Sahra Wagenknecht, figure populiste de la politique allemande, se démarque par ses critiques du capitalisme et de l’immigration. Ancienne leader de la gauche radicale, elle a lancé Aufstehen et la BSW pour défendre les classes populaires, délaissées selon elle par les partis traditionnels. Mais qui est cette femme qui bouleverse la scène politique allemande ?
Sahra Wagenknecht, 55 ans, est l’une des figures politiques les plus singulières et controversées en Allemagne. Ancienne co-présidente de « Die Linke », elle s’est fait connaître par ses critiques acerbes du capitalisme, ses positions fermes sur la redistribution des richesses, mais aussi par son scepticisme croissant envers les politiques migratoires et l’Union européenne. Récemment, elle a lancé son propre mouvement, la BSW (Bündnis Sahra Wagenknecht – Für Vernunft und Gerechtigkeit), une formation populiste qui s’adresse à un électorat mécontent des partis traditionnels. Mais qui est vraiment cette femme qui bouscule la scène politique allemande ?
Née en 1969 à Iéna, dans l’ancienne RDA, Sahra Wagenknecht a grandi dans une société façonnée par les idéaux socialistes. Très tôt, elle se passionne pour les écrits de Marx et Engels, forgeant ainsi une vision politique radicale basée sur la lutte des classes. Elle rejoint « Die Linke » en 2007, après la fusion de plusieurs partis de gauche, et s’impose rapidement comme l’une de ses principales figures. À partir de 2015, elle co-dirige le groupe parlementaire du parti au Bundestag, où elle se distingue par ses critiques sévères du néolibéralisme et de la mondialisation.
Cependant, Sahra Wagenknecht ne suit pas la ligne classique de la gauche radicale. Elle critique régulièrement les orientations progressistes de son parti sur des sujets tels que l’immigration et les questions identitaires. Pour elle, ces débats occultent les véritables priorités de la gauche : la protection des travailleurs et la lutte contre les inégalités économique.
La dérive populiste et la rupture avec « Die Linke »
C’est sur ces questions que se manifeste de plus en plus sa dérive populiste. À partir de 2015, alors que l’Allemagne ouvre ses portes à des centaines de milliers de réfugiés, elle s’oppose fermement à la politique migratoire d’Angela Merkel. Elle estime que cette politique nuit aux travailleurs allemands les plus vulnérables, en créant une concurrence sur le marché du travail et en exacerbant les tensions sociales. Cette prise de position marque un tournant dans sa carrière et la distance de plus en plus du reste de « Die Linke », qui soutient généralement des politiques migratoires plus ouvertes.
Dans son livre The Self-Righteous (2021), Sahra Wagenknecht va encore plus loin en critiquant ce qu’elle appelle la « gauche des mœurs », qu’elle accuse de se concentrer sur des sujets comme le genre et l’identité au détriment des questions économiques centrales. Elle accuse la gauche de s’éloigner des classes populaires et d’être devenue une « gauche élitiste », plus préoccupée par l’inclusivité que par les besoins des travailleurs ordinaires. Ces critiques rappellent celles de partis populistes, et elle n’hésite pas à tendre la main à un électorat qui, selon elle, est attiré par l’AfD (parti de droite populiste) plus par protestation que par adhésion à ses idées.
La fondation de la BSW : un nouveau populisme de gauche
En 2024, après des années de tensions internes, Sahra Wagenknecht quitte définitivement « Die Linke » et lance son propre mouvement, la BSW, pour « Vernunft und Gerechtigkeit » (Raison et Justice). Avec ce parti, elle ambitionne de capter l’électorat populaire, particulièrement en Allemagne de l’Est, qui ne se reconnaît plus dans les partis traditionnels de gauche. La BSW adopte une rhétorique populiste, en mettant l’accent sur la justice sociale tout en s’opposant aux politiques migratoires et en critiquant les sanctions contre la Russie.
L’une de ses positions les plus controversées concerne la guerre en Ukraine. Dès le début du conflit, elle s’est fermement opposée aux sanctions économiques imposées à la Russie et à la livraison d’armes à l’Ukraine, estimant que ces actions ne faisaient qu’aggraver la situation. Elle plaide pour une solution diplomatique, appelant l’Allemagne et l’Occident à négocier avec la Russie plutôt que de prolonger le conflit. La nouvelle cheffe de parti affirme que les sanctions et les livraisons d’armes augmentent les risques d’escalade et nuisent à l’économie allemande, déjà fragilisée par l’inflation et la crise énergétique.