FABY PERIER : LA MUSIQUE POUR COMBATTRE LE CANCER

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Couv album La Renverse

L’artiste Faby Perier vient de sortir un EP sobrement intitulé « La renverse ». Une traversée des courants contraires d’un destin mal embarqué. La musique en guise d’armure lui a permis de contourner tous les sorts d’une vie peuplée d’obstacles. C’est une lutte qu’elle raconte volontiers dans ses titres mais qui englobe plus largement toutes les combats d’une femme engagée à survivre dès le plus jeune âge. Rencontre tonique.

De quelle façon la musique est entrée dans votre vie ?

J’ai eu la chance d’être adoptée dans une famille très mélomane, il y avait un piano à la maison. j’ai appris à en jouer et ça a été une révélation ! Mais le déclic est vraiment venue lorsqu’à 8 ans j’ai passé une audition de fin d’année au conservatoire de musique. Avant de rentrer sur scène, j’ai entendu les applaudissements et je me suis dit c’est incroyable les gens ne me connaissent pas et ils m’aiment déjà ! il faut que je fasse çà mais je ne savais pas encore comment !

L’amour ne faisait pas parti de votre vie ?

Mon parcours d’enfant est compliqué. J’’ai été abandonnée à l’âge de 2 mois, et adoptée par une famille qui était particulière… Très sévère. Ma mère était violente psychologiquement, ma vie était faite d’humiliations. Quand je me suis retrouvée sur scène l’amour est rentré. Et pour moi l’amour et la musique c’est indissociable.

C’était le contact avec le public plus que la musique qui primait ?

Je crois que c’est le contact avec les gens. J’ai découvert que l’amour était possible autrement. J’ai tout mis en œuvre pour être concertiste, mais j’avais démarré trop tard. Alors j’ai appris le violoncelle car c’est un instrument très proche de la voix et je suis très sensible aux voix graves. A l’âge de 14 ans ma mère qui était ma répétitrice, de colère a attrapé mon violoncelle et l’a balancé sur moi. Il est tombé et il y a eu un trou dans cet instrument que j’adorais. La violence s’est immiscée par la musique et j’ai choisi d’arrêter de jouer pour stopper cette violence. Mais ça n’a pas été le cas malheureusement !

La musique est revenue dans votre vie plus tard ?

A 18 ans J’ai pris un boulot alimentaire et je suis devenue secrétaire médicale. Mais j’allais en concert dans les piano bar. J’ai sympathisé avec le pianiste et je me suis mise au clavier alors que je n’avais pas pratiqué depuis 10 ans. Il me dit on peut entendre le son de ta voix ? je n’avais jamais chanté. J’ai entonné « c’est un beau roman » de Fugain. Le fait d’entendre ma voix et de voir les gens chanter avec moi je suis redevenue cette petite fille de 8 ans. La voix était mon nouvel instrument.

Une découverte qui vous entraine vers la composition ?

j’avais proposé à ma sœur d’écrire un premier album avec lequel j’ai strictement rien fait car il ne correspondait pas à ce que j’étais, ce n’était pas mon histoire. Puis J’ai écrit « Au nom de celles » pour mettre en avant les femmes car mon cursus est fait de rencontres féminines. J’y parlais aussi de mon homosexualité qui s’est révélé sur le tard, car j’ai eu avant des enfants avec un papa. Ca me permettait de parler de sujets qui me touchaient comme les violences conjugales.

C’est à ce moment que vous apprenez votre maladie ?

L’album était sous presse et le 14 avril 2008 je sens une petite boule dans mon sein. et j’ai compris tout de suite, car la seule hérédité que j’avais de ma mère biologique était le cancer du sein. Dans le coin de ma tête j’avais ce truc, je regardais mes seins et je me disais toujours profites en ! Et quand j’ai senti cette petite boule je me suis dit ça y est, ton histoire est là, elle revient ! L’hérédité est là. J’ai été bouleversée mais je me suis dit si l’histoire revient cette fois il faut que tu redeviennes toi, il faut que tu assumes celle que tu es, la chanteuse. Donc tu vas assumer le nouvel album qui va arriver.

La musique a pris toute la place. Cela m’a aidé à mettre de coté ce cancer.

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Comment avez-vous réagi à votre maladie ?

J’étais en rémission en octobre. Et tout le temps de ma maladie je me suis cachée, j’étais invisible. Je ne pouvais pas assumer le fait que j’étais malade, mais une fois que la rémission a été annoncée il fallait que je raconte et j’ai écrit « Ce matin là ». Une chanson qui raconte l’annonce de la maladie, il fallait que je dise que ça n’arrive pas qu’aux autres. Quand autour de moi il y avait un cancer je ne voulais surtout pas voir ! Comment toucher les autres ? Ca peut être nos sœurs, nos copines, nos mères ! J’ai partagé sur les réseaux sociaux. J’ai eu plein de messages de gens qui me disaient : « mais tu racontes mon histoire ! Pourquoi tu en fais pas une chanson, et un clip et si tu fais un clip on veut en faire partie » ! J’ai lancé un financement participatif et en une semaine 3000 euros ont été réunis.

On sait que la maladie éloigne les gens. Est ce que cette expérience vous a prouvé le contraire ?

Le premier cancer a été tabou. J’ai assumé la maladie après avec cette chanson. Mais parfois les gens se sentent agressés par ce titre. Dans le milieu professionnel on m’a dit « il faut surtout pas que t’en parle, il faut que tu retires cette chanson de ton album …  » A part Bashung ou Hallyday aucun artiste émergent n’ira raconter qu’il est malade.

