE

le féminisme russe

Le site d’information russe Russia Beyond the Headlines (RBTH) a traité la question du féminisme dans deux tribunes aux avis divergents le 12 janvier. Cette ligne éditoriale promouvant la diversité d’opinions étonne sur la forme. Sur le fond, malgré une évidente propagande destinée à redorer l’image de la Russie à l’étranger (le soft power russe incarné par ces nouveaux médias), les articles révèlent qu’au XXI ème siècle les féministes russes n’ont toujours pas bonne presse dans leur pays.

Vicky Lova « journaliste et entrepreneure » (apparemment c’est possible) raconte dans un style militant pourquoi les femmes ne peuvent souscrire au féminisme américain. Intitulé « Pourquoi les femmes russes n’ont pas besoin du féminisme occidental » l’article rappelle l’ère soviétique où les femmes n’avaient pas besoin des hommes. « (ma mère) a travaillé comme maître de conférences, mais c’était une femme qui « pouvait tout faire ». Elle déplaçait facilement les meubles, changeait le papier peint ou réparait les robinets qui fuient ». OK. C’était une femme de tempérament. D’ailleurs elle n’avait pas le choix, l’Etat réprimant les citoyens « parasites ». Entendez ceux qui ne travaillaient pas. N’attendant rien d’un homme, sa mère divorce car « il (son mari) ne servait à rien » !

Refusant ce féminisme qui dit-elle décrit bien l’état d’esprit des féministes américaines qualifiées de « toxiques », Vicky Lova reconnaît que l’agressivité était le seul moyen pour les américaines de se faire une place dans le monde professionnel. Cumulant emploi et charges « genrées » les femmes russes s’éreintaient à tenir leur foyer pendant que « la plupart des hommes étaient sur le canapé, avec un magazine sportif dans une main et une bière dans l’autre ». (Est ce typiquement russe ?) Nuançant son propos, la journaliste cite toutefois des chiffres étonnants (UNESCO). « 41 pour cent de ceux qui travaillent dans la recherche scientifique sont des femmes. Un des taux les plus élevés au monde « !

Y aurait-il une contradiction ? La journaliste refuse de laisser le féminisme occidental comme seul modèle à suivre. Même si les américaines ont su réseauter, être solidaire et concevoir des programmes exclusivement féminins, elles ont oublié l’essentiel. Les hommes. « ceux qui devraient être les principaux participants du débat sur la liberté des femmes ».

 

si les gens ne travaillaient pas, ils étaient considérés comme des parasites et risquaient l’emprisonnement et alors qu’une journée pour un homme en URSS se terminait après huit heures de travail, le travail d’une femme continuait dans la soirée à la maison.

 

A l’opposé, Ioulia Champorova énumère dans le second article publié sur le site que la Russie n’en a pas fini avec l’éducation genrée dès le plus jeune âge. Se déclarer féministe par la suite nécessite un sacré caractère. Ici passe l’ombre des Femens ! Sous représentées au sein de la classe politique (9,7% occupent des postes ministériels) elles sont en revanche 61,3% à travailler dans des métiers techniques et manuels. Pour obtenir un job, l’auteure de l’article énumère des conseils plutôt classiques : ne pas prévoir d’être enceinte, accepter d’être payer 30% de moins qu’un homme. Et se taire sur les faits de harcèlement sexuel. (seulement 10 à 12% des victimes de violence sexuelle en Russie contactent la police). Alors que son constat est plus sévère que celui de Vicky Lova, toutes deux évoquent les questions de violences familiales largement tolérées dans la société russe. Une preuve ? La Douma (chambre basse) a voté en janvier 2017 la dépénalisation de la violence domestique.

Doctorant spécialiste du « soft power russe » Maxime Audinet, dans une interview accordée aux Inrocks considère Russia Beyond the Headlines (RBTH) comme un « média de diplomatie publique russe« . Le site se concentre uniquement sur la Russie, avec pour objectif d’améliorer la perception du pays à l’étranger, d’attirer des touristes potentiels ». « Cette diplomatie publique est un processus par lequel un gouvernement communique directement avec une population étrangère pour promouvoir ses valeurs et ses intérêts et, in fine, pour conditionner l’agenda de ses dirigeants politiques » a rappelé le chercheur. Dont acte.

 

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