L’étude « Bien vieillir bien logées : le parcours des combattantes » publiée par le think tank IDHEAL atteste que le logement constitue l’un des prismes le plus pertinent pour observer le vieillissement des femmes. Une réflexion qu’il est urgent d’ouvrir et de prendre en compte.
Irène Behar, co-autrice de l’étude s’est emparée du sujet du logement et du genre, car affirme-t-elle si les liens entre urbanisme et féminisme sont régulièrement documentés dans le rapport à l’espace public, il n’existe a peu près rien sur l’habitat et les femmes. L’Agence Nationale pour l’Information sur le Logement disposait de données quantitatives sur les femmes de 60 ans + et sur leur rapport à leur logement. Une base de départ que l’étude a enrichi d’entretiens qualifiés auprès de 18 femmes aux situations très diverses.
Catherine Sabbah, fondatrice du think tank IDHEAL souligne que le logement concentre de nouveaux aspects à la fois intime et sociétaux. « Il y a des bailleurs sociaux qui ont des populations très vieillissantes et qui n’ont pas les services qui devraient les accompagner. Elles se retrouvent avec des questions d’accessibilité, des difficultés pour monter les escaliers, pour sortir de chez elles. Il y a tout un panorama qui est propice à l’étude et à la réflexion sur ce sujet là qui va devenir de plus en plus important. ». Seulement 46% des femmes de plus de 60 ans trouvent leur logement adapté à leurs besoins, elles ne sont plus que 33% après 80 ans cite l’étude.
La question du logement n’est pas prise au sérieux
Des chiffres alarmants qui devraient alerter les pouvoirs publics, mais souligne Catherine Sabbah, s’il existe de nombreuses aides financières autour du logement, elles ne sont pas toujours bien ciblées. « La question du logement n’est pas sérieusement en compte par les politiques publiques. Le vieillissement n’est pas du tout considéré dans la conception des logements créés pour tout le monde de la même manière. ». Hors le vieillissement et l’absence de mobilité peut assigner à résidence des femmes pour qui la solution du déménagement est une source de stress. « Seules 23% de ces femmes envisagent de déménager, et seulement 18% après 80 ans » indique l’étude.
Sous ce prisme social, se pose la question du logement en terme de source de sociabilité ou de prison. « Si je venais à trouver un endroit où déménager, j’aurais besoin d’aides financières mais aussi des bras, de la main d’oeuvre. Beaucoup de personnes âgées ne bougent plus, c’est tellement énorme dans leur tête de faire un carton, sinon elles auraient déjà déménagé » témoigne Madame H, 73 ans. Pour Irène Behar, les politiques publiques se sont massivement tournées vers l’adaptation du domicile à la perte d’autonomie et ne pensent pas le logement en terme d’initiatives innovantes.
Peu d’ initiatives
Si la Maison des babayagas, batiment collectif autogéré livre un modèle d’habitat réévalué à l’aune du vieillissement, peu d’expériences de ce type ont suivi. « On voit des petites choses émerger comme des résidences intergénérationnelles, mais c’est encore très timide » déplore Catherine Sabbah. Une femme de 70 ans témoigne, « Avec mes amies de la résidence, on envisage, quand on sera plus âgées et dépendantes, d’embaucher une personne qui s’occuperait de nous toutes ».
Une collectivité choisie par opposition à celle médicalisée, standardisée et subie. Au delà du rejet des EHPAD mis en exergue avec l’affaire ORPEA, une réflexion doit être engagée sur les nouveaux usages du logement. « On pourrait réserver un certain nombre de lieux en milieu urbain pour accueillir des personnes âgées, ça ne veut pas dire les mettre dans des ghettos, mais des endroits où les commerces sont accessibles, les espaces publics adaptés, et réfléchir à la localisation des logements par rapport à l’âge des gens qui pourraient y habiter » indique la fondatrice du Think Tank.
La sociabilisation grâce au logement
A l’heure où l’on parle de sobriété immobilière, comment appréhender des espaces d’habitation devenus trop grand suite au départ des enfants. Des questions importantes, car souligne Catherine Sabbah, ces mètres carrés supplémentaires peuvent être essentiels lorsqu’il s’agit d’accueillir ses petits-enfants. Un garde-fou contre l’isolement des personnes vieillissantes. Envisager le logement sous l’angle de la sociabilisation est un vecteur inédit. Irène Behar souligne que le rapport au voisinage diffère selon que les femmes habitent en ville ou en milieu rural et constitue l’espace de sociabilité privilégié.
Pilote d’un des groupes du CNR sur le logement, Catherine Sabbah s’étonne de l’absence d’impact des propositions qui avaient été formulées à l’époque. Une absence de mobilisation qui détonne face à celles qui ont eu lieu en Espagne, en Allemagne et en Israël.
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