JOURNÉES DU MATRIMOINE : 10 ANS DE MISE EN VALEUR DES ŒUVRES DE FEMMES

Journées du matrimoine
©Ariane Mestre.

Initié par l’association HF Île-de-France en 2015, le pendant féminin des journées du patrimoine célèbre sa une première décennie. Dix ans d’avancées pour faire découvrir l’ampleur de la création artistique féminine.

Jusqu’à il y a quelques années, il était encore courant de penser que si les cimaises des musées étaient composées uniquement de peintures réalisées par des hommes, si les rayonnages des bibliothèques étaient remplies de livres écrits par des hommes et les opéras uniquement signés par des hommes… c’était simplement parce que les femmes n’avaient par le passé pas vraiment contribué à l’histoire de l’art ou parce que leurs créations n’étaient pas dignes du grand public. Du moins, c’est ce que certaines personnes cherchaient à nous faire croire. Un mensonge éhonté et orchestré depuis des décennies.

Pour remettre la vérité sur les rails, l’association HF Île-de-France a imaginé il y a 10 ans les premières « Journées du matrimoine », en écho aux « Journées du patrimoine », dont l’intitulé même efface les femmes artistes. L’association elle-même avait été créée en 2009, à la publication du deuxième rapport rédigé par la haute fonctionnaire Reine Prat, sur le sujet de l’égalité femmes-hommes dans le secteur culturel. Dans ses écrits, elle recensait l’écart abyssal entre la place des femmes et des hommes dans le secteur culturel, que ce soit sur scène ou dans les postes de direction. L’usage du terme « matrimoine », lui, avait été dépoussiéré par la chercheuse Aurore Évin. Il avait tout simplement été mis sous le tapis par les membres de l’Académie française, au même titre que celui d’« autrice ».

Le collectif HF Île-de-France s’est tout de suite emparé du terme « matrimoine ». C’était un « mot-valise parfait pour que les femmes y mettent leur histoires, leurs récits, leurs œuvres et celles de leurs aïeules », retrace Olivier Daronnat, membre depuis 2017 du conseil d’administration de l’association et de sa commission « matrimoine ». Seul homme du collectif, il est arrivé après avoir été « touché par l’émotion des femmes qui jouaient, chantaient ou lisaient pour la première fois des œuvres de celles qui les ont précédé » lors des premières « Journées du matrimoine » .

« Ajouter l’héritage des mères à l’héritage des pères »

Dès 2015, celles-ci ont été proposées en parallèle des plus traditionnelles « Journées du patrimoine ». Le programme était concoctée par l’équipe d’HF Île-de-France, pour proposer un autre regard lors de cette journée qui permet au grand public d’accéder le plus souvent à des bâtiments emblématiques, mais aussi de découvrir certaines œuvres. « Il faut le dire, c’est souvent de la vieille pierre, assez masculine », rigole Olivier Daronnat. Alors dès le départ, il a été question pour HF Île-de-France « d’ajouter l’héritage des mères à l’héritage des pères ». « Pour arrêter de ne voir que d’un œil ou d’être hémiplégique », complète le trésorier de l’association, qui aime les métaphores.

La première édition, puis toutes les suivantes, ont toujours été très bien accueillies, par les institutions comme par le public. Les œuvres des femmes, elles, n’étaient en réalité pas loin. « Beaucoup de lieux culturels et de musées ont été intéressées pour ouvrir leurs portes. Ils sont juste allés dans leurs réserves pour ressortir des œuvres de femmes », commente Olivier Daronnat. Quant au public, très vite, « cela a débordé la sphère féministe ». « Quand vous présentez de belles choses, les personnes trouvent ça formidable et se demandent pourquoi elles n’ont pas vu ses œuvres avant. Il faut vraiment être mal intentionné et endoctriné par l’idée que le génie est forcément masculin pour être fermé à cette initiative. »

Et depuis 10 ans, l’initiative s’est émancipée de l’Île-de-France. Dès l’année suivante, l’association HF Rhône-Alpes (devenue depuis HFX+ Auvergne-Rhône-Alpes) a décliné sa propre version des « Journées du matrimoine ». Puis c’était au tour d’HF Normandie, constitué en 2011. Ensuite, les « Journées du matrimoine » se sont même émancipées du sillage des collectifs HF. Des collectivités s’en sont emparées. En Normandie, la ville de Rouen, le département et plus largement la région promeuvent aujourd’hui les « Journées du patrimoine et du matrimoine ». Les villes de Nantes ou de Bordeaux font de même depuis quelques années, présentant un programme commun pour l’ensemble du troisième week-end de septembre.

Le hic ? La non-reconnaissance de la part du ministère de la Culture. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé d’évoquer le sujet avec les différentes personnes en responsabilité. « À chaque fois qu’un ou une nouvelle ministre prenait place, nous demandions à être reçues avec HF, mais personne n’a daigné nous recevoir, que les ministres soit de droite ou de gauche », commente Olivier Daronnat. Qui s’étonne : « Il y a pourtant une feuille de route qui préconise de mettre en avant le matrimoine, mais ça ressemble plus à une déclaration d’intention… »

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