RECONNAITRE LA MÉNOPAUSE COMME UN ENJEU DE DROIT DU TRAVAIL : LE PARI DE RHODE ISLAND

menopause au travail - Rhode Island
Illustration générée par IA

Aux États-Unis, l’État de Rhode Island vient d’adopter une loi inédite obligeant les employeurs à prendre en compte les effets de la ménopause sur le lieu de travail. Une avancée portée par la députée Karen Alzate, qui replace la santé des femmes au cœur du droit du travail.

Fatigue chronique, insomnies, troubles de la concentration, bouffées de chaleur… Ces symptômes, bien connus des femmes en périménopause ou en ménopause, sont encore largement ignorés dans le monde professionnel. Ils touchent pourtant chaque jour des millions de femmes actives. Longtemps considérée comme une affaire privée ou un sujet tabou, la ménopause sort peu à peu de l’ombre. Et depuis cet été, elle entre même dans le droit du travail.

Fin juin 2025, l’État de Rhode Island a adopté une loi pionnière aux États-Unis : les employeurs y sont désormais légalement tenus de proposer des aménagements raisonnables aux salariées souffrant de symptômes liés à la ménopause. Ces ajustements peuvent prendre la forme de pauses supplémentaires, de ventilation adaptée, d’horaires assouplis ou de télétravail temporaire. Une avancée qualifiée d’« historique » par les associations féministes américaines et les syndicats, qui saluent une prise en compte concrète d’un phénomène biologique encore trop souvent nié ou minimisé.

Une loi portée par la députée Karen Alzate

Ce texte a été porté au Sénat par la démocrate Lori Urso, et défendu à la Chambre par Karen Alzate, représentante du 60e district (Pawtucket). Âgée de 39 ans, Karen Alzate est connue pour son engagement en faveur des droits des femmes latino-américaines et des travailleuses précaires. « Les femmes ne devraient pas avoir à risquer des sanctions ou de la discrimination au travail à cause d’une transition biologique naturelle », a-t-elle déclaré, citée par le blogueur politique Herb Weiss. « La santé des femmes doit faire partie intégrante d’un environnement professionnel digne et inclusif. »

La nouvelle loi vient compléter le Fair Employment Practices Act en vigueur à Rhode Island, en ajoutant la ménopause aux conditions médicales ouvrant droit à des protections contre la discrimination. À l’image des adaptations déjà prévues pour la grossesse ou les troubles post-partum, la ménopause est désormais reconnue comme un facteur pouvant nécessiter des ajustements pour maintenir l’équilibre entre santé et activité professionnelle.

Un précédent législatif qui pourrait faire école

Si cette reconnaissance légale est une première aux États-Unis, elle repose sur un constat de plus en plus documenté par les études scientifiques. Selon la Mayo Clinic, plus de 60 % des femmes en périménopause ou ménopause déclarent souffrir de troubles cognitifs ou émotionnels ayant un impact sur leur travail. Dans certains cas, ces difficultés conduisent à des arrêts maladie prolongés, des baisses de productivité, voire des démissions. D’après une estimation relayée par Rhode Island News Today, le coût annuel de la ménopause pour les entreprises américaines dépasserait 26 milliards de dollars.

La loi adoptée à Rhode Island pourrait faire école dans d’autres États. Elle intervient alors que des organisations comme Female Quotient ou la Society for Women’s Health Research multiplient les campagnes de sensibilisation sur le sujet, et que plusieurs grandes entreprises – dont Goldman Sachs, Microsoft ou PwC – commencent à intégrer la question de la ménopause dans leurs politiques RH. Mais l’initiative de Karen Alzate va plus loin : elle donne une base légale à ce mouvement, là où la plupart des actions se contentaient jusqu’ici de chartes ou de recommandations internes.

Un signal politique pour les femmes de plus de 50 ans

Pour Patrick Crowley, président de l’AFL‑CIO de Rhode Island, cette réforme est une mise à jour nécessaire du droit du travail face à la réalité démographique du monde professionnel. Principale fédération syndicale de l’État, l’AFL‑CIO représente environ 80 000 travailleurs et travailleuses. Son soutien à la loi témoigne d’une reconnaissance syndicale de la ménopause comme un enjeu de justice sociale. « La santé des femmes doit être considérée comme un élément essentiel d’un environnement de travail sain », affirme-t-il dans un communiqué.

En France comme ailleurs, le sujet reste largement absent des politiques publiques. Pourtant, les chiffres sont comparables et les tabous tout aussi ancrés. En avril 2025, la députée Stéphanie Rist a remis un rapport intitulé « La ménopause en France : 25 propositions pour enfin trouver le chemin de l’action », appelant à mieux intégrer la ménopause dans les politiques de santé au travail. Mais ses recommandations restent, pour l’heure, sans traduction concrète dans la législation. L’initiative venue de Rhode Island rappelle que des solutions existent — à condition de reconnaître pleinement les femmes de plus de 50 ans comme des professionnelles légitimes.

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