FEMMES BUSINESS ANGELS : CES INVESTISSEUSES QUI CHANGENT LA DONNE

Femmes Business Angels

À la tête de Femmes Business Angels, Catherine Malaval incarne une génération de femmes investisseuses qui bousculent les codes d’un univers encore très masculin. À 50, 60 ou 70 ans, elles choisissent d’investir pour transmettre, accompagner et faire entendre une autre voix dans l’économie de demain.

Elles s’appellent Régine, Sophie, Marie-Hélène. Elles ont entre 50 et 70 ans, et incarnent une autre manière d’investir : plus humaine, plus engagée, plus collective. Toutes sont membres de Femmes Business Angels (FBA), le seul réseau en France exclusivement féminin d’investisseuses dans les startups. Un milieu encore très masculin, où elles tracent leur voie avec détermination et envie de transmettre. Catherine Malaval, cheffe d’entreprise et présidente du réseau, le rappelle, « Notre mission, c’est de faire en sorte que les femmes soient visibles au capital des entreprises. Aujourd’hui, ce capital est encore massivement masculin, et pourtant, investir c’est aussi une manière de s’emparer de son pouvoir économique. »

« J’ai toujours été salariée dans la communication », raconte Régine Tournier, 66 ans. « Quand j’ai arrêté de travailler, je voulais rester intellectuellement active. Investir dans des startups m’a permis de garder mon cerveau en éveil et de rester connectée au monde. » Elle découvre alors un univers nouveau, dynamique, dans lequel elle s’implique à fond : « Je suis au comité stratégique d’une startup, j’en suis une dizaine de près. On apprend sans cesse. » Le mot « bienveillance » revient souvent dans leurs bouches, même si elles s’en amusent. « C’est tarte à la crème, mais c’est vrai, souligne Régine. « On travaille en binôme, on apprend l’une de l’autre. »

Chez Femmes Business Angels, la moyenne d’âge tourne autour de 55 ans – plus jeune que dans les réseaux masculins. Et contrairement aux idées reçues, il ne s’agit pas d’un club fermé de millionnaires en quête de défiscalisation. « Il ne faut pas être héritière ou avoir vendu sa boîte, insiste Sophie Riottot, ancienne cadre dans la tech. Moi, j’étais salariée, j’ai juste atteint une certaine autonomie financière qui m’a permis de réinvestir dans quelque chose d’utile. » Son déclic survient après avoir été évincée d’un comité exécutif dans une startup : « J’avais 53 ans, j’ai rebondi en me formant à la gouvernance et en rejoignant FBA. Je ne connaissais rien à l’investissement. Ce réseau m’a donné un cadre, un soutien, une méthode. »

Une diversité de parcours et une même envie d’agir

Au sein de FBA, les parcours sont multiples : cheffes d’entreprise, anciennes salariées, expertes en droit immobilier, en tech ou en communication média. Cette diversité de profils est une richesse, y compris pour les startups accompagnées, qui peuvent ainsi bénéficier d’un éventail d’expertises rare.

Et ce ne sont pas que des projets portés par des femmes. « On ne finance pas uniquement des entrepreneuses, précise Régine. Mais on veille à la diversité dans les équipes. Quand une startup est fondée par deux hommes, on n’hésite pas à poser la question : comment intégrez-vous les femmes au capital, au comité stratégique ? » Une vigilance qui crée une dynamique vertueuse, comme le montre une étude du cabinet Mazars : les fonds mixtes ou féminins investissent plus souvent dans des projets portés par des femmes, ce qui participe à rééquilibrer un écosystème encore très inégalitaire.

Ce soutien, c’est justement ce qui pousse de nombreuses femmes à rejoindre le réseau. Car le monde de l’investissement reste largement dominé par les hommes : selon les chiffres évoqués par Catherine Malaval, les femmes ne représentent que 11 % des Business Angels en France. Et encore, en comptant les réseaux mixtes. « Le capital des entreprises reste très majoritairement masculin », observe-t-elle. « On ne sait même pas combien de femmes sont actionnaires aujourd’hui, cette donnée n’existe pas. »
« Il faut apprendre aux filles dès le départ à tenir les cordons de la bourse, à être autonomes financièrement », martèle Marie-Hélène, ancienne entrepreneuse dans l’immobilier. « C’est une clé de liberté, et ça devrait faire partie de leur éducation, comme lire ou écrire. »

Investir autrement : exigence, transmission et engagement

En investissant dans des startups, ces femmes font donc bien plus qu’un placement financier : elles prennent leur place au capital des entreprises, là où tout se joue. Et elles n’y vont pas seules. « On dit souvent qu’un Business Angel apporte trois C : du Capital, des Compétences et des Contacts », rappelle Catherine Malaval. Toutes insistent sur cet aspect : ici, on ne signe pas un chèque et on disparaît. On suit les projets, on s’implique, on transmet son expérience. « C’est un vrai boulot », glisse Marie-Hélène Bourdet, « Mais quel plaisir d’accompagner des jeunes qui portent des idées innovantes. » Elle ajoute : « Si c’est juste pour placer son argent, il y a des placements bien plus rentables. Mais ici, on donne du temps. »

Femmes Business Angels revendique une quinzaine d’investissements par an, pour un peu plus d’un million d’euros au total. Le réseau fonctionne en co-instruction : deux femmes travaillent toujours ensemble sur chaque dossier. Une façon de croiser les regards, d’apprendre en continu, de se transmettre les savoirs. « Ce qui fait la force de FBA , ajoute la présidente de FBA, c’est aussi la transmission entre nous. On est toutes en apprentissage, on se co-instruit les dossiers, et les plus aguerries accompagnent les nouvelles. »

Ce compagnonnage, couplé à l’ouverture d’esprit, fait de FBA une véritable fabrique à futur. « À chaque réunion, on découvre des idées auxquelles on n’aurait jamais pensé. C’est une manière de rester dans la course, de garder les deux pieds dans le futur. » raconte Régine. Certaines parlent même de projet de vie à long terme. « Ce qui est génial, souffle Sophie, c’est qu’on peut se projeter à 55 ans dans une activité sur 10 ou 15 ans. Chez nous, la vice-présidente a 82 ans ! » Chez FBA, l’engagement se joue sur la durée, et à tout âge.

Et la rentabilité, dans tout ça ? Ce n’est pas le moteur principal pour toutes, mais l’exigence reste là.
« Je n’investis pas pour capitaliser, même si je n’ai pas envie de perdre », nuance Marie-Hélène Bourdet. « Ce n’est pas du mécénat, prévient Sophie Riottot. On regarde les projets avec rigueur : le business model, la traction commerciale, la solidité de l’équipe… L’émotion ne suffit pas. » Elles investissent donc autrement. Plus rationnelles ? Peut-être. Plus analytiques, sûrement. Mais surtout, elles choisissent d’investir dans l’économie qu’elles veulent voir advenir. Et de le faire ensemble.

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