L’ÉCOLOGIE SOUS PRESSION : QUI SONT LES FEMMES QUI ALERTENT ?

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Le 8 juillet, alors que l’Assemblée nationale adoptait la loi Duplomb, Fleur Breteau, atteinte d’un cancer, a crié sa colère depuis les tribunes contre ce texte, accusé de mettre en danger la santé publique. Sa révolte rejoint ceux d’autres femmes, en France et dans le monde, devenues lanceuses d’alerte face aux atteintes environnementales et sanitaires.

Elles ne sont pas élues ni porte-parole officielles, mais elles mobilisent. Face aux urgences environnementales, sanitaires ou agricoles, des femmes prennent la parole pour dénoncer des pratiques industrielles nocives, des décisions politiques contestées et des dangers souvent passés sous silence. Erin Brockovich, Claire Nouvian, Inès Léraud, Valérie Murat ou Fleur Breteau : leurs combats s’inscrivent dans une même volonté de défendre la vie, la santé et les écosystèmes.

Fleur Breteau, le cri politique d’une patiente

Le 8 juillet 2025, alors que l’Assemblée nationale s’apprête à adopter la très controversée loi Duplomb, une voix s’élève depuis les tribunes : celle de Fleur Breteau, 50 ans, en cours de traitement pour un second cancer du sein. Invitée par les députés écologistes, la fondatrice du collectif Cancer Colère interrompt la séance en hurlant : « Si vous votez pour cette loi, nous vous considérerons comme des alliés officiels du cancer. »

Créé en 2023, son collectif Cancer Colère milite pour une reconnaissance des causes environnementales dans l’explosion des cancers dits « de société ». Inspirée par les mouvements américains comme celui d’Erin Brockovich, Fleur Breteau réclame plus de transparence sur les pesticides, les perturbateurs endocriniens, les nitrates dans l’eau, l’air pollué — autant de facteurs qui, selon elle, sont ignorés voire niés par les autorités.

Erin Brockovich, la lanceuse d’alerte américaine devenue icône

Fameuse pour avoir mené, en 1993, une action en justice majeure contre Pacific Gas & Electric (PG&E), Erin Brockovich (née en 1960 dans le Kansas) a révélé que la compagnie déversait du chrome hexavalent — un cancérigène reconnu — dans les nappes phréatiques de Hinkley, en Californie. Grâce à une enquête de terrain, elle a collecté témoignages et documents et mobilisé les habitants, ce qui a abouti, en 1996, à un règlement collectif historique de près de 333 millions de dollars, le plus élevé jamais attribué dans une affaire de droit civil aux États-Unis à cette époque. Ce combat hors normes inspire en 2000 le film Erin Brockovich, seule contre tous, dans lequel Julia Roberts incarne son rôle.

Depuis, l’activiste poursuit sa mission : elle dirige Brockovich Research & Consulting, accompagne des communautés affectées par la pollution de l’eau et multiplie les prises de parole publiques. Dans un entretien au journal El País (juillet 2025), elle rappelle l’urgence d’agir localement : « Pour combattre la crise climatique, il faut d’abord regarder dans notre propre arrière-cour »

Claire Nouvian, la sentinelle des abysses

Française née en 1974 à Bordeaux, Claire Nouvian a d’abord exercé comme productrice audiovisuelle, réalisant dès 2003 des films sur la vie marine. En 2004, elle fonde l’ONG BLOOM, dédiée à la protection des écosystèmes marins profonds. Face à la pratique destructrice du chalutage en eaux profondes, elle monte une mobilisation massive : pétitions, alertes scientifiques, publications. En 2016, la campagne de BLOOM triomphe — l’Union européenne interdit cette pêche destructrice. Traiter les océans comme une ressource sans fin revient à compromettre toute lutte crédible contre le dérèglement climatique. Un mantra qu’elle réaffirme dans une tribune publiée dans le Monde, « L’océan est un bien commun et notre meilleur allié pour lutter contre le réchauffement climatique. »

Récompensée par le très prestigieux Prix Goldman en 2018, son activisme lui vaut néanmoins des intimidations dont la dernière en date à son domicile en présence de sa fille.

Valérie Murat, l’antidote au « greenwashing » viticole

Porte-parole et cofondatrice de Alerte aux toxiques, Valérie Murat a lancé en 2020 une alerte majeure après avoir fait analyser vingt-deux vins labellisés Haute Valeur Environnementale (HVE). Tous contenaient des résidus de pesticides de synthèse, dont certains classés CMR (cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques), ainsi que des perturbateurs endocriniens. Le décès de son père, viticulteur atteint d’un cancer reconnu comme maladie professionnelle, a donné à son combat une dimension personnelle autant que publique.

Mais son geste dérange : le 25 février 2021, le tribunal de Libourne la condamne à verser 125 000 € pour « dénigrement », interdisant temporairement la publication de ses résultats. Selon les juges, ses analyses véhiculaient une « communication volontairement anxiogène » sans contextualisation sur les seuils légaux. Elle dénonce un dévoiement du label écologique, « Le label HVE, c’est le bébé du ministère : il sert la communication, pas la réduction des pesticides. » En réponse à ce qu’elle qualifie de procédure-bâillon, elle lance un appel au soutien citoyen pour financer sa défense. Sa ténacité paye, en septembre 2024, la cour d’appel de Bordeaux autorise la poursuite de l’appel, affirmant l’importance de protéger le droit de diffusion des informations environnementales.

Inès Léraud, la journaliste qui a brisé le silence sur les algues toxiques

Installée en Bretagne en 2015, Inès  Léraud décide de remonter à la source d’un scandale trop longtemps ignoré : les marées vertes. Grâce à une enquête de terrain hors pair — entre immersion dans les villages côtiers, rencontres avec les familles d’agriculteurs et consultations de rapports médicaux et scientifiques — elle révèle le lien direct entre agriculture intensive, nitrates et production de gaz toxiques (H₂S) par des algues vertes en décomposition.

Bravant l’omerta locale, elle collecte témoignages et preuves, décès d’animaux, promeneurs intoxiqués, dissimulation d’autopsies. Comme elle l’explique, « c’est une histoire interdite : dès la première interview, j’ai vu qu’il y avait un silence imposé ». Malgré les pressions — menaces judiciaires, plaintes des coopératives agricoles, tentatives d’intimidation envers ses éditeurs — son travail aboutit à la publication du best‑seller Algues vertes, l’histoire interdite (2019), suivi de l’adaptation ciné par Pierre Jolivet en 2023. Son engagement, nourri par une éthique de terrain, a mis en lumière un enjeu méconnu de santé publique : l’exposition aux gaz toxiques dans un contexte rural et touristique.

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