INFERTILITE : « J’AVAIS L’IMPRESSION D’ÊTRE LA SEULE MAMMIFÈRE INCAPABLE DE SE REPRODUIRE »

Sandrine Dumont
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Pendant des années, Sandrine Dumont a cru que la maternité était une évidence. Mais face à l’endométriose et aux échecs répétés de la PMA, elle a dû renoncer à son désir d’enfant. Après une période de doute et de remise en question, elle témoigne aujourd’hui de son cheminement, de la possibilité d’un bonheur en dehors de la maternité et des injonctions sociétales qui pèsent sur les femmes sans enfant.

Sandrine Dumont avait 32 ans quand un diagnostic d’endométriose a bouleversé sa vie. «J’ai su que j’étais infertile avant même d’avoir vraiment envie d’un enfant », raconte-t-elle. Jusque-là, la maternité n’était pas une priorité. « Certaines filles savent depuis leur enfance qu’elles veulent être mères. Moi, je voulais être pirate ou hôtesse de l’air ! » Mais ce verdict médical a tout changé. Son médecin lui conseille de ne pas attendre. Le doute s’installe. En couple avec un homme plus jeune, qui ne se projette pas encore dans la paternité, elle commence à ressentir la peur de « passer à côté ». « Quand on vous dit que ce ne sera peut-être jamais possible, vous paniquez. »

Quelques années plus tard, elle rencontre celui qui deviendra son compagnon de vie. «C’était le grand amour. Et un jour, il m’a dit : ‘Ce serait formidable qu’on ait un enfant » Sandrine entend autre chose : « Si on n’a pas d’enfant, il ne sera pas heureux avec moi. » Le couple se lance dans un parcours de PMA. Inséminations, fécondations in vitro (FIV)… Rien ne fonctionne.« Trois FIV en cinq mois. Cinq mois de montagnes russes émotionnelles, de fatigue, de douleurs.»

Entre espoirs et désillusions médicales

Mais le plus éprouvant reste l’errance face au corps médical, un ballet d’injonctions contradictoires et d’espoirs vite douchés. « D’abord, on m’assurait : ‘Vous êtes jeune, ça va marcher’. Quelques semaines plus tard, le ton changeait : ‘Vos ovaires sont foutus, il vaut mieux acheter des ovocytes en Espagne, une démarche qui coûte environ 8 000 euros, sans compter les frais de déplacement et d’hébergement ». Chaque rendez-vous devenait une loterie où le discours médical oscillait entre optimisme aveugle et résignation brutale. L’usure physique et psychologique était totale. « À force d’être ballottée entre espoirs et désillusions, j’ai fini par dire stop. Je n’en pouvais plus. Ma vie tout entière ne tournait plus qu’autour de ça.»

L’aveu à son compagnon est une étape douloureuse. « Je n’ai pas osé le dire tout de suite. J’avais peur qu’il parte. » Lorsqu’elle se décide enfin, il la surprend : lui non plus ne veut plus essayer. Soulagement, mais aussi vertige. « Je n’avais aucun exemple de femme heureuse sans enfant autour de moi. C’était comme si ma vie n’avait plus de sens. »

Commence alors une longue période de dépression. « J’avais l’impression d’être la seule mammifère incapable de se reproduire. J’étais persuadée que mon compagnon allait finir par me quitter.» En quête de réconfort, Sandrine explore Internet à la recherche de témoignages de femmes ayant, comme elle, dû faire le deuil de la maternité. Mais partout, elle ne trouve que des récits de réussites, des parcours de PMA qui se terminent par des naissances. « C’était comme si l’échec n’existait pas, comme si celles pour qui ça n’avait pas marché devaient rester invisibles. »

L’adoption, une option inaccessible

L’idée de l’adoption surgit naturellement. « J’ai toujours trouvé que c’était une belle démarche, mais quand j’ai regardé les chiffres, j’ai compris que c’était presque mission impossible. ». En 2022 il y avait 8840 personnes ou couples détenteurs d’un agrément et 596 pupilles de l’Etat adoptés en France. « Le délai moyen était de cinq ans, et plus on est âgé, plus l’enfant attribué est grand. » À 43 ans, elle savait qu’on lui proposerait un enfant de 5 à 10 ans, parfois avec des troubles de santé ou un passé traumatique. « J’ai réalisé que je ne me sentais pas capable d’adopter un enfant plus âgé avec un passé difficile. »

Petit à petit, elle apprend à envisager une autre vie. « Un jour, j’ai réalisé que j’étais heureuse. Que je n’échangerais ma vie pour rien au monde. Si une cigogne m’apportait un bébé aujourd’hui, je lui dirais de le ramener. ». Aujourd’hui, elle milite au travers de son association pour que les femmes sachent que l’on peut être heureuse sans enfant. « La maternité n’est pas la seule voie possible. Ce n’est pas un échec, c’est juste une autre vie.»

L’infertilité sociale

Mais l’infertilité ne touche pas seulement celles qui, comme elle, ont traversé des échecs en PMA. « Il y a aussi celles qui sont confrontées à une infertilité sociale, c’est-à-dire celles qui sont célibataires et qui n’ont jamais eu l’occasion d’essayer, celles qui sont en couple avec un homme qui ne veut pas d’enfant ou qui en a déjà, et celles qui ont subi un deuil périnatal.» Pour Sandrine, ces femmes partagent une souffrance commune, celle de voir leur désir de maternité contrarié par des circonstances extérieures. « On parle souvent des femmes qui ont choisi de ne pas avoir d’enfant, ou de celles qui ont pu en avoir, mais jamais de celles qui n’ont pas eu cette chance malgré leur envie profonde.»

Elle souligne l’invisibilisation des parcours qui sortent du cadre classique de l’infertilité médicale. « Quand on parle d’infertilité, on pense directement aux traitements médicaux, à la PMA, mais on oublie que des milliers de femmes n’ont même jamais pu essayer d’avoir un enfant dans des conditions favorables. » Le célibat, une relation avec un homme plus âgé ou déjà père, des contraintes financières ou professionnelles… autant de réalités qui, selon elle, mériteraient d’être reconnues. « Ce sont des destins qu’on ne veut pas voir. Pourtant, ils existent, et il faut leur donner une place dans le débat public.»

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