Vous avez été soutenue par une communauté bienveillante ?

J’ai pris le contrepied. Puisqu’on me disait que je ne pouvais pas réussir en parlant du cancer, j’ai ouvert au public qui m’aime pour prouver que le cancer ne m’empêchait pas d’avancer. Les gens qui m’écoutent réalisent que je suis une artiste engagée, bon l’engagement pour un artiste c’est comme le féminisme ! c’est un gros mot, tout comme parler du cancer. Dans mes chansons, je parle de violences conjugales, de l’homosexualité ou de la maladie car ça fait partie de la vie.

[click_to_tweet tweet= »L’artiste #FabyPerier parle sans tabou de la créatiion artistique et du cancer. A lire notre entretien sur le site www.jaipiscineavecsimone.com https://bit.ly/2F6qlJJ » quote= »Bon l’engagement pour un artiste c’est comme le féminisme ! c’est un gros mot, tout comme parler du cancer ! » theme= » »]

Comment avez vous réussi au cours de ces années difficiles à transformer cette vie qui avait si mal démarré en une force si positive ?

Je crois que c’est un instant de survie. Quand je suis née j’étais déjà une combattante dans le ventre de ma mère et je n’ai connu que ça. Enfant il y avait des moments où je pensais que c’était la fin, je me suis préparée tellement de fois à cette fin que quand on m’a annoncé à nouveau que cette fin était là mais je me suis dit cette fin je vais la reculer encore. Ne connaissant que cela je me suis dit que c’était possible.

Il y a des moments ou je ne pouvais pas sortir sans perruque parce que soient les gens vous regardent en vous disant quand est ce que vous allez mourir, soit il y a de la compassion. Mais une fois une femme m’a agressée, elle avait des enfants et elle m’a dit : « vous êtes complètement dingue, vous voyez pas qu’il y a des enfants » et je lui ai répondu mais quel est le problème ? C’est une agression pour eux, on a pas besoin de savoir que vous êtes malade, et je me souviens lui avoir dit les hommes se baladent bien dans la rue sans cheveux, pourquoi une femme ne pourrait pas le faire ? je suis rentrée chez moi, j’ai pleuré et le lendemain j’ai enlevé ma perruque et je suis sortie sans.

Est ce que vous parliez de ce que vous subissiez enfant ?

Non je m’inventais une autre vie. Personne ne savait. J’étais une comédienne, j’arrangeais la vie pour qu’elle me soit supportable. Et probablement que d’être artiste c’est aussi rentrer dans la peau d’un personnage et d’enjoliver la vie. La musique m’aide à cela.

Aujourd’hui il y un album qui vient de sortir. « La renverse » cela signifie quoi ?

Un terme de marin, l’alternance entre les marées hautes et basses et c’est ce qui a jalonné ma vie, c’est aussi le rappel de ce bouleversement de vie qui a eu lieu il y a dix ans. Evidemment j’ai pris conscience que j’étais mortelle et qu’il fallait que je réalise mon rêve. Quand la maladie est revenue en 2017 je me suis a nouveau projetée dans un album pour tenir. Et c’est son écriture qui m’a permis de me battre. Je me suis servie des réseaux sociaux pour contacter Vincent Marie Bouvot qui est le réalisateur de Zazie et de Florent Pagny. Je lui ai envoyé « Ce matin là » et il m’a répondu 5 mn après en disant banco on se rencontre !

S’il n’y avait pas eu cette maladie vous auriez foncé avec autant d’énergie dans cette carrière ?

Ca a forcé la chance. On prend conscience qu’on a qu’une seule vie et la maladie a retiré toutes les barrières, la peur de la maladie est tellement difficile à gérer que toutes les autres peurs deviennent secondaires, donc on ose ! Et surtout ça donne de la force. Quand on est arrivé à vaincre une fois le cancer on se dit qu’on est capable de tout ! La positive attitude invite les gens à croire en nous.

Qu’est ce qui fait que vous gardez encore toute cette énergie, de quoi vous nourrissez vous ?

Les moments de doute je les réserve à l’écriture, c’est une thérapie. J’ai fini le projet d’un livre qui va s’appeler comme l’EP « La renverse » où je raconte mon parcours de femmes, les violences conjugales, mon parcours d’enfant avec la maltraitance. C’est un schéma qu’on répète. Quand on a reçu des coups on pense qu’on les mérite. Il faut beaucoup de travail sur soi pour comprendre qu’on a rien mérité et qu’on peut sortir de ce schéma. L’écriture m’a aidé à comprendre cela. On peut réécrire l’histoire.

« il y a une phrase de Cyrulnik que je me répète tous les matins quand le doute ou la peur reviennent. Un coup du sort c’est une blessure dans son histoire mais c’est pas du tout un destin ».

Est ce que la notion de famille peut aujourd’hui vous parler positivement ?

La famille c’est celle que l’on construit. Je suis maman, j’ai des enfants, des amis qui sont ma nouvelle famille. Je suis très fière d’avoir donné à mes filles une grande ouverture d’esprit.

Quels conseils donneriez vous à des femmes qui sont dans des situations de danger, isolées ou en galère pour ne pas sombrer ?

Je pense qu’il ne faut jamais avoir honte parce que la honte empêche de dire les choses. Mais j’ai eu longtemps honte. C’est un obstacle pour rebondir.

Propos recueillis par Sophie Dancourt.

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