ANNA ROY : « IL Y A AUTANT DE MÉNOPAUSES QUE DE FEMMES QUI LA TRAVERSE  »

Anna Roy sage-femme
© Marie Rouge

À travers un ouvrage et un nouveau podcast, la « sage-femme préférée des Françaises » se penche sur la période de la ménopause. Et reconnaît elle-même qu’il n’y a pas de quoi en être si effrayée.

Elle avait préféré fuir cette réalité de la vie des femmes, jusqu’à ce que celle-ci la rattrape par un bout de la manche, lorsqu’une amie lui a réclamé de l’accompagner dans cette étape. Et 2025 est finalement devenue l’année de la ménopause pour Anna Roy. Pas la sienne non, ce n’est pas cela qu’elle raconte.

La sage-femme de 40 ans, bien connue pour son podcast « Sage-Meuf » (Europe 1) et ses interventions dans l’émission « Les Maternelles XXL » (ex « La Maison des Maternelles ») a choisi de regarder ce phénomène naturel droit dans les yeux et de mieux accompagner les femmes à y faire face, comme elle avait mis autant de cœur à l’ouvrage pour accompagner la grossesse des femmes et leur post-partum. En mars, elle publiait « C’est ma ménopause : Le guide complet, rassurant et sans tabou » (L’Iconoclaste) et en ce mois d’octobre, elle est la tête d’affiche du podcast « Bouffées de chaleur », diffusé par la plateforme ICI. Elle nous raconte.

En tant que sage-femme, vous accompagniez surtout des femmes face à la grossesse et à ses suites. Qu’est-ce qui vous a conduit à vous pencher sur la ménopause ?

C’est un hasard complet. Pendant mes études, j’avais eu quelques notions autour de la ménopause, véhiculées par des grands professeurs de médecine. Cela m’avait amenée à ne voir que des femmes très malades, dans de piteux états, et ces professeurs me répondaient que c’était comme ça, que c’était toujours horrible. Donc j’avais une vision horrifique de la ménopause, amplifiée par la vision de la société. Je sais que c’est absolument scandaleux de dire cela, mais je vous le partage avec honnêteté.

Puis un jour, je n’ai pas eu d’autre choix que de m’y confronter. C’était il y a 10 ans, heureusement assez tôt dans ma carrière quand même. Une personne que je connaissais bien m’a interpellée pour que je la prenne en charge, parce qu’elle avait la sensation d’avoir besoin de rééducation du périnée et parce qu’elle avait envie d’un accompagnement. Mais lorsque je suis arrivée chez elle, je me suis rendue compte que c’était une femme magnifique, sautillante, rigolote, qui ne souffrait pas tellement de sa ménopause, voire pas du tout.

Qu’est-ce que cette expérience a provoqué chez vous ?

J’ai compris que la ménopause, c’était exactement comme la grossesse ou les règles. L’expérience a beau être universelle, elle est profondément intime et différente en fonction de chaque femme. Il y a autant de ménopauses que de femmes qui la traverse. Et ce que je trouve le plus surprenant, c’est que le post-partum me semble beaucoup plus difficile pour les femmes, alors qu’on présente souvent la ménopause comme une expérience bien pire.

Et comment s’est passée cette première prise en charge d’une personne en période de ménopause ?

Même si cette personne allait globalement bien, je me suis retrouvée très démunie. Dans mes cours je n’avais quasiment rien appris sur le sujet. Cela m’a fait le même effet que pour le post-partum, auquel je m’étais intéressé plus tôt dans ma carrière.

Alors, comme je suis autiste, avec des intérêts spécifiques, c’est-à-dire des mécanismes d’obsession, j’ai entrepris ce que je sais faire de mieux : je me suis mise à travailler comme une furie pour chercher tout ce qui existait sur la ménopause, afin de mieux la comprendre et de mieux en parler.

Et qu’avez-vous compris, en parcourant la science ?

J’ai surtout compris qu’on ne connaissait pas grand chose sur la ménopause. Que la science avait du mal à comprendre les symptômes. Qu’il y avait encore de grandes inconnues. Qu’à part les périodes de grossesses, d’infertilité et d’accouchement, la science s’était peu intéressée à tout ce qui sortait du cadre de la procréation.

Face aux gynécologues, quelle place les sages-femmes peuvent-elles occuper dans l’accompagnement de la ménopause ?

Je pense que nous pouvons effectuer un très bon suivi, tout comme les suivis de grossesse. Nous pouvons parler des problèmes liés à la sexualité, au travail, prescrire des examens… Et je pense que bientôt, nous pourrons procéder à de meilleurs accompagnements encore, car nous devrions pouvoir prescrire nous-mêmes des traitements hormonaux. 

Mais bien sûr, comme pour les grossesses, en cas de pathologies, il faut passer la main aux gynécologues. Car autrement, je dirais que les gynécologues ont d’autres choses à faire que de prendre en charge un phénomène normal et physiologique du corps, alors qu’ils ou elles sont déjà tellement sous l’eau pour gérer les pathologies…

Après votre livre, vous venez de lancer un podcast, « Bouffées de chaleur », diffusé sur le réseau de radio ICI. La ménopause est donc clairement devenue votre nouvelle marotte ?

Comme je vous l’ai dit, quand j’ai une obsession, je creuse le sillon. Sur mes précédentes thématiques autour de la grossesse ou du post-partum, j’ai vraiment compris que les personnes auxquelles je m’adresse ont souvent un support privilégié, que ce soit le livre, la télé ou l’audio… Alors j’essaye de varier. Pour ce podcast, c’est ICI qui est venue me chercher et des journalistes font un travail remarquable, en allant chercher des femmes sur le terrain qui sont très éloignées du milieu parisien. Je trouve ça vraiment génial. Puis après, je donne des conseils en lien avec la thématique de l’épisode.

Qu’est-ce qui le différencie selon vous d’autres podcasts sur le sujet, comme celui d’Elsa Wolinksi (« Allez j’ose ! », Martange Production) ou celui de Claire Fournier (« Chaud dedans », studio Binge Audio) ?

J’adore ces podcasts. Moi je suis le public cible d’Elsa Wolinski, mais je sais qu’il y a des personnes qui n’aiment pas ce podcast, parce qu’il met en avant des femmes qui sont trop éloignées d’elles pour qu’il y ait un processus d’identification. Et avec Claire Fournier, on fait face à une parole très experte. « Bouffées de chaleur » est très différent. C’est un peu comme avec l’émission « Les Maternelles », l’idée est d’être très accessible. Bref, un peu comme pour les podcasts sur la grossesse et l’accouchement, il y en a pour toutes les personnalités.

Et aujourd’hui, accompagnez-vous plus de femmes faisant face à la ménopause ?

Oui, beaucoup plus. Je ne fais plus de pirouettes comme au début de ma carrière, où je les renvoyais vers une consœur parce que je n’avais pas envie de m’y confronter. Et j’adore ça ! Ces patientes m’apprennent plein de choses sur la vie, ce sont des trésors. Moi qui avais peur de vieillir, parce que j’associais la ménopause à la mort et à la décrépitude, je peux dire qu’aujourd’hui, grâce à ces femmes, ça ne me fait plus du tout peur.

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