« CONSENTEMENT ET VIOL : LA DÉLÉGATION DES FEMMES DU SÉNAT EXPLORE LES MODÈLES LÉGISLATIFS ÉTRANGERS

le consentement dans la législation pénale sur le viol
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À la veille de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la délégation aux droits des femmes du Sénat a organisé un colloque consacré au consentement et à la définition pénale du viol. Alors que le procès des viols de Mazan pose la question de la définition du consentement, des juristes et experts internationaux ont débattu des modèles étrangers. Entre le Canada, la Suède et l’Espagne, quelles leçons tirer pour moderniser notre droit pénal et mieux protéger les victimes ?

« Le consentement doit être clair, libre et mutuel. Le silence ou la passivité ne valent pas un OUI », a affirmé Catherine Le Magherès, docteure en droit, en ouvrant le débat. Pourtant, en France, le procès des viols de Mazan a illustré à quel point les mythes liés au consentement persistent. Les avocats des accusés y ont argué l’absence de résistance de la victime pour tenter de justifier un consentement, une défense qui, dans d’autres pays, serait fermement rejetée.

Inspirée par la Convention d’Istanbul (2011), ratifiée par la France en 2014, une nouvelle approche centrée sur le consentement explicite s’impose dans plusieurs pays. Cette convention exige que toute absence de consentement soit reconnue comme une infraction pénale, sans nécessité de prouver des violences physiques. Une avancée essentielle, mais encore absente du droit français.

Leçons du Canada : une législation ancrée dans le consentement

Le Canada est un précurseur en matière de législation sur le consentement, grâce à des jurisprudences marquantes qui ont établi des principes clairs; Dans l’affaire R.c. Ewanchuk (1999), la Cour suprême a rejeté l’idée que l’absence de résistance physique pouvait être interprétée comme un consentement. Elle a souligné que cette vision, reposant sur des stéréotypes archaïques, n’avait pas sa place dans un système de justice moderne.

Un autre exemple emblématique est l’affaire R. c. GA (2011), portant sur l’asphyxie dite « érotique ». L’accusé avait étranglé la victime jusqu’à l’inconscience, puis imposé des actes sexuels en prétendant qu’elle avait donné son accord à l’avance. La Cour a fermement statué que le consentement doit être continu et ne peut en aucun cas être anticipé. Ces affaires illustrent la capacité du droit canadien à déconstruire les mythes et à responsabiliser les auteurs. Par ailleurs, des campagnes d’éducation et de sensibilisation accompagnent ces avancées légales, contribuant à transformer les mentalités.

Suède et Espagne : des réformes pionnières en Europe

En Europe, la Suède et l’Espagne se sont imposées comme des modèles en matière de législation pénale. En 2018, la Suède a adopté une approche révolutionnaire en intégrant le consentement affirmatif dans son droit pénal. « La responsabilité incombe à l’auteur de s’assurer que son ou sa partenaire a clairement exprimé un oui », a expliqué Françoise Kempf, administratrice du Groupe d’experts du Conseil de l’Europe sur la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Grevio). Cette réforme inclut également une infraction spécifique pour violation par négligence, permettant de sanctionner les auteurs qui ne prennent pas de mesures raisonnables pour vérifier le consentement. Depuis, les condamnations pour violations ont augmenté de 75 %, tandis que les enquêtes se concentrent davantage sur l’absence de consentement que sur les preuves de violences physiques.

De son côté, l’Espagne a adopté en 2022 la loi « Solo sí es sí » qui fait du consentement explicite le critère unique pour définir une agression sexuelle. En supprimant la distinction entre « abus sexuels » et « viol », cette réforme a marqué une avancée majeure. Cependant, en abaissant les peines minimales pour certains cas, la loi a permis la révision de nombreuses condamnations antérieures, parfois en faveur des auteurs. « Cette controverse montre l’importance d’anticiper les effets de bord lorsqu’on réforme une législation aussi sensible », a expliqué Marion Lacaz, maîtresse de conférences. Une contre-réforme adoptée en avril 2023 a depuis corrigé ces lacunes, tout en maintenant l’esprit de la loi.

La France : un système à moderniser face aux attentes sociétales

En France, le droit pénal reste attaché à une vision ancienne du viol, centrée sur la preuve de violences, de contraintes, de menaces ou de surprises. Cette définition, inscrite dans l’article 222-23 du Code pénal, ne reconnaît pas encore l’absence de consentement comme un critère suffisant. « Aujourd’hui, une femme qui dit non, sans preuve de violence, ne voit pas sa situation reconnue comme un viol », a déploré Catherine Le Magherès. Cette situation reflète une lacune majeure, exacerbée par le procès de Mazan, où les avocats des accusés ont mis en avant l’absence de résistance de la victime pour tenter de justifier un consentement implicite.

En mars 2024, le Président de la République a exprimé son intention d’intégrer la notion de consentement explicite dans la définition légale du viol. Cependant, une proposition de loi visant à cette modification a été rejetée par l’Assemblée nationale en novembre 2024. Mais comme l’a souligné Françoise Kempf, « il ne suffit pas de changer la loi, il faut former les forces de l’ordre et sensibiliser la société aux notions de consentement ».

Au-delà des aspects légaux, la France doit également prendre en compte le rôle éducatif d’une telle réforme. Les campagnes de sensibilisation menées en Suède et au Canada montrent qu’intégrer la notion de consentement dans les écoles et les médias peut transformer durablement les mentalités. « En 2024, il est urgent d’abandonner les mythes et stéréotypes qui alimentent l’impunité », conclut Catherine Le Magherès.

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