L’avocate activiste des droits de femmes décédée le 28 juillet à l’âge de 93 ans a mené tout au long de sa vie de nombreux combats. Des procès médiatiques menant à la dépénalisation de l’avortement et à la qualification criminelle du viol, Gisèle Halimi n’a cessé de jeter des pavés dans la mare (l’océan) du patriarcat. Son parcours est une réponse à tous celles et ceux qui pensent que les féministes en font trop aujourd’hui. Voilà ce que les femmes lui doivent.
- La dépénalisation de l’avortement
Gisèle Halimi ouvre la voie vers la loi Veil avec le procès de Bobigny. En 1972, l’avocate défend aux assises Marie-Claire Chevalier, accusée d’avoir avorté à la suite d’un viol. La mineure de 16 ans sort libre du Palais de Justice grâce à une défense qui fait de ce procès une tribune politique. La médiatisation qui mobilise la société et particulièrement les féministes pointe aussi une injustice de classe. Les femmes les plus aisées partent en Angleterre avorter clandestinement. Les plus pauvres « c’est la prison » comme le scande les slogans de soutien.
C’est toujours la même classe, celle des femmes pauvres, vulnérables économiquement et socialement, cette classe des sans-argent et des sans-relations qui est frappée.
Extrait plaidoirie de Gisèle Halimi, procès de Bobigny
Le manifeste des 343
Simone de Beauvoir dénonce à cette occasion la pression de la maternité pour maintenir les femmes dans leur foyer. A l’initiative du manifeste des 343 femmes qui déclarent publiquement en 1971 avoir avorté illégalement, l’écrivaine participe avec Anne Zelensky à la médiatisation du procès de Bobigny. Une stratégie payante pour celles qui fonderont avec Gisèle Halimi l’association « Choisir la cause des femmes « dans le sillage du manifeste que l’avocate signe également. Les fondatrices s’engagent à promouvoir l’éducation sexuelle et la contraception, à abroger la loi de 1920 réprimant l’avortement et à assurer gratuitement la défense des femmes poursuivies pour avoir avorté.
- La criminalisation du viol
En 1974 deux campeuses belges sont battues et violées par 3 hommes. Leurs agresseurs comparaissent seulement pour « coups et blessures » et « attentat à pudeur ». Discréditées en raison de leur homosexualité, Anne Tonglet et Araceli Castellano font appel à Gisèle Halimi pour les représenter. Au tribunal d’Aix en Provence en 1978, l’avocate obtiendra dans un contexte haineux la requalification des faits et un procès aux assises. Face à l’avocat de la défense, Gilbert Collard, actuel député du Rassemblement National, Gisèle Halimi convoque de « grands témoins ». L’écrivaine Françoise Mallet-Joris, la politique Arlette Laguillier, le professeur Minkovski témoignent à la barre malgré l’opposition du président du tribunal.
La requalification du viol
Les accusés seront condamnés à des peines de 4 à 6 ans de prison ferme. « Pour la première fois, a honte a changé de camp, devant tout le monde » témoigne Anne Tonglet dans L’Express. Cette victoire libérera la parole d’autres victimes et conduira à la proposition de loi de la sénatrice de gauche Brigitte Gros votée en 1980. Désormais le viol se définit juridiquement comme « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature que ce soit, commis sur la personne d’autrui, par violence, contrainte, menace ou surprise ». Et assorti d’une requalification de crime, passible de 15 ans d’emprisonnement contre 5 auparavant. Lors du procès d’Aix, Gisèle Halimi rappelle que « quand une femme dit non, il faut que l’on comprenne une fois pour toutes, c’est non, ce n’est pas oui« . Une phrase que l’on doit toujours et encore répétée aujourd’hui.
Peu après, la sénatrice Brigitte Gros déposera une proposition de loi sur le viol. Adoptée en 1980, elle en définit les contours et renforce sa répression pénale, en faisant un crime passible de quinze ans de réclusion #AFP (7/8) pic.twitter.com/qmijvQ8wOY
— Agence France-Presse (@afpfr) July 28, 2020
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