DROITS DES FEMMES EN POLOGNE : L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE QUI INQUIÈTE

©Roman Biernacki

Le 1er juin 2025, la Pologne a élu Karol Nawrocki à la présidence, un historien conservateur soutenu par le parti Droit et Justice (PiS) et allié de Donald Trump. Avec 50,89 % des voix, il devance de justesse le maire libéral de Varsovie, Rafał Trzaskowski, figure du gouvernement pro-européen de Donald Tusk. Cette élection marque un tournant pour les droits des femmes en Pologne, déjà fragilisés par des années de politiques conservatrices.

Bien que le rôle du président polonais soit en grande partie symbolique, il dispose d’un droit de veto sur les lois votées par le parlement. Nawrocki, successeur d’Andrzej Duda, a promis d’utiliser ce pouvoir pour entraver les réformes progressistes de la coalition centriste au pouvoir, notamment en matière de droits reproductifs et d’égalité des genres. Cette cohabitation hostile pourrait paralyser les tentatives de libéralisation de l’avortement et de reconnaissance des unions civiles pour les couples de même sexe.

Depuis 2020, la Pologne impose l’une des législations les plus restrictives d’Europe en matière d’avortement, ne l’autorisant qu’en cas de viol, d’inceste ou de danger pour la vie de la mère. Rafał Trzaskowski avait promis d’assouplir ces lois, mais l’élection de Nawrocki compromet sérieusement ces projets. Les militantes féministes craignent une consolidation de l’interdiction actuelle, voire un durcissement supplémentaire.

La Pologne divisée, les femmes en ligne de front

Le scrutin a révélé une Pologne profondément divisée. Les jeunes électrices et électeurs urbains ont majoritairement soutenu Trzaskowski, tandis que Nawrocki a séduit les zones rurales et les électeurs plus âgés, en prônant des valeurs catholiques traditionnelles et une souveraineté nationale renforcée. Cette polarisation reflète un clivage entre aspirations progressistes et conservatisme identitaire.

Face à cette nouvelle configuration politique, les mouvements féministes polonais doivent repenser leurs stratégies. La rue reste un espace de contestation, comme l’ont montré les manifestations massives de 2020. Mais l’absence de relais institutionnels rend la tâche ardue, malgré la présence de figures engagées comme Barbara Nowacka, actuelle ministre de l’Éducation nationale, qui incarne un rare contre-pouvoir institutionnel féministe. Elle a d’ailleurs résumé la situation sans détour : « Nawrocki joue la carte de la division et entend être le président aux ordres de Kaczyński. » [NDLR : le leader du parti conservateur Droit et Justice (PiS), considéré comme le véritable homme fort de la droite polonaise].La solidarité internationale et le soutien des ONG européennes seront cruciaux pour maintenir la pression et défendre les droits des femmes en Pologne.

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