J. K. Rowling a déclenché une nouvelle polémique en visant publiquement Emma Watson, quelques jours après que l’actrice ait réaffirmé son soutien aux personnes trans. L’autrice d’Harry Potter accuse l’actrice d’être « ignorante de la vie réelle », relançant la controverse autour de ses prises de position hostiles à la reconnaissance des personnes trans.
Emma Watson pensait avoir trouvé le ton juste pour parler de J. K. Rowling. Invitée fin septembre dans le podcast On Purpose, l’actrice a expliqué qu’elle pouvait « être en désaccord avec J. K. Rowling » tout en « continuant à chérir l’œuvre et le monde qu’elle a créés ». Elle a surtout rappelé que « les personnes trans méritent de vivre sans peur et d’être traitées avec dignité ».
La réponse de la romancière n’a pas tardé sur X (ex-Twitter). « Comme d’autres personnes qui n’ont jamais connu la vie adulte sans être protégées par la richesse et la célébrité, Emma a si peu d’expérience de la vie réelle qu’elle ignore à quel point elle est ignorante », a écrit l’autrice. Dans un second message, elle juge « facile de prêcher gentillesse et acceptation quand on est multimillionnaire et éloigné des femmes dont les espaces et les droits sont érodés ».
Ces propos s’inscrivent dans un tournant engagé depuis 2020. Après un tweet ironisant sur l’expression inclusive « les personnes qui ont leurs règles », J.K Rowling a publié un long essai affirmant que l’auto-identification de genre mettrait en danger la sécurité des femmes. Elle s’est opposée au projet de loi écossais qui voulait simplifier le changement d’état civil et a soutenu la LGB Alliance, organisation accusée par les associations LGBTQI+ de diffuser des positions transphobes. Plusieurs chercheuses décrivent de quelle manière ces récits transforment la reconnaissance des droits trans en intention hostile dirigée contre les femmes. Comme le résume Susan Stryker, « cette théorie du complot selon laquelle l’“idéologie du genre” serait imposée par des personnes trans malveillantes pour nuire aux femmes et aux filles n’a aucun fondement dans la réalité, et pourtant l’existence de ce fantasme produit des effets matériels ».
Une peur démentie par les faits
L’argument central de J.K. Rowling consiste à présenter l’accès des femmes trans aux espaces réservés — vestiaires, refuges, prisons — comme une menace pour la sécurité des femmes cisgenres. Cette conviction irrigue ses prises de parole depuis 2020, notamment dans l’essai publié sur son site personnel et repris par The Guardian. Pourtant, les données contredisent ce scénario. Selon l’ONG britannique Stonewall, aucune hausse de violences n’a été constatée dans les refuges ou vestiaires accueillant des femmes trans. Les principales associations féministes du pays, telles que Women’s Aid et Refuge, rappellent qu’elles les accueillent depuis des années sans incident documenté.
Si ces constats contredisent les mises en garde de l’autrice d’Harry Potter, ils n’empêchent pas son discours de trouver un écho. L’adhésion à ce type d’arguments varie largement selon les générations.Selon le Special Eurobarometer 535 sur les discriminations dans l’UE (2023), les jeunes adultes sont beaucoup plus favorables aux droits des personnes trans que les générations plus âgées. La proportion de répondants estimant que les personnes trans doivent avoir les mêmes droits que tout le monde atteint 71 % chez les 15–24 ans, contre 56 % chez les 55 ans et plus. En France, l’étude Ipsos Global Advisor – LGBT+ Pride 2024 montre la même fracture : 68 % des 18–24 ans considèrent qu’une personne trans est du genre qu’elle revendique, contre 38 % des plus de 50 ans.