« Pas un mot de russe de mes lèvres, pas une note de russe sous ma baguette. » Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022, la cheffe d’orchestre Keri‑Lynn Wilson a fait de sa musique une arme. À la tête de l’Ukrainian Freedom Orchestra (UFO), elle incarne une résistance culturelle qui résonne bien au‑delà des salles de concert.
Dès les premiers mois du conflit, Keri-Lynn Wilson, 58 ans, transforme une idée en réalité : réunir les musicien·ne·s ukrainien·ne·s dispersé·e·s par la guerre pour créer un orchestre symbole de liberté. Avec l’appui du Metropolitan Opera de New York et de l’Opéra national de Pologne, elle parvient à rassembler 75 instrumentistes. Beaucoup ont fui, d’autres vivent encore en Ukraine et obtiennent des dérogations spéciales pour quitter le pays le temps des tournées. « Ces musiciens jouent alors que leurs familles vivent sous les bombes. Leur courage est immense, et c’est ce courage qui nourrit chaque note », raconte la cheffe d’orchestre au Guardian. Leur premier concert, aux BBC Proms en 2022, est salué comme un moment historique, preuve que la culture peut être un champ de résistance autant qu’un lieu d’émotion.
La musique comme résistance
Avec l’Ukrainian Freedom Orchestra, il n’est plus question de neutralité. Chaque programme est pensé comme un manifeste. La Cinquième de Beethoven, symbole de défiance face au destin, voisine avec The Mothers of Kherson, une œuvre contemporaine qui raconte l’enlèvement d’enfants ukrainiens. « Nous ne sommes pas un orchestre comme les autres. Notre répertoire doit parler de la guerre, de la douleur, mais aussi de la dignité de l’Ukraine », insiste la musicienne dans une interview à Vogue. En 2024, Wilson va plus loin : elle enregistre une version ukrainienne de l’“Ode à la joie”, rebaptisée “Slava” – gloire –, qui devient un hymne officieux à la résilience d’un peuple.
Si Keri-Lynn Wilson a grandi au Canada, son histoire familiale reste intimement liée à l’Ukraine : ses grands-parents avaient quitté Chernivtsi (Ukraine de l’Ouest) au début du XXᵉ siècle. Longtemps, ce lien est resté discret dans sa carrière internationale, menée à la tête des plus grands orchestres d’opéra en Europe et aux États-Unis. Mais la guerre a tout changé. Désormais, la cheffe d’orchestre revendique ces origines et les inscrit dans son quotidien, elle a même entrepris d’apprendre l’ukrainien, manière de tisser un fil direct entre son héritage familial et le combat culturel qu’elle mène aujourd’hui avec l’Ukrainian Freedom Orchestra. Comme elle l’explique elle-même : « Instruments become weapons » les instruments deviennent des armes.
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