« FEMMES ET START-UP » DÉCORTIQUE L’ENTREPRENEURIAT FÉMININ PAR L’EXEMPLE

Martine Esquirou start-uppeuse

Ex journaliste économique et directrice de communication, Martine Esquirou, coach et autrice du blog startuppeuses.fr a co-fondé les Assises de la Parité pour le réseau féminin IWF. Elle y a développé avec Guillaume du Poy un tremplin pour les start-uppeuses, une énergie créatrice dont elle rend compte dans « Femmes et start-up » (Dunod). 16 portraits de femmes et autant de conseils et outils pour se lancer.

Pourquoi c’était important d’écrire sur les start-uppeuses ?

En 2021 on a lancé le 1er tremplin pour les start-uppeuses parce qu’on s’est rendu compte que les Assises traitaient du plafond de verre, des inégalités des chances dans les promotions et dans le recrutement des femmes dans les grandes entreprises, mais pas de la question de la création d’entreprise et de l’entrepreneuriat.

Nous avons reçu 200 dossiers la première année et la 3ème édition qui a eu lieu en juin de cette année avec 4000 participants, a connu le même succès parce que les femmes ont besoin d’être plus visibles et recherchent des financements. C’était une suite logique d’appliquer la question de la parité et de l’égalité des chances au start-up.

Le livre est une suite de cette expérience ?

On a eu envie de prolonger cette expérience événementielle à travers un livre. Guillaume accompagne depuis 10 ans des start-up. Pour ma part, j’ai eu envie d’écrire ce livre car j’ai le sentiment qu’il y a à travers l’entrepreneuriat féminin depuis une dizaine d’années une effervescence. Jusque dans les années 80, les seules femmes cheffe d’entreprise étaient des filles de, des femmes de, des veuves de mais peu avait créé leur propre entreprise.

Qu’est-ce qui a changé ?

Depuis une dizaine d’années les femmes ont eu accès à l’entrepreneuriat pour deux grandes raisons ; cet éco système fondé par la French tech a donné un élan nouveau aux start-up créés par des femmes. Elles ont un accompagnement possible et la 2ème raison c’est la montée en puissance d’un espace numérique du web qui permet plus facilement aux femmes d’accéder à l’entrepreneuriat. Elles peuvent inventer de nouvelles facons de produire et de consommer grâce au numérique, mais malgré cette conjonctures elles restent minoritaires et c’est ça qui m’a interpellée.

Pour quelles raisons ?

Les femmes créent leur entreprise dans des secteurs familiers mais assez peu dans la tech et on voit bien pourquoi. Elles sont moins nombreuses dans les filières scientifiques, et dans les grandes entreprises, elles n’ont pas accès à des postes à responsabilité. Ce qui fait que lorsqu’elles créent des entreprises elles connaissent moins bien les codes que les hommes. (financement, sourcing, numérique). Par ailleurs, le manque de role model dans les grandes entreprises se répercutent dans le nombre de start-uppeuses en France.

Comment cela se traduit sur les chiffres de l’entrepreneuriat ?

lI y a des fossés gigentesques entre le nombre de création d’entreprises (un million) par an et les vraies start-up qui allient un élément d’innovation sociale ou technologique, un objectif d’hyper croissance et de levées de fonds. Il n’y a plus que 20 000 entreprises dont 22% fondées par des femmes (4000). De plus à l’arrivée, elles ne captent que 2% des levées de fonds.

Vous citez le cas assez emblématique de Marie Bouhier, la co-fondatrice des collants Billi

Elles ont voulu faire des collants “responsables” que l’on peut recycler, elles ont déposé un brevet, trouvé un fabricant, distribué dans des corners dans tous les grands magasins à Londres et à Paris, mais quand elles ont voulu lever des fonds, elles se sont retrouvées face à des cinquantenaires blancs de la City qui n’en avaient rien à faire de deux filles qui parlaient de collants. On touche là un autre phénomène. Elles investissent des secteurs qui ne parlent pas aux hommes et qui souvent ne sont pas consommateurs de capitaux. Pour être crédible, il faut viser un objectif colossal. On trouvera plus facilement d’argent si on demande un gros ticket.

Comment avez-vous sélectionné les 16 start-uppeuses qui figurent dans le livre ?

J’ai du en interviewer 200 et Guillaume en rencontre 300 par an. On voulait des femmes aux formations et origines différentes qui investissent des secteurs divers. Mais nous n’avons pas réussi. Il y a très peu de femmes qui créent des usines par exemple, je me suis aperçue que toutes celles qui réussissent ont fait des écoles de commerce d’une facon ou d’une autre.

Qu’ont-elles toutes en commun ?

