En France, 80% des 5 millions de personnes veuves en France sont des femmes et pour nombre d’entre elles, le décès d’un.e conjoint.e est une épreuve émotionnelle qui se double souvent d’une impréparation financière à cette situation. L’envisager est pourtant la seule solution pour ne pas transformer le deuil en obstacle économique. Nous avons rencontré trois femmes qui ont témoigné de leur parcours de vie.
Après la mort de Jacques, Nathalie est passée du statut de « femme de médecin en vue » à celui de veuve. « Je me suis retrouvée seule à 55 ans dans une région que je connaissais peu, infirmière a mi-temps dans l’hôpital d’Ajaccio où exerçait mon mari ». Un sentiment qu’elle avait déjà connu lors de son divorce quelques années auparavant. Toutefois, analyse Sophie Gidrol Fuxet, la séparation n’est pas de même nature, « le divorce ne fait pas effraction comme le décès ». L’accompagnatrice auprès des familles endeuillées souligne « qu’en plus de l’énergie que requiert le processus de deuil il faut penser à sa sécurité financière ».
Car à la douleur de la perte s’ajoutent les aléas économiques du deuil. Corine Goldberger, ancienne journaliste à Marie-Claire et aujourd’hui à la tête d’un podcast sur l’argent martèle le mantra d’Héloïse Bolle, « il faut faire le crash test financier de son couple ». Veuve en 2002 à 45 ans, en charge de deux enfants de 9 et 14 ans, Corine témoigne aujourd’hui qu’il faut établir très vite ce qui se passera si l’un des deux conjoints disparait. « L’idée communément admise est que le veuvage appauvrit mais tout dépend des dispositions prises ».
Veuve : un changement de situation brutal
Et particulièrement dans l’hypothèse où l’on souscrit une assurance vie ou un capital décès. La journaliste se souvient d’une de ses amies dont les enfants étaient seuls bénéficiaires du contrat, ce qui a donné lieu à une conversation ubuesque qu’elle lui raconte. « Je suis cadre, je sais gérer mon argent et je me retrouve infantiliser par une juge des tutelles qui me dit qu’il faudra que je rende compte de la moindre de mes dépenses et qui doit placer l’argent de l’assurance. Je lui demande si elle a des compétences financières car moi oui ! ».
Sophie Gidrol Fuxet évoque la brutalité du changement de situation pour les femmes peu préparées sur le plan économique. « Dans ma consultation j’ai eu le cas d’une femme expatriée qui avait de très bonnes conditions de vie et qui confrontée au décès de son mari a du prendre en urgence des décisions ». Rentrer en France, retrouver un logement … Autant d’épreuves qui alourdissent le deuil. Un constat que traduit également Corine Goldberger, « Quand on vit avec quelqu’un qui gagne bien sa vie, on peut avoir un super train de vie pendant des années, mais on est pauvre et on ne s’en rends pas compte ».
Anticiper et discuter les options financières
Alors comment anticiper au mieux cette épreuve que peu ose discuter ouvertement ? Nathalie et Jacques ont choisi de tout passer au crible lorsque le cancer de son mari a été diagnostiqué. « Je suis usufruitière de la maison qu’il acheté seul, bénéficiaire d’une assurance vie et nous nous sommes mariés » liste-t-elle. L’impact du mariage est souvent mésestimé car il peut offrir une protection financière. Corine Goldberger évoque les pensions de reversion de la retraite complémentaire accessible sans condition de ressources mais réservées aux veufs et veuves mariés. De même la donation croisée entre époux offre la possibilité de choisir au décès de l’un des conjoints trois options que l’on peut discuter avec son notaire.
La journaliste souligne que dans le cadre d’un Pacs il est nécessaire de rédiger un testament, « faute de quoi la part du défunt ira à ses héritiers ». Autant de précautions qui ont fait défaut à une amie veuve de Nathalie, qui a la demande des héritiers de son conjoint a eu 24h pour quitter la maison qu’elle partageait depuis plus de 20 ans avec son compagnon. Un bien immobilier qui ne lui appartenait pas mais qu’elle a pu contribuer à améliorer en finançant par exemple des travaux. Corine Goldberger souligne que cet apport peut être important et qu’il faut le « flécher » auprès d’un notaire pour pouvoir en faire état lors de la succession du défunt, c’est le système des récompenses.
Sophie Gidrol Fuxet reçoit lors de ses consultations des femmes dont les difficultés financières débutent par les frais funéraires. « il faut penser aux contrats obsèques. C’est quand on est jeune qu’il faut s’en préoccuper ». Une anticipation qu’il faudrait intégrer lors de l’achat d’un bien immobilier. Corine Goldberger insiste sur les conséquences du choix du taux d’assurance emprunteur. « Souvent on fait 50/50 et si le conjoint décède, sa part est payé mais le survivant doit continuer à payer la sienne ». Choisir une assurance à 100% pour chacun est plus onéreuse mais en cas de décès le crédit est intégralement remboursé.
Envisager les conséquences financières de son décès et de son conjoint, la douleur ne sera pas amoindrie mais « on pourra pleurer tranquille » assure la créatrice du podcast Argent: parlons cash les filles ! et poursuivre sa route car le statut de veuve n’est pas un point final à la vie amoureuse. Nathalie est à nouveau en couple, « c’est un excellent compagnon mais ce n’est pas l’amour de ma vie, l’amour de ma vie est mort » souffle-t-elle.
Pour aller plus loin :
Quand la mort sépare un jeune couple: Le veuvage précoce, de Corine Goldberger, Albin Michel, 2005, 245 pages, 23 euros
Groupe Facebook co fondé par Corine Goldberger : Entre veufs