LES POLONAISES DÉCLARENT LA GUERRE A LA LOI ANTI IVG

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©@chilledphotographystudio extrait Instagram Strajk Kobiet

Des dizaines de milliers de polonaises ont manifesté leur colère vendredi à Varsovie et dans tous le pays en réaction à la quasi interdiction de l’avortement. Une démonstration puissante suite à la décision du Tribunal constitutionnel de restreindre l’accès à l’IVG. Une mobilisation sans précédent dont témoigne Anna Wszelaczyńska, présidente Europe de l’ONG Soroptimist International.

Malgré la pandémie, les polonaises sont descendues en masse dans les rues pour dénoncer les restrictions du droit à l’avortement. Les raisons de leur colère ? La décision du Tribunal constitutionnel du 22 octobre qui réserve désormais ce droit aux femmes victimes de viol, d’inceste ou en danger de mort. La juridiction a écarté le cas de malformation de foetus qui rendrait leur survie impossible. Le pouvoir conservateur partage avec l’église une politique récurrente d’asservissement du corps des femmes.

Délégalisé en 1993 sous la pression de l’église, le droit à l’avortement a réussi à se maintenir mais reste fragile dans un pays divisé sur la question. Ce droit est régulièrement remis en question. Au cours des derniers jours, le vice Premier ministre Jaroslaw Kaczynski, homme fort du pouvoir a déclaré que les manifestations étaient une tentative de « destruction » de la Pologne.

Les jeunes femmes ne veulent pas un changement de gouvernement, pour l’instant elles ne s’intéressent qu’à la question de l’avortement.

Anna Wszelaczyńska

Pour comprendre ce qui se joue, il faut rappeler que le PIS, le parti ultra conservateur a été reconduit au pouvoir en juillet 2020. Dans la foulée, le ministre de la justice a souhaité sortir de la Convention d’Istanbul sur les violences faites aux femmes. Le Monde rapporte ces propos sans ambiguîté : « ce traité va à l’encontre des droits des parents en demandant aux écoles d’enseigner l’égalité entre les femmes et les hommes ».

Vous pensez que le pouvoir a été surpris par l’ampleur de la réaction des polonaises ?

La politique est entre les mains d’un seul homme [NDLR : Jaroslaw Kaczynski], plein de haine et d’amour du pouvoir. Et je pense qu’il ne s’attendait pas à ce qui se passe en ce moment. En tout cas des manifestations si importantes avec autant de monde. C’est tout à fait injuste et indécent d’annoncer une réforme de la loi aussi importante en pleine pandémie, quand on compte sur le fait que les gens n’iront pas dans la rue par peur du coronavirus.

Qui la loi va-t-elle réellement impacter ?

La loi impacte surtout les femmes pauvres et celles qui n’ont pas de revenus suffisants. Cela concerne principalement les très jeunes filles. Les femmes d’âge moyen ne savent peut être pas comment réagir face à cette manifestation. Ca ne veut pas dire qu’elles n’ont pas été confrontées à l’avortement auparavant. Elles l’ont été mais souvent en réglant ça de façon privée ou en voyageant à l’étranger.

Est ce que le recul du droit des femmes particulièrement visible aux Etats-Unis a une influence sur la politique conservatrice en Pologne ?

Probablement. Mais l’influence principale en Pologne vient de l’église, donc des hommes, et c’est à son pouvoir que nous avons affaire aujourd’hui. Ce sujet de l’avortement ressort régulièrement. Par ailleurs, il y a une bataille politique entre deux hommes, le premier ministre et le ministre de la justice. Le système judiciaire en Pologne a été démantelé. Et le ministre de la justice Zbigniew Ziobro souhaite succéder à Kaczyński qui supervise les ministères de la Justice, de la Défense et de l’Intérieur.

L’église est devenu un parti politique. Il faut faire très attention car ce n’est pas la religion qui est en cause mais bien le clergé.

La société civile est-elle en train de s’organiser pour riposter ?

Les manifestations se transforment en grève générale des femmes. Et une organisation Ogólnopolski Strajk Kobiet* devient de plus en plus puissante en Pologne. Hier, le collectif a annoncé la création d’un conseil consultatif – ce qui est un grand pas en avant – . Il rassemble des personnes remarquables et respectées pour travailler sur les points dont la grève exige le changement. [NDLR : notamment les pleins droits en matière de procréation, un Etat libre sans influence de l’église, la mise en oeuvre de la convention contre la violence et l’amélioration économique de la situation des femmes].

*Le collectif se définit comme un mouvement social indépendant de femmes en colère et d’hommes solidaires. Nous protestons et travaillons pour les droits des femmes, la démocratie, la Pologne pour tous, en nous mobilisant dans plus de 150 villes de Pologne.

Est-ce-que nous assistons en Europe à un mouvement de backlash concernant le droit à l’avortement ?

Vous avez raison surtout si l’on compare à la période du communisme en Pologne où l’on pouvait paradoxalement avorter librement. Je ne dis pas que l’avortement devrait être un moyen de contraception. Mais c’est un énorme mouvement de backlash (retour en arrière). Depuis le dernier confinement la violence contre les femmes a grimpé de plus de 30% dans toute l’Europe. En temps de crise les femmes sont les premières à en souffrir. La crise économique impacte d’abord les femmes, les personnes qui perdent leur job ce sont d’abord les femmes.

Quelles pistes sont privilégiées au sein de Soroptimist International pour lutter pour les droits des femmes ?

Pour sortir de cette situation le plus important est l’éducation. au sein de notre ONG, nous militons pour l’éducation. Car c’est seulement à travers l’éducation que les femmes trouveront de l’aide. Elles doivent savoir qu’elles ont des droits et elles doivent combattre pour leurs droits. Nous pouvons les aider dans ce combat. Evidemment tous les hommes ne sont pas des auteurs de violences. Il y a beaucoup d’hommes qui soutiennent ce combat, le meilleur exemple nous l’avons dans ces manifestations. Il y a beaucoup de jeunes hommes et de familles qui viennent manifester avec les enfants. Cela montre que ce sont des droits humains avant tout qu’il faut défendre.

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