Margaux Gilquin aime écrire des romans. Elle en a toujours plusieurs en tête. Dans ses tiroirs douze chapitres noircis il y a 20 ans attendent une suite et un épilogue. Après le coup de poing médiatique de son témoignage sur ses années de chômage et de galère racontées dans « le dernier salaire » la romancière poursuit sa reconstruction en publiant « Apprendre à danser sous la pluie ». La philosophie de Sénèque est son leitmotiv, son chemin vers la résilience dans une société qui ne lui offre aucune perspective.
La grande maison de tante Marthe est l’antre où toutes les solitudes s’agrègent. François l’amour impossible, Les copines Nade et Martine, Arnaud le psy dessinent des personnages dont on ne sait pas toujours à quel univers ils appartiennent. Réalité ou fiction Margaux Gilquin livre une histoire familiale dont chacun des membres s’est choisi. « Il y a eu un glissement entre le premier récit documentaire et ce livre romanesque. Nade m’a écrit pour me demander si j’aimais la trompette après un concert. Je l’ai imaginé passant devant la maison de tante Marthe. Elle est devenue un personnage à part entière ». Après avoir porté le combat de l’emploi des seniors auprès de Myriam El Khomeri Margaux Gilquin dénonce l’absurdité des formations pour chômeurs et ateliers ubuesques. Elle puise au coeur de ses révoltes l’assurance que l’écriture fait bien partie de son ADN. Les ventes sur Amazone la confortent. Elle tient le haut du pavé depuis deux semaines dans la catégorie santé et bien-être !
La vie par dessus tout
Loin du roman étiqueté « Feelgood » livre « qui donnent la pêche » l’écriture de Margaux Gilquin est pourtant emprunte d’optimisme. Même lorsqu’on se dit que ses personnages sont des rescapés bien cabossés. Difficulté à faire le deuil pour Laure et François. Passé douloureux de tante Marthe qui malgré son âge préfigure les luttes féministes dans un village peu habitué à voir les femmes dirigées un domaine viticole. C’est une voix mezzo voce qui distille l’éloge de la lenteur, la prise en compte de l’instant présent ponctué par un quotidien rassurant. « Je voulais que mes personnages vivent quelque chose d’assez violent et d’irréparable. Malgré la perte d’êtres chers ils sont en vie et il fallait vraiment qu’ils en fassent quelque chose ».
Je voudrais que ce métier de romancière prenne le pas sur tout le reste.
Ecrire est une urgence
Ce quelque chose est une urgence à vivre que possède Margaux Gilquin. Et qu’elle imprime dans sa densité à écrire. « J’écris très vite. 10, 15 jours ». Comme pour conjurer le sort. Rattraper le temps perdu que la romancière étire dans son roman. « Je fais faire ce que je veux aux gens dans mon roman. C’est une belle revanche ! » Sur une vie « sacrifiée par manque de confiance en soi ». Pourtant Margaux Gilquin sait déplacer des montagnes depuis ses années de chômage. En riant elle raconte comment son premier livre voisinait avec celui d’Emmanuel Macron sur le stand de son premier éditeur. Elle préfère un face-à-face.« Je lui ai écrit pour lui proposer de créer un comité de pilotage sur l’emploi des seniors ». Aucune réponse pour l’instant. Mais à l’image de ses personnages, celle qui a tout perdu et reconstruit n’imagine pas que la société puisse se passer des seniors. Nous non plus.
« Apprendre à danser sous la pluie » Margaux Gilquin – Editions Lazare et Capucine
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