Difficile de croire que les plus belles success stories débutent souvent par des échecs. De Steve Job patron d’Apple à JK Rowling l’auteure d’Harry Potter, ils ont en commun d’avoir vécu de spectaculaires déboires qui auraient pu les laisser désarmer et sans ressources. Sur leur capacité de rebond s’est écrit une autre page de leur vie. Vécue a postériori comme un accélérateur de succès, la notion même d’échec s’appréhende différemment selon notre culture. Une honte stigmatisante à camoufler ou une somme d’expériences porteuses d’enseignements.
« Qu’avez-vous raté dans votre vie ? « demandent souvent les recruteurs américains lors des entretiens d’embauche. Pas question d’enrober la réponse dans une amnésie sélective ou un discours arrangé. L’interrogation ne vaut que par les leçons que les candidats en ont tirées. L’échec ne serait en soi qu’une étape au cours d’une vie. Plus difficile à envisager en France où les employeurs s’assurent de la pertinence de leur choix par la sempiternelle « quels sont vos point forts et faibles ». Et où la culture des grandes écoles élitistes occulte le poids de l’expérimentation. Tout ne serait qu’un point de vue culturel très différencié. Lina Bougrini (41 ans), Fondatrice, Click&Car a vécu des deux côtés de l’Atlantique et se souvient de son arrivée professionnelle à San Diego. « J’ai rencontré des gens qui disaient quelle chance j’ai été licencié. Je vais enfin avoir l’opportunité de monter ma boite ! Je suis revenue en France avec l’idée que l’échec était une expérience comme une autre. J’ai monté ma boite, j’étais libre et je n’avais rien à perdre ».
Le succès et l’échec posent les mêmes questions : de notre dépendance aux normes sociales, au regard et au jugement posé nos actes. Ils ont des impacts plus proches que nous ne le pensons. Ce qui importe alors ce sont les enseignements souterrains qu’ils nous dispensent. Ce n’est pas le court mais le long terme qui importe. Extrait « la vie intérieure » Christophe André – France Culture
Résumée par l’adage « Essaie vite, échoue vite apprend vite » la méthode américaine s’exporte péniblement en France. L’effervescence du mode start-up a pourtant fait bouger les lignes en brouillant les étiquettes professionnelles. « On peut tenter l’entrepreneuriat et si ça ne marche pas rien n’empêche de revenir à un mode salarié. Il faut croire en ses capacités de rebondissement » s’enthousiasme la créatrice de JAM. L’emprise négative de l’échec se dilue dans les nouveaux modes de travail portés par internet. « Le web a cassé tous les codes » résume Guy Mamou Mani, coprésident de JamaisSansElles, association en faveur de la mixité dans les débats et manifestations publiques. Le numérique serait l’instrument d’un nouveau type de société qui remettrait les compteurs à zéro à condition d’apprendre à chuter et à rebondir. Condition essentielle pour relancer un processus valorisant à condition de ne pas s’appesantir. Marc Simoncini entrepreneur dont on retient aujourd’hui le succès de meeting explique dans “Grandeurs et misères des stars du Net » (Grasset 2012) que « Toute une génération s’étant plantée en 2000, du coup, l’échec est devenu normal. On s’est dit “ce n’est pas grave”. On ne parlait plus de faillite, d’ailleurs on n’entend plus ce mot-là depuis des décennies ».
Croire que l’échec peut nous aider à rebondir, à nous réorienter, à nous réinventer, c’est prendre le pari d’une philosophie du devenir. Charles Pépin – Les Vertus de l’échec (Allary Editions)
Pour autant le mantra « je n’échoue jamais j’apprends tout le temps » doit alors résonner fort pour court-circuiter le doute. Une philosophie qui a toutes les chances de réussir si elle est enseignée dès le plus jeune âge à l’école. Au lieu de construire la valeur d’un enfant sur un système de notation réducteur, l’école devrait « apprendre à apprendre » selon les termes de Marjolaine Grondin, jeune entrepreneuse. « J’ai entrepris quand j’étais étudiante. Il y avait zéro risque. Si j’échouais ça me faisais une ligne de plus sur mon CV. La mission de l’école est de donner confiance à tout le monde. Les métiers de demain n’existent pas encore et ne sont par définition ni masculin ni féminin ». Débarrassées de ce frein psychologique, les capacités d’innovation et de création ne sont plus entravées. La société y gagne un nouveau dynamisme car l’échec permet d’être à nouveau disponible pour autre chose comme le souligne Charles Pépin. Après avoir été recalée àl’oral de l’ENA, Pauline Laigneau crée Gemmyo, première plateforme dédiée à la joaillerie. Une réorientation qui passe par un travail d’introspection ou par l’urgence d’une situation. Marc Simoncini développe Meetic pour rembourser ses dettes accumulées par la chute du cours de ses actions.
Ces success stories semées d’échecs fascinent et deviennent des mythes autopsiés lors de conférences atypiques. Aux Etats-Unis les « failcon » inventés en Californie en 2011 accueillent les témoignages de chefs d’entreprises confrontés à l’insuccès. Un moment de célébration de la « loose » aux bienfaits énergétisants ! Phénomène de société ou de mode, l’échec décomplexe le récit mais peine encore à faire changer la mentalité des banquiers. Si 53 % des femmes se disent prêtent à remonter une société après un échec, les banques sont frileuses. Les Echos citent Isabelle Saladin, fondatrice d’I & S Adviser « Même si le fichier 040, qui émettait des réserves sur les dirigeants d’entreprise ayant connu une liquidation judiciaire, a disparu en 2013, il subsiste d’autres fichiers détestables ». En Suède, le musée de l’échec ((Museum of Failure) conçu par Samule West, psychologue surfe sur la tendance. Il y présente depuis le mois de juin les plus célèbres flops commerciaux des grandes marques. Du Coca Cola Black au café au stylo bille BIC pour femmes en passant par les google glass le créateur rétablit le récit du succès.