VÉRONIQUE LE BRIS CÉLÈBRE « 100 GRANDS FILMS DE RÉALISATRICES »

Véronique Le Bris
Veronique Le Bris © Sylvie Castioni

Dans son ouvrage «100 grands films de réalisatrices» la journaliste Véronique Le Bris trace le destin de femmes invisibilisées dans une industrie cinématographique toujours racontée au masculin. Une histoire qui se décline aussi sous forme photographique sur les grilles de de l’Hôtel-de-Ville.

La fondatrice du web magazine Ciné Woman n’a de cesse de parler des femmes de cinéma souvent méconnues ou tombées dans l’oubli. A l’instar de Alice Guy, la première réalisatrice française dont le travail a été longtemps effacé, jusqu’à ce que la journaliste lui rende hommage en créant un prix éponyme.

Comment est né ce livre ?

Je souhaitais créer un dictionnaire du cinéma réalisé par les femmes parce que cela n’existait pas. Et c’est typiquement le projet que l’on peut faire de façon collaborative. Pour démarrer j’ai demandé à des personnalités du cinéma, femmes et hommes, les cinq films de femmes qu’ils préféraient, un top 5 que l’on retrouve sur mon site. J’avais comme ça une base de films un peu signifiants qui me permettait d’envisager un livre. Puis j’ai rencontré l’éditrice d’ARTE qui avait publié «100 grands films pour les tous petits »» écrit par Lydia et Nicolas Boukhrief. L’idée l’a séduite.

Sur quels critères s’est faite la sélection de ces 100 films de réalisatrices ?

Les critères étaient assez stricts. il fallait que les films soit facilement accessibles en France, et dans le respect des droits d’auteur, ce qui signifient qu’ils soient visibles en VOD, En DVD ou en Blu Ray. L’autre critère était qu’il y ait au moins 30 à 35 films français. Et pour le reste je faisais ce que je voulais.

Et le choix a été difficile ?

Je suis partie du premier film réalisé en 1896 par une femme, Alice Guy. Et ma sélection s’achève avec le documentaire «Woman» réalisé par Yann Arthus Bertrand et Anastasia Mikova. Puis j’ai cherché des réalisatrices étrangères et aussi des films de genre très différents, un western, des comédies, des films d’horreur. Souvent les réalisatrices n’ont pas accès au cinéma de genre et il y a aussi des périodes où il y a très peu de réalisatrices.Ce qui est une difficulté. Je voulais également que ma sélection représente un peu tous les états de la vie d’une femme. Par exemple, qu’il y ait un film sur la prostitution mais qui ne soit pas un fantasme masculin, des films sur la maternité, sur la vieillesse…

Que représente aujourd’hui la part des réalisatrices dans la production cinématographique ?

En France, il y a un film sur quatre réalisé par une femme depuis les années 80. Et aux Etats-Unis c’est entre 6 et 10 %. Mais les réalisatrice sont plus connues. Je souhaitais mettre des films très connus parce que ça me semblait très important de montrer qu’une femme réalisatrice pouvait avoir beaucoup de succès. C’est pour cela que Mama Mia est dans la sélection. En Angleterre, ce «Feel good movie» est passé au box-office devant Titanic.

Est ce qu’il y a des cinéastes que vous avez découvertes ?

Je les connaissais toutes, mais il y en avait dont je n’avais pas vu le film. J’ai essayé de voir ou de revoir leur filmographie. Puis j’ai fait une liste de réalisatrices auxquelles j’ai associé le film qui me semblait le plus judicieux. Pour Agnès Varda, j’ai choisi «Cleo de 5 à 7» parce que que c’est un film pré nouvelle vague qui se situe dans une période où il y a peu de réalisatrice. Les 50 premières choisies étaient une évidence, en revanche pour les 50 suivantes c’était plus de l’ordre de l’arbitrage.

De quel type ?

Je voulais inclure des films qui traitent de femmes violentes et j’aurais aimé ajouter «Les années de plomb» de Margaret von Trotta. Mais il n’est pas disponible en France. En revanche elle a réalisé un biopic sur Anna Arendt, c’était aussi intéressant car peu de réalisatrices en ont fait. Je parle aussi de l’Arabie Saoudite car pendant 35 ans il n’y a pas eu du tout de cinéma. Et le premier long-métrage réalisé date de 2012. «Wadjda la petite fille qui voulait faire du vélo» est réalisé par une femme, Haifaa Al Mansour et parle de la condition féminine. J’aime bien les audacieuses.

Quelle est la réalité aujourd’hui vécue par les réalisatrices ?

Le cinéma est un univers très masculin assez sexiste de manière larvée, car il se contente d’ignorer les réalisatrices et d’une certaine façon c’est assez violent. Pour exister, elles sont obligées d’être à la marge, donc d’avoir des stratégies plus innovantes. Mais elles n’ont jamais les budgets conséquents. En France, sur les 10 dernières années les cinéastes ont un tiers de budget en moins que les hommes pour un film de même importance. Wonder Woman de Patty Jenkins est le premier blockbuster réalisé par une femme.

Pourtant lorsqu’elles sortent des écoles de cinéma, il y a autant de femmes que d’hommes ?

À la sortie des écoles de cinéma elles sont à peu près à 50/50. La moitié arrive à faire un court-métrage, puis un tiers d’entre elles parviennent à faire un long-métrage. Ensuite un sixième de ces femmes réalisera plus de trois films. De plus, une réalisatrice met trois ans à monter un film contre deux ans pour un réalisateur.

On parle d’invisibilisation de ces femmes mais certaines d’entre elles ont vu leur travail pillé ?

C’est le cas de Hermina Tyrlova, réalisatrice tchèque qui avait eu l’idée dans les années 40 d’animer des jouets. Elle réalise la première version d’un film qui s’appelle «rêves de Noël», mais le film a brûlé et son assistant en a profité pour le refaire en son nom. Il obtenu le prix du meilleur court-métrage au festival de Cannes.

100 grands films de réalisatrices – De la fée aux choux à wonder woman, quand les femmes s’emparent du cinéma – Arte Editions Gründ – 240 pages – 19,95€

Exposition du 11 au 30 mai sur les grilles de l’Hôtel de ville de Paris

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