Une étude menée sur plus de 500 femmes pendant 16 ans révèle que la colère s’intensifie pendant la périménopause… mais s’exprime différemment. Loin des clichés sur l’humeur des femmes « à fleur de peau », cette recherche met en lumière l’absence de reconnaissance de la santé émotionnelle des femmes à ce moment-clé de leur vie.
Pendant longtemps, on a associé la colère féminine à une perte de contrôle. Trop d’émotions, pas assez de distance, voire une instabilité hormonale invoquée à défaut de réelle compréhension. Cette lecture trouve ses racines dans une histoire bien plus ancienne : l’hystérie prétendument féminine, ce « diagnostic » fourre-tout qui a longtemps servi à discréditer la parole et les émotions des femmes, comme le rappelle la psychanalyste Isabelle Siac dans cet article à lire sur J’ai piscine avec Simone. Une étude récemment publiée dans la revue Menopause vient bousculer ces idées reçues. La colère ne disparaît pas avec l’âge. Elle évolue.
L’étude s’appuie sur un suivi exceptionnel de 501 femmes âgées de 35 à 55 ans, engagées depuis les années 1990 dans la Seattle Midlife Women’s Health Study. Pendant plus de 16 ans, leurs niveaux de colère ont été mesurés grâce à des outils standardisés – notamment le STAXI -, un questionnaire reconnu qui évalue différents aspects de la colère : colère ressentie, exprimée, refoulée ou contrôlée.
Une colère plus présente, mais moins visible
Les résultats sont sans appel, certaines formes de colère augmentent avec l’âge. Les femmes interrogées rapportent plus souvent des épisodes de colère intérieure ou une tendance générale à la ressentir. Pourtant, cette intensité ne débouche pas sur davantage d’éclats ou de débordements. L’expression extérieure de la colère, l’hostilité, les réactions impulsives diminuent avec les années. En clair, les femmes vieillissent avec de la colère en elles, mais apprennent à la contenir, la moduler, la transformer. C’est l’un des apports majeurs de cette étude sur la colère à la ménopause, encore peu explorée dans la recherche médicale.
La périménopause est un moment charnière. C’est précisément dans cette phase de transition – entre les derniers cycles irréguliers et la fin complète des règles – que les niveaux de colère atteignent leur pic. Un moment souvent vécu dans le silence, sans attention médicale adaptée, et encore trop peu étudié dans sa composante émotionnelle. Après la ménopause, les indicateurs de colère baissent, comme si l’orage passait… Mais sans que ce bouleversement soit jamais pris en compte.
Colère et ménopause : un lien enfin documenté
L’étude met en évidence un angle mort persistant dans la prise en charge de la santé des femmes : la colère n’est ni reconnue, ni considérée à sa juste mesure. Documentée, mesurée, elle continue d’être disqualifiée, soit minimisée, soit médicalisée sans discernement. Ce qui devrait être interprété comme un signal révélateur de transformations hormonales, psychiques et sociales reste trop souvent relégué au rang de dérèglement émotionnel ou de fragilité personnelle.
Il est temps de changer de regard. La colère des femmes de 50 ans et plus n’est pas un symptôme d’instabilité, c’est le reflet d’un bouleversement profond, vécu dans un isolement médical et symbolique. Elle n’appelle pas une injonction au calme, mais une écoute active, une prise en charge plus globale de cette étape de vie.