L’EFFET WEINSTEIN

©joey-thompson
©joey-thompson

La publication de l’article de Ronan Farrow dans le New-Yorker a ouvert les vannes. La parole des victimes de viol et d’agression sexuelle du producteur Harvey Weinstein s’est enfin libérée. Un flot incessant de témoignages qui déborde largement le cadre des studios hollywoodiens.

Avec les hastags #balancetonporc et son alter ego #MeToo lancés respectivement par la journaliste Sandra Muller et la comédienne américaine Alyssa Milano, la parole des femmes connues ou anonymes témoigne de ce virus qui a cessé d’incuber secrètement dans leur chair meurtrie. Du petit chef au puissant patron, il n’est de secteur épargné. La question du pourquoi maintenant est sans importance. Il faut se réjouir que cela soit un fait de société majeur qui ne peut plus désormais être ignoré ou tu. La loi sur les violences faites aux femmes voulue par Marlène Schiappa arrive à point nommé. La synchronisation du pouls de la société et de la vie politique est pour une fois réelle. Le dégoût et la rage ont fait leur œuvre au près de celles qui décrivent toujours les mêmes scènes d’horreur. Qu’il s’agisse de viol ou de petites phrases menaçantes, humiliantes, ou obscènes formulées jour après jour au bureau, dans la rue, la sécurité de la moitié de la population de la planète n’est pas une histoire de féminisme où d’une conquête inversée du pouvoir. La triste litanie des récents évènements renvoie chaque fait de violence physique ou moral envers les femmes comme une « normalité » acceptée dont on ne pourrait se défaire. Le face à face de Christine Angot et de Sandrine Rousseau dans ONPC fragmente le discours des victimes et les oppose. Colère contre larmes mais une égale souffrance. Ce miroir mis en scène, jeux du cirque modernes s’affranchissent de toutes limites. La une des Inrocks sur Bertrand Cantat oublie que même si sa peine a été payée, l’alibi artistique est une insulte faite à toutes les « Marie » (en 2016, 157 personnes – 123 femmes et 34 hommes – sont mortes, victimes de leur conjoint, petit ami, compagne, amant, soit 13 de plus que l’année précédente).

 

Mon rejet de Cantat n’est pas moral, il est tripal. Je ne peux pas lire son nom, voir son visage, l’entendre chanter, sans penser au massacre de Marie Trintignant, qui a succombé à 17 coups mortels, et j’en veux à ceux qui aiment encore Cantat, non pas de lui avoir pardonné, mais de pouvoir ne pas penser à ce massacre quand ils le voient ou l’entendent, que la mort d’une femme ne suffise pas à gâcher leur plaisir quand ils écoutent ses chansonnettes. Pour moi, c’est exactement comme s’ils pensaient :  »C’est pas si grave… » Marc Esposito Facebook

 

En accélérant le courant dénonciateur, certains craignent que le mouvement soit incontrôlable et diffamatoire. Bruno Le Maire ministre de l’économie assurant qu’il ne dénoncerait pas un harceleur s’il en connaissait un avant de rétropédaler envoie un mauvais signal. Les castes sexistes ont la vie dure. Avec espoir nous voulons y voir un dernier éclat de leur part avant de disparaître comme des étoiles mortes. N’empêche la parole est là. Reprise, entendue. Nouvelle solidarité féminine, nouvel élan pour une société réellement égalitaire que les lois à venir devront suivre et faire respecter. Aux hommes qui regretteront de ne plus pouvoir placer une petite « blague » sexiste classifiée « bienveillantes » on les catégorisera espèce en voie de disparition, tel des dinosaures incapables de se mouvoir dans ce siècle inclusif. Nous mettrons en exergue les conseils de Florence Parly, ministre des armées prodigués au Women’s Forum le 5 octobre. « Je fais appel à toutes les femmes qui sont des mères. Nous produisons les garçons que nous éduquons, ces garçons seront les compagnons de nos filles. Alors attention à ne pas être nous mêmes les porteuses de tous ces ingrédients qui font qu’aujourd’hui dans nos vies nous avons le sentiment que les choses ne sont pas encore gagnées ».

 

le nom d'Harvey Weinstein a été effacé à Deauville sur les Planches ©Sophie Quesnel
le nom d’Harvey Weinstein a été effacé à Deauville sur les Planches ©Sophie Quesnel

En attendant de savoir si l’inclusion des hommes dans ce combat a marché, on observe que l’effet Weinstein a fait sursauter les cercles les plus fermés jusque là peu sensibles aux rumeurs. (Académie des oscars). L’omerta n’a plus court et chacun s’empresse d’effacer les traces d’une admiration devenue gênante. Emmanuel Macron évoque le retrait de la légion d’honneur accordé au producteur hollywoodien, la ville de Deauville enfouit sous la peinture le nom de l ‘homme puissant sur ses Planches glamour. La honte doit changer de camp et si aujourd’hui Weinstein est le catalyseur de cette prise de conscience, on le doit aussi à toutes celles qui mobilisent la toile avec ténacité. En 2016 Avec ses blogs « Paye ta sneck » et « Paye ton taf » Anaïs Bourdet compile les témoignages de harcèlement et les paroles sexistes prononcées sur les lieux de travail. Noa Jemsa, étudiante dénonce le harcèlement de rue en prenant des selfies avec ses harceleurs à Amsterdam. Alma Guirao lance l’appli « HandsAway » pour une solidarité effective.  Time are changing.

 

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