MASQUES : TRAVAIL BÉNÉVOLE ET DÉVALORISÉ, LE LOT DES COUTURIÈRES

Le collectif de couturières Bas les Masques a lancé une pétition

Un collectif de couturières professionnelles mobilisées pour fabriquer des masques grand public dénonce la dérive de leur mouvement bénévole. « Bas les masques » interroge sur la dérive d’une gratuité qui serait désormais due.

La pénurie de masques a mobilisé la société civile et tout particulièrement les couturières et costumières. Au départ, un élan bénévole pour fabriquer des masques en tissu grand public. Christie, costumière intermittente du spectacle à l’arrêt professionnellement coud depuis un mois des centaines de masques à destination des soignants, des entreprises et du grand public. « J’ai commencé en destockant mes tissus professionnels, les fils et les élastiques. Certaines couturières ont même acheté des tissus. Au début, ce mouvement est né pour répondre à l’appel des soignants et des infirmières sans protection. » Pourtant très vite, ce travail bénévole est dénigré sur les réseaux sociaux. « On a été insulté ! On nous disait que ça ne servait à rien ».

Un travail sans contreparties financières

Au fur et à mesure, le bénévolat s’installe et les premières normes apparaissent. Le mouvement citoyen des couturières prend de l’ampleur. Cet élan créé dans l’urgence est récupéré et se substitue à une industrie défaillante. « Le collectif nait de ce constat et regroupe des couturières bénévoles de toute la France » poursuit la costumière. Sur Facebook, leurs témoignages sont relayés au sein d’un groupe privé qui réunit à ce jour plus de 1000 membres. Christie fait remonter les articles et les constats. « Beaucoup de mairies nous sollicitent sans contreparties financières ou de si faibles compensations que cela reste un travail sous payé qui en plus est considéré comme du bénévolat ».

Une demande délicate à gérer. La gratuité de leur travail semble normale pour tous ceux qui considèrent que ces « petites mains » (vocabulaire peu valorisant) participent à « l’effort de guerre ». « Ca fait deux mois qu’on nous dit que les soignants sont en première ligne sans protection, qu’ils risquent leur vie pour nous, alors allez demander à quelqu’un de refuser de faire des masques compte tenu des conditions dans lesquelles il travaille, psychologiquement c’est très compliqué ». Une pression sociale forte relayée par des initiatives médiatiques. « L’écrivain Alexandre Jardin qui soutient l’association masques solidaires propose des kits et encourage le bénévolat » décrypte Christie. Une manière de dévaloriser toute une profession sous couvert de solidarité.

Moi je travaille seule. Je ne pourrais pas prendre des commandes de 10 000 masques, en revanche je peux avoir un impact sur tous les commerçants locaux.

Christie

Une pétition en ligne

La pétition mise en ligne le 3 mai par le collectif « Bas les Masques » demande à l’Etat de prendre ses responsabilités. Et de réquisitionner les ateliers de confection « des opéras, des théâtres et des grands groupes de fabrication textile », ainsi que « les fonctionnaires d’état qui sont au chômage technique ». La cofondatrice du collectif souligne l’incohérence de la situation. « Non seulement ce sont des milliers d’emplois perdus mais aussi autant de cotisations correspondantes pour l’Etat ». De plus, en ne rémunérant pas cette activité, persiste l’idée que la couture n’est pas un vrai métier, mais un loisir féminin exercé au sein du foyer. Christie s’indigne, « il y a ce problème de fond de se dire si cela avait été un métier d’homme on n’aurait sans doute pas parler de bénévolat ».

Issu du questionnaire de pré enregistrement caractérisation masque UNS

LES NORMES FAVORISENT LES INDUSTRIELS

La déconsidération de ce travail très majoritairement féminin, au prétexte qu’il devrait être gratuit, est aggravée par l’obtention des normes AFNOR. Sur sa page Facebook, l’atelier de couture Blue Marmaid alerte. « Depuis le 29/04 les tests sont obligatoires pour vendre des masques tout simplement parce que les gros industriels sont enfin prêts tout comme les grandes surfaces. Je vous laisse imaginer notre désarroi à nous toutes, couturières…. C’est notre métier et on l’aime ». Un émoi que partage Christie, car quand on demande une norme, cela demande du temps et de l’argent souligne-t-elle. En creux, cela signifie que ces normes vont être réservées à « de gros industriels et du coup éliminé une partie des petits artisans ». Ce système accentue le travail dissimulé et la concurrence déloyale ajoute-t-elle.

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Avec BD Artémis

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