UN QUART DES ANGLAISES DE 50 À 60 ANS SOUS ANTIDÉPRESSEURS : SYMPTÔME D’UN MAL PLUS PROFOND ?

antidepresseurs femmes anglaises 50 ans
© j’ai piscine avec Simone

Au Royaume-Uni, une femme sur quatre âgée de 50 à 60 ans prend des antidépresseurs. Et 15 % d’entre elles en consomment depuis plus de cinq ans. Des chiffres vertigineux révélés par The Sunday Times qui posent une question fondamentale : que raconte cette médicalisation massive de l’inconfort féminin autour de la cinquantaine ?

Selon une enquête publiée par The Sunday Times le 14 juin 2025, plus de 3,8 millions de Britanniques consomment des antidépresseurs depuis au moins cinq ans – un chiffre en forte augmentation par rapport aux 2 millions recensés en 2022. Parmi eux, les femmes âgées de 50 à 60 ans sont particulièrement surreprésentées : 25 % de cette tranche d’âge seraient sous antidépresseurs, et 15 % suivraient un traitement de longue durée. Au total, environ 1,67 million de femmes britanniques sont concernées.

L’ensemble des prescriptions d’antidépresseurs a explosé outre-Manche. En 2023-2024, environ 8,6 millions de personnes au Royaume-Uni en ont reçu, soit environ 12 % de la population. Le recours prolongé, souvent au-delà de cinq ans, devient la norme pour des millions de patients. Une tendance qui inquiète les professionnels de santé comme les associations de patient·es.

Une réponse par défaut à une souffrance réelle

Pour la Dre Louise Newson, spécialiste de la ménopause, ces chiffres révèlent surtout un aveuglement médical : « Les symptômes courants associés à la périménopause, comme la baisse de moral et l’anxiété, sont souvent mal diagnostiqués comme une dépression. […] Les recommandations du NICE indiquent clairement que l’hormonothérapie substitutive est le traitement de première intention en cas de trouble de l’humeur lié à la ménopause, et pourtant des antidépresseurs sont fréquemment prescrits à la place, souvent sans même qu’une discussion ait lieu sur les hormones » Elle dénonce une véritable « loterie postale » dans l’accès au traitement hormonal au Royaume-Uni, très inégal selon les régions, poussant les médecins à prescrire par défaut des antidépresseurs.

The Times partage le diagnostique de Quratulain Zaidi, psychologue spécialisée dans la santé des femmes, qui souligne la pression multiple subie par cette génération : double charge professionnelle et familiale, rôle d’aidante, vieillissement des parents, départ des enfants, transformations corporelles. Une combinaison d’épuisements physiques et psychiques souvent pathologisée.

Les risques d’un traitement à long terme

Si les antidépresseurs sont utiles dans le traitement des dépressions sévères, leur usage prolongé comporte des risques bien documentés : prise de poids, troubles sexuels, perte de densité osseuse, troubles cognitifs, sans compter les syndromes de sevrage, encore mal encadrés. Selon une étude publiée dans Therapeutic Advances in Psychopharmacology en 2021, jusqu’à 56 % des patient·es ressentent des symptômes de sevrage à l’arrêt, dont près de la moitié les jugent « sévères ».

Par ailleurs, plusieurs études ont souligné que l’efficacité des antidépresseurs est très limitée en cas de dépression légère à modérée. En 2018, une méta-analyse publiée dans The Lancet soulignait que les effets bénéfiques restaient faibles et variables selon les molécules, avec un taux d’abandon élevé. Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE) recommande d’ailleurs depuis 2022 d’éviter les prescriptions systématiques dans ces cas.

Et en France ?

Selon l’OCDE, la consommation d’antidépresseurs y a augmenté de 38 % entre 2000 et 2020 – un chiffre modéré en comparaison avec les +256 % du Royaume-Uni. La Haute Autorité de Santé (HAS) recommande depuis plusieurs années de privilégier les approches non médicamenteuses en première intention pour les troubles légers à modérés, notamment chez les femmes autour de la cinquantaine. Mais dans les faits, l’accès aux soins psychologiques reste inégal, et la ménopause demeure peu abordée dans les consultations.

La question posée par ces chiffres britanniques dépasse le champ médical. Pourquoi les femmes de 50 ans sont-elles autant orientées vers des traitements chimiques, quand leur souffrance relève parfois d’un épuisement social, économique, existentiel — ou encore de bouleversements physiologiques liés à la ménopause ? Pourquoi l’écoute, le soutien psychologique, la reconnaissance de leur charge mentale et hormonale restent-ils marginaux dans le système de soins ? En prescrivant massivement, on éteint des signaux d’alerte.

Laisser un commentaire

*

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.