Les canicules ne laissent pas seulement des souvenirs éprouvants : elles accélèrent aussi le vieillissement de notre corps. Des études récentes montrent que l’exposition répétée à la chaleur extrême ajoute des jours, voire des mois, à notre « âge biologique », augmentant ainsi les risques de maladies chroniques. Ce phénomène impacte plus fortement les femmes de 40 à 64 ans.
Une étude publiée en août 2025 dans la revue Nature Climate Change montre que l’exposition répétée aux vagues de chaleur accélère le vieillissement biologique. Sur deux ans cumulés de canicules, l’âge biologique d’un individu progresse de 8 à 12 jours, un effet comparable à celui du tabac ou de l’alcool. Comme le résume Wired, cette découverte montre que « la chaleur n’endommage pas seulement le présent, elle imprime une trace durable dans notre organisme ».
Aux États-Unis, une équipe de l’Université de Californie du Sud a suivi plus de 3 600 adultes de 56 ans et plus. Pour mesurer l’impact de la chaleur, ils ont utilisé des « horloges épigénétiques », un outil scientifique qui lit dans l’ADN des cellules pour calculer l’âge réel du corps, indépendamment de l’âge inscrit sur la carte d’identité. Résultat : les habitants de villes comme Phoenix, où plus de la moitié de l’année se déroule sous des températures extrêmes, affichaient jusqu’à 14 mois d’âge biologique supplémentaire par rapport à leurs pairs vivant dans des régions plus tempérées.
Les femmes de 50 ans, en première ligne face aux canicules
Toutes les populations ne subissent pas les effets de la chaleur de la même manière. Une étude menée à Penn State a montré que les femmes âgées de 40 à 64 ans sont plus vulnérables à la chaleur et à l’humidité que les hommes du même âge. Leur corps réagit en réalité comme celui d’hommes plus âgés, une femme de 50 ans sous 35 °C a les mêmes capacités de thermorégulation qu’un homme de 65 ans. « Dès que l’on atteint ce seuil de tolérabilité, les activités quotidiennes deviennent dangereuses. À ce stade, il faut chercher à se rafraîchir. » souligne le Professeur W. Larry Kenney.
Cette fragilité accrue est désormais portée sur la scène publique par des figures comme Rosmarie Wydler-Wälti, co-présidente du collectif suisse Senior Women for Climate Protection. En avril 2024, elle a obtenu une victoire historique devant la Cour européenne des droits de l’homme, estimant que l’inaction climatique mettait directement en péril la santé et les droits des femmes âgées face aux vagues de chaleur. Une action que nous avons racontée dans Les Aînées pour le climat suisse : ces femmes qui ont assigné leur État en justice.
Un signal d’alerte pour les sociétés vieillissantes
Ces constats résonnent dans un contexte où deux réalités se télescopent : le réchauffement climatique et le vieillissement démographique. Selon Friedrich Kreier, auteur d’un commentaire dans Nature,« Cette étude est un réveil sur notre vulnérabilité aux effets du changement climatique sur la santé ». Quelques jours de vieillissement biologique peuvent sembler anodins à l’échelle individuelle. Mais multipliés par des millions de personnes et répétés année après année, cela devient un enjeu majeur de santé publique : cancers, maladies cardiovasculaires, diabète, démences pourraient se déclarer plus tôt qu’attendu.
Tout n’est pas perdu car les chercheurs estiment que ces effets peuvent se résorber avec le temps. Dans l’étude taïwanaise publiée dans Nature Climate Change, les chercheurs notent une atténuation au fil des années, probablement liée à l’usage accru de la climatisation et à l’accès à des espaces plus frais. En France, Santé publique France rappelle que « les personnes âgées, les femmes enceintes et celles souffrant de maladies chroniques font partie des populations les plus à risque en cas de canicule ». L’Organisation mondiale de la santé (OMS) souligne de son côté que « l’adaptation au changement climatique n’est pas un luxe mais une urgence de santé publique »