Alors que les femmes restent largement sous-représentées dans les grandes expositions et prix de la photographie, le festival Les femmes s’exposent, à Houlgate, œuvre depuis 2018 pour inverser la tendance. Sa 8ᵉ édition vient de récompenser trois projets portés par des photographes engagées, témoignant de la force et de la diversité des regards féminins sur le monde.
Depuis sa création en 2018 par Béatrice Tupin à Houlgate, Les femmes s’exposent affiche une mission claire : rendre visibles les femmes photographes professionnelles. Environ un quart seulement des photographes dans les grandes agences sont des femmes, et leurs droits et revenus restent inférieurs à ceux de leurs confrères. Leur sous-représentation dans les programmations de festivals et d’expositions est encore flagrante — seulement 25 % des œuvres exposées ou récompensées.
L’édition 2025 s’articule autour des thèmes « appartenance, identité, mémoire, transmission ». Avec douze expositions en plein air, des actions pédagogiques, et trois prix accompagnés de bourses — dont une résidence locale — le festival met en avant des regards diversifiés, intergénérationnels et géographiquement étendus, du Groenland à la République Démocratique du Congo en passant par la Colombie.
Trois voix, trois projets, un même engagement
Donner la parole à celles qu’on n’écoute pas. C’est le fil rouge qui relie les trois projets récompensés cette année par Les Femmes s’Exposent. Chacune des lauréates explore, à sa manière, des territoires où le droit de raconter, de témoigner ou de revendiquer reste fragile — qu’il s’agisse d’espaces de paix arrachés à la violence, de combats pour les droits reproductifs ou de mémoires invisibilisées.
Avec Si dios quiere, Louisa BEN, lauréate de la Bourse de création émergente, documente la vie quotidienne à Buenaventura, en Colombie, où un fragile espace de paix permet à des jeunes de se reconstruire dans une société marquée par des décennies de conflit. À travers son regard, ces adolescents deviennent les témoins d’une lente conquête de liberté.
Dans AcompañantAs, Mahé ELIPE, lauréate du Prix SAIF, met en lumière un autre combat pour l’autonomie : celui mené par les doulas de l’avortement en Amérique latine et aux États-Unis. Ces femmes construisent des réseaux de solidarité discrets mais essentiels, pour que le droit de disposer de son corps ne reste pas un slogan vide. Une lutte où la sororité et la transmission sont des armes puissantes.
Enfin, avec La route du blues, Chloé KERLEROUX, lauréate du Prix Fujifilm, nous entraîne sur la Highway 61, au cœur de la culture afro-américaine contemporaine. En photographiant les cowboys noirs et les rassemblements Trail Rides, elle redonne une visibilité à une mémoire effacée, tout en montrant comment cette jeunesse urbaine réinvente son héritage.
Un ADN clair : visibilité, reconnaissance, inclusion
Les femmes s’exposent ne se contente pas de montrer des images : il participe à rééquilibrer la narration visuelle contemporaine. Le festival revendique une photographie qui informe, interroge et relie — articulant mémoire, identité et transmission. À travers ses bourses, ses prix et ses dispositifs pédagogiques (avec des écoles, des jeunes en insertion, des détenues), il ouvre des espaces où les femmes photographes peuvent prendre la parole et revendiquer leur juste place.
La visibilité des femmes constitue la pierre angulaire de son ADN : rendre l’art accessible (expositions gratuites en plein air), récompenser le talent partout où il émerge, soutenir financièrement les projets, accompagner la nouvelle génération. Dans un monde de l’image encore marqué par les inégalités, Les femmes s’exposent affirme une conviction forte : les femmes photographes ont non seulement un regard à apporter, mais un rôle essentiel à jouer dans la construction de notre mémoire visuelle collective.
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