ELISA SEYDI RÉÉCRIT L’HISTOIRE DE LA MODE AU FÉMININ

Iconiques créatrices de mode, Elisa Seydi
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Avec Iconiques créatrices de mode, Elisa Seydi réhabilite celles qu’on a trop souvent reléguées aux marges de l’histoire du style. De Jeanne Margaine-Lacroix à Vanessa Bruno, son livre retrace un autre récit de la mode : celui d’une création pensée pour le quotidien, loin des podiums.

« Toutes les femmes que j’ai eu la chance d’interviewer ont, à leur manière, contribué à l’émancipation des femmes à travers leurs créations », explique Elisa Seydi. Qu’il s’agisse de la robe Sylphide de Jeanne Margaine-Lacroix, du pantalon de Chanel, de la Wrap Dress de Diane Von Furstenberg ou encore du tricot libérateur de Sonia Rykiel, chacune de ces pièces emblématiques répond à un besoin réel – physique, social, émotionnel.

L’autrice le dit sans détour : « Ce qui relie toutes ces créatrices, c’est qu’elles ont pensé une mode pour elles-mêmes. Une mode qu’elles portaient. » Une révolution douce mais puissante, qui prend le contre-pied d’une industrie souvent dominée par des fantasmes masculins : « On parle toujours des couturiers qui ont libéré le corps des femmes… mais on oublie que les femmes, elles, créaient des vêtements pour le vivre, ce corps. »

Le besoin, pas le fantasme

Ce lien entre corps, quotidien et vêtement est le fil rouge de l’ouvrage. Sonia Rykiel imagine des tricots souples parce qu’elle est enceinte et ne trouve rien d’assez flatteur. Chantal Thomass s’attaque à la lingerie et aux codes vieillissants du bon goût bon marché parce qu’elle les subit adolescente. Vanessa Bruno, elle, crée son célèbre cabas après la naissance de sa fille, « parce qu’elle ne trouvait pas de sac pratique. » Le mot revient souvent dans les propos d’Elisa Seydi : besoin. « C’est plus un besoin de femmes qu’une mode fantasmée par des hommes. »

Ce livre, Elisa Seydi l’a voulu comme un manifeste, mais aussi comme une encyclopédie. Une cartographie de talents souvent invisibilisés, voire effacés de l’histoire officielle. « On parle toujours des mêmes grandes figures. Pourtant, au début du XXe siècle, des femmes comme Jeanne Paquin régnaient sur la mode parisienne », rappelle-t-elle. Mais peu à peu, les rachats de maisons par les grands groupes de luxe, puis la montée en puissance des directeurs artistiques masculins ont relégué ces pionnières dans l’ombre. « Aujourd’hui encore, les femmes restent largement minoritaires à la tête des grandes maisons. »

Ce déséquilibre ne s’explique pas seulement par des questions de pouvoir ou de prestige : « Il y a cette idée que les femmes seraient moins investies professionnellement, notamment à cause de la maternité. Alors on préfère confier la direction à un homme, considéré comme plus disponible. »

Une mode à vivre

À la grandiloquence des shows masculins, les créatrices opposent une forme d’intemporalité. « Il y a une espèce de durabilité dans la mode créée par les femmes. C’est élégant, mais fonctionnel. On peut travailler, aller chercher ses enfants, vivre sa journée. » À l’image de Miuccia Prada, dont les pièces d’il y a vingt ans se portent encore aujourd’hui sans fausse note. « Contrairement à beaucoup de créations masculines, pensées pour la scène ou les tapis rouges, ces vêtements sont faits pour bouger avec nous. »

Iconiques créatrices de mode ne s’adresse pas qu’aux fashionistas nostalgiques. C’est aussi un outil de transmission. « Il y a plein de jeunes qui ne connaissent pas l’histoire de ces maisons. Parce qu’aujourd’hui, tout est racheté, tout est rebrandé, mais on a oublié les femmes qui ont tout bâti. » Ce travail d’archéologie et de réhabilitation prend d’autant plus de valeur qu’il touche à l’intime. Beaucoup de ces marques se sont transmises de mère en fille, de génération en génération. « Chez moi, ma grand-mère portait du Sonia Rykiel. Elle m’a donné ses vêtements. Ces pièces racontent des histoires. ».

Iconiques créatrices de mode, Elisa Seydi, Larousse, 2025

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