Elles ont toutes conscience qu’elles deviennent des roles models même si ce n’est pas leur but au départ. Ces start-uppeuses sont déjà à un stade assez matures, elles sont très déterminées et courageuses. Même si elles échouent, elles se relèvent et recommencent. Elles ont une foi chevillée au corps et connaissent bien les codes.

Un profil atypique qui vous a marqué ?

La seule dont je pourrais dire que c’est un profil atypique, c’est Stéphanie Gottlib-Zeh. Elle a développé en thèse un début de logiciel pour aider les pétroliers a mieux affiné la recherche, mais elle n’a pas le pedigree pour rentrer au CNRS ou chez Total et elle a beau ne pas connaitre les codes, elle se lance et est aidée par le premier incubateur de l’époque créé par Georges Frêche.

Les créatrices de Meet my mama n’ont pas voulu voir se reproduire leur schéma familial. Devant l’afflux de migrantes elles se sont lancées début sur le modèle de l’association. elles proposent d’accéder à un service traiteur professionnel et au travers de ce service quel les femmes gagnent en autonomie et se lancent elles-mêmes. Elles ont créer en paralelle une « Académie des mamas » pour leur donner des bases afin de prendre leur envol toutes seules.

Martine Esquirou

Vous soulignez aussi cette volonté de créer des start-up à impact

Maïlys Cantzler est peut être la plus emblématique de toutes car elle a dans son ADN cette volonté d’entreprendre dans une économie sociale et solidaire où les réussites ne sont pas forcément spectaculaires. Elle crée ce réseau de crèches privées après deux échecs qu’elle revend à Sodexo dix ans après et elle fonde Homnia, des logements inclusifs pour les adultes handicapés. 

Mathilde Le Roy crée KAZoART sa plateforme pour rendre l’art accessible au particulier. C’est le cas de Lucile Noury (Green Creatrive), d’Alexia Rey avec NeoFarm… Les start up qui réussissent aujourd’hui sont celles à impact positif quelque soit leur objet.

Quelle est l’attitude des entreprises face à ces start-up qui innovent ?

Les grandes entreprises ont conscience qu’elles ont quelques trains de retard et n’ont pas forcément le logiciel pour trouver des solutions à leurs problèmes. Et elles vont piocher parmi les start-up, mais une start up qui devient super puissance se fait racheter. Mais même absorbées, elles contribuent à la sensibilisation des grands groupes aux innovations nécessaires.

On trouve toujours des financiers qui nous disent qu’ils n’arrivent pas à dépenser toutes leurs subventions. il y a un matching qui ne se fait pas, souvent elles viennent de la puissance publique avec des critères qui ne sont pas forcément adapté à l’entrepreneuriat féminin. 

Martine Esquirou

La dernière partie du livre est consacrée aux outils pour monter son entreprise, c’était une volonté de constituer aussi un guide pour celles qui veulent se lancer ?

Le livre avait cet objet de proposer un trois en un pour des publics divers : poser le paysage sur l’éco système, puis des portraits inspirants avec les conseils de ces start-uppeuses. Nous avons rythmé la dernière partie en trois phases : savoir s’entourer et recruter, celles qui ne réussissent pas sont celles qui ne veulent pas déléguer, il y a en a très peu qui sont en solo. Ensuite c’est savoir se promouvoir, ça va du naming à la relation commerciale et enfin sur le financement, on a voulu étape après étape expliquer comment on crée, comment on fait un pitch, un deck, un business plan pour aller chercher des fonds. On peut accéder à des subventions au lieu d’engager ses économies, mais il y a une éducation financière à faire pour les femmes.

Quand on pense start-up on pense jeune entrepreneuse, qu’en est-il des femmes de 45 + ?

Il y a trois catégories de femmes qui ont franchi la cinquantaine, celles sont en reconversion forcée ou volontaire qui vont créer leur boîte, et sont assez nombreuses. La 2ème population c’est celle qui connaissent bien l’entreprise comme Chloé Hermary qui était partie pour être patronne du CAC 40 et en chemin a rencontré une start up à peine naissante. Elle leur a proposé de devenir leur DG et 6 mois après les faisait entrer en bourse, ce sont souvent des cadres avec déjà un beau parcours. la 3ème c’est celles qui ont déjà créé une start up qui n’a pas marché et ont rejoint le salariat, mais au bout de quelques années ça les démange de retenter. Je pense qu’elles sont de plus en plus nombreuses carelles ont assuré leurs arrière financièrement et ont envie de devenir plus autonomes, de donner du sens.

« Femmes et start-up», Martine Esquirou et Guillaume du Poy, Editions Dunod.